L'étudiant écossais Lauder, qui visita Poitiers en 1665-666, nous a laissé une curieuse description du berceau de saint Hilaire, où s'effectuait un genre de cure : "C'est une longue et grosse pièce de bois creusée ; un homme peut y tenir et j'eux la curiosité de m'y coucher un instant. Elle est à demi remplie de paille afin de rendre plus douxle coucher. A ce berceau les papistes aveugles attribuent la vertu de rendre la raison aux déments et à ceux dont la raison s'égare, pourvu qu'ils s'y couchent neuf jours et neuf nuits, les mains liées, un prêtre disant la messe pour eux chaque jour. Et à la vérité, selon ce qu'on croit à Poitiers, le phénomène se vérifie souvent... On 'appelle, communément le berceau des fols ; si bien qu'à Poitiers, il n'est pas de pire chagrin à faire à quelqu'un que de lui jeter qu'il sera bientôt bercé ds le berceau de saint Hilaire..." Lauder parle également d'un autre objet de pélerinage qu'il vit à Saint-Hilaire : la pierre-qui-pue, sarcophage en calcaire fétide, qui répandait une odeur pestilentielle quand on la frottait. Cette pierre survécut à la Révolution et, jusque vers le milieur du XIXe siècle, des malades venaient en racler quelques fragments et les avaler pour se guérir de certains maux, surtout de la fièvre. C'était un ancien sarcophage scilpté gallo-romain ; il en subsiste encore quelques fragments au musée de la Société des antiquaires de l'Ouest.
De toutes ces pratiques, il ne reste plus rien et, dans l'église Saint-Hilaire actuelle, les seuls pélerinages à signaler se font à la statue de saint Thibaud, invoqué contre les furoncles, parfois sous le nom de "saint Clou".
Il existait, paraît-il, de mauvais saints à Savigné, dans la Vienne, notamment à l'abbaye de Montazais, mais je n'ai pu obtenir que des renseignements contradictoires à ce sujet. Signalons cependant que dans une famille de ma connaissance, on consulta pour un enfant malade une "recommandeuse" qui le déclara "taché" d'un saint particulièrement, "mauvais" saint Pâtissant (prononcer "Pâtissin"), lequel, disait-on, rédisait à Montazais. Effectivement, l'enfant mourut quelques jours après.
Mais, dans la même région, il se trouve encore pas mal de saints auxquels on peut faire confiance. Voici, à titre d'exemple, ceux de Charroux :
Les jours de grand pélerinage, une affluence considérable se porte vers les statues diverses, provenant des ruines de l'ancienne abbaye, et conservées sous un abri de bois. Après beaucoup d'efforts, l'aédministration des Beaux-Arts a pu enlever aux pélerins l"habitude de faire brûler des cierges sur les statues ou d'y attacher des rubans, mais j'ai vu moi-même, en 1939, des statues grattées par les pélerins en dépit de toutes les interdictions.
Il est très probable que, dans l'esprit des fidèles, chacune des statues possède un nom et une spécialité thérapeutique, mais il est très difficile de se reconnaître parmi les renseignements contradictoires obtenus. Cependant, d'après les renseignements concordants, fournis par deux marchands de cierges, on peut identifier de la façon suivante les "saints" l'es plus réputés :
La rangée inférieure compte dix-huit statues, parmi lesquelles, de gauche à droite, on trouve :
N° 3 : saint Moqueur (ainsi nommé parce qu'il rit) : il guérit les enfants moqueurs et taquins.
N° 4 : le saint pour les jambes qui guérit toutes les maladies des jambes, telles que varices, exzéma, etc.
N° 8 : un saint qui met une main derrière le flanc : il guérit les maladies desreins.
N° 15 : saint Braillard (ou Braillou), ainsi nommé parce qu'il a la bouche et les yeux usés. Il guérit les enfants qui pleurent trop, ainsi que les ophtalmies.
N° 16 : le saint du sourire, invoqué par les femmes enceintes "pour avoir un enfant gracieux".
N° 17 : le saint pour le coeur (il met la main devant la poitrine). C'est le protecteur des amoureux.
N° 18 : c'est le saint protecteur des manchots, car il a un bras cassé.
Dans la rangée supérieure, on reconnaît surtout une sculpture grotesque, bien connue à Charroux sous le nom de saint Accroupi ; pour cette raison, il guérit la colique (d'où le nom 'saint Locolique" qu'on lui donne parfois), ainsi que les hémorroïdes.
On remarque encore un ange joufflu que d'aucuns identifient à saint Braillard.
Outre les statues réunies sous cet abri, on en distingue d'autres situées, séparément, dans le voisinage immédiat, et qui sont :
Notre-Dame des Anges : invoquée contre les épidémies.
Notre-Dame des Sept-Douleurs : invoquée pour les grandes douleurs de l'existence, les ennuis de famille.
Saint Joseph : invoqué pour la réussite des garçons, notamment aux examens, ou quand pour une raison quelconque, un garçon ne donne pas satisfaction à ses parents.
Notre-Dame du Sacré-Coeur : les jeunes filles vont y faire le jeu des épingles. Elles jettent sur le socle deux épingles ; si elles tombent en se crosant, on a la certitude de se marier dans l'année...
Le berceau de Saint Hilaire et autres saints guérisseurs, Dr Ellenberger, Contes, récits et légendes des pays de France
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