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 Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis

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Joa
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MessageSujet: Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis   Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis EmptyJeu 27 Déc - 11:21

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Pratiques empiriques relatives aux personnes


Si, au siècle dernier (XVIIIe) et pendant une bonne partr de ce siècle (XIXe) les médecins, communément désignés sous le nom de silugiens, chilugiens, ou chirurgiens, assez rares d'ailleurs à la campagne, n'étaient guère réclamés que des gens riches ou aisés, il y avait cependant tout un monde de praticiens, dont l'art et le talent, passablement équivoques, faisaient merveille parmi le peuple.
Outre les charlatans ou arracheurs de dents, qui couraient les foires, opéraient en public et vendaient force drogues et onguents merveilleux, attirnt l'attention de la foule par leur musique étourdissante et leurs jongleries, on voyait dans chaque bourg et village des sorciers, des devins, des panseurs, des panseuse, des toucheurs, des toucheusese pour tous les maux, tant à l'usage des personnes que des animaux, de bonnes commères aux remèdes infaillibles, des bailleuls et rebouteurs pour les luxations, entorses ou foulures ; enfin, par-dessus tous, le guérisseur universel, qui n'était pas si commun.

C'est de cette fourmilière d'empiriques, c'est de leur pratiques étranges, et souvent désopilantes, qu'il s'agit, messieurs, de vous entretenir. Evidemment, nous ne pouvons explorern qu'en courant ce vaste domaine pharmacologique, qui offrirait matière à un formidable codex... Voici du moins, sur ce sujet, quelques détails recueillis en Saintonge et en Aunis.
Si les riches goutteux avaient la faculté de se payer le luxe de porter une hématite au doigt, dans l'espoir de se débarrasser de leur infirmité, les pauvres diables sans le sou, réduits à la médication que rappellele fabuliste :

Goutte bien tracassée
Est, dit-on, à demi-pansée,

étaient forcément obligés, alors srtout qu'ils ne pouvaient plus remuer ni pied ni patte, de chercher du soulagement en dehors du silugien et de l'apothicaire, qui coûtaient toujours fort cher, avec leurs petits remèdes anodins, émollients et détersifs.
Le plus énergique et meilleur curatif connu e toutes les commères consistait à faire absorber, chaque matin, au goutteux, la quantité de liquide excrémentiel qu'il avait, pendant la nuit confiée au vase d'ignominie. Mais comme il y avait un infinité de ziroux (délicats), auxquels la chose répugnait, on avait la facilité, fort heureusement, d'employer une autre recette. Tout simplement, il s'agissait de métempsychoser le mal. A cette fin, l'on faisait cuire dans le susdit liquide un morceau de lard ou un oeuf, dépouillé de sa coque, que l'on jetait à un chien ou à un chat, et le pauvre animal qui mangeait la pitance héritat par transmission, ipso facto, des douleurs arthritiques, dont l'autre - je veux dire le goutteux - était complètement délivré.
Contre l"hystropisie, l'hypocrisie ou hydropisie, nos paysans fontencore usage d'un joli petit topique à la portée de toutes les bourses. On prend une grenouille de buisson, on la coupe en morceaux, on l'applique sur les reins et, sous son influence, il s'opèe bientôt une action diurétique telle, que toutes les sérosités morbifiques sont taries... en rien de temps !
Si le pauvre hypothéqué n'est pas si dégoûté qu'il ne puisse s'ingurgiter une bonne infusion de graines de carotte dans le liquide urinaire susmentionné, qu'il compte être remis à neuf après avoir réitéré l'opération pendant huit ou dix jours. Il paraît que la même potion coupe raide la fièvre et fait disparaître en un clin d'oeil le plus enragé mal de gorge, mal qu'enlève aussi supérieurement bien un simple cataplasme d'âchets ou vers de terre.

J'ai nommé la fièvre... mais ellese traitait de plus de cent mille façons ! Qui ne sait qu'un petit crapaud emprisonné dansun sachet d'étoffe et porté suspendu au cou, ras la peau, est un fébrifuge imanquable ? Deux ou trois décoctions de peau de serpent, ou bien deux onces de poudre de vipère dans du pain à chanter, produiosaient le même effet, et tenaient lieu de quinine, de quinquina ou d'antipyrine.
Coupaient très bien la fièvre : deux bracelets d'herbe de la rue, préparés la veille de la Saint-Jean, des infusions de gui ou de petit-chêne, saupoudrés de poussière sépulcrale, obtenue par le grattage, dans certaines églises. les pierres du tombeau de saint Eutrope, à Saintes, étaient, sous ce rapport, très renommées. La raclure en était mise aussi dans du vin blanc, et l'on en prenait un doigt, pendant neuf matins, pour guérir toutes sortes de fièvres. D'aucuns s'attachaient sur la poitrine, sur le ventre, sous les aisselles, ou suspendaient au cou tout un régiment de mots cabalistiques : abracadabra, agla, garnaze, Eglatis, Egla, etc., ainsi que des amulettes ou des talismans magiques, astronomiques, galvaniques, magnétiques, omnigériques enfin, fortement encore à la mode, n'en déplaise aux progressistes !
Il n'y avait, en outre, des commerces excessivement habiles - etb il y en a encore de cette fine trempe - qui faisaient passer la fièvre rien qu'en connaissant la nombre d'accès ! Et qu'on me parle après cela de nos célébrités contemporaines qui vous droguent à vous momifier !
Il suffisait à d'autres, pour atteindre le même but, de faire sur le malade des passes, comme font à peu près aujourd'hui les hypnotiseurs et les magnétiseurs, ou bien de réciter sur le bébricitant, en lui imposant les mains, des prières mystérieuses, à certaines heures du jour et de la nuit ; d lui faire absorber de petits billets bouchonnés sur lesquels étaient inscrits des figures cabalistiques ; de glisser dans sa poche tel ou tel nombre de grains réputés bénits ; et aussi, de lui déposer sous sa langue, juste le temps de dégoiser la patenôtre de Belzébuth, un oeuf d'écharbot (escarbot : nom usuel de divers coléoptères), animal du diable qu'on croyait s'engendrer tout seul...

Aux petits enfants tourmentés des vers, on faisait prendre de la poudre de ténia. Parfois, on leur plaçait tout simplement sur le ventre, soit du fil filé par une vierge, soit du plomb fondu dans de l’eau, ce qui forçait les répugnants insectes à se tenir cois, ou à déguerpir.
Il arrivait souvent que la santé du bébé inspirait de graves inquiétudes aux parents. S’il dépérissait quelque peu – et c’était le cas le plus ordinaire – on devinait bien vite sa maladie : il était battu de quelques saints, que l’on avait irrités, et qui faisaient ainsi sentir leur colère. Pour lors, il était urgent de les apaiser. Mais, pour ce faire, il fallait les connaître, et pour les connaître, on recourait au devin et quelque fois au sorcier. Le devin faisait sauter le sou marqué. C'est-à-dire qu'il prenait un sou - de préférence un sou de six liards -, le plongeait dans un vase rempli d'eau, bénite, disait-il, pour son opération, et faisait subir au liquide un certain nombre d'évolutions. Eclairé par cette cérémonie, l'opérateur déclarait ravement aux parents ou à leurs envoyés que l'enfant était battu de dix, vingt, quelque fois quarante saints, suivnt le nombre de fois que la pièce de monnaie s'était élancée du plat ou bassin rempli d'eau. Il citait le nom des saints, que l'on devait s'efforcer de retenir, et qu'à cet effet, l'on écrivait, quand on savait le faire, et les bonnes femmes du village étaient chargées de désarmer leur vengeance. Naturellement, les trop crédules consultants abandonnaient leur pièce de sx liards au devin, qui, en outre, se faisait grassement payer sa consultation.
En ce bon vieux temps-là il ne fallait ni se purger, ni se baigner, du 24 juillet au 26 août, de peur d'attraper la canicule... dévoiement effroyable, qui dégénérait souvent en jaunisse [notons, en passant, que jadis on se purgeait avec de la racine de coi sauvage, ou gratiole. Aujourd'hui on préfère, à cet effet, faire dissoudre dans un verre d'eau 50 ou 60 grammes de surface de malaisie...(sulfate de magnésie), ou prendre l'huile d'érisson (de ricin)].
Heureux si l'on pouvait s'en tenir à la jaunise !... car la jaunisse n'était pas irrémédiable... Le meilleur rogomme était alors le contenu de l'urinal, dans lequel on faisait macérer quelquefois une racine de coi sauvage ; d'autres recommandaient cinq pilules de matière fécale de bique, dans un verre de vin blanc, deux fois le jour, pendant huit jours.
Un cataplasme d'araignées pilées, appliqué sur les tempes, vous délivrait de la fièvre tierce. Le jus de l'ortie blanche empêchait une fluxion de poitrine de faire des progrès.

Ceux qui avaient un astre sur la potrenne (poitrine), ou qui en étaient battus (il s'agit ici de l'asthme), n'avaient pour se soulager qu'à se faire tondre les piaux (cheveux), les faire griller sur un réchaud et en aspirer la fumée, qui, en leur montant au nez, aisait miracle !
Le céleri était surnommé le balai des rhumatismes. En manger abondamment, mêler à son breuvage l'eau dans laquelle on l'avait fait cuire, les contraignait à aller chercher fortune ailleurs. Le bouillon de vipère lui était encore supérieur.
Ah ! vous n'auriez pas fait vendre - quand bien même vous lui auriez promis des montanes d'or - les cheveux à une femme... elle eût trop grand peur de souffrir bientôt toutes les douleurs qu'ils couvriraient.
On combattait encore les tortures de l'asthme à l'aide de pilules d'ellébore que leshystériques et les paralytiques ne pouvaient consciencieusement dédaigner. Mais c'est principalement contre la folie que l'on ventait ses précieuses qualités. Et, chose tout à fait digne de remarque, son action spéciale sur le cerveau était tellement préconisée, que les philosophes, avant leur méditation, les orateurs politiques et les avocats, avant de prononcer un discours, lui demandaient l'excitation féconde que beaucoup, aujourd'hui demandent au café... En étaient-ils plus éloquents ? Hélas ! on aurait peut-être pu dire encore à plus de quatre, comme le lièvre du papa La Fontaine :

Mon compère, il faut vous purger
Avec quatre grains d'ellébore !...

Le cérumen des oreilles, roulé en granules, apaisait les coliques et tranchées...
Le cérumen encore, cut avec de l'huile de noix, forme un onguent sans pareil pour les engelures.
On remplaçait le cérumen par de la poudre d'ellébore pour la gale. Mais le spécifique par excellence pour cette affreuse phlegmasie psorique se composait d'un jaune d'oeuf cuit sous la cendre, délayé et battu dans une demi-livre de beurre frais saupouré de cendre de javelle. On s'en faisait oindre le corps des peids à la tête.
Les incomparables vertus que l'on attribuait à la graisse humaine la faisaient grandement rechercher desmamans et des... coquettes. Aussi les bourreaux la vendaient-ils au poids de l'or. On l'employait contre les convulsions infantiles. En ce cas, on l'étendait sur un lainage et l'on en frottait le corps de l'enfant. C'était aussi un préservatif.

Les belles dont la variole avait décharné les traits en faisaient usage pour combler les petites cavités que la maladie avait creusées sur leur visage. Elle aplanissait toutes les défectuosités de cette nature et finalement les faisait disparaître. On s'en servait aussi fructueusement pour empêcher les rides de se creuser ; en un mot :

Pour réparer des ans l'irréparable outrage...
Infaillible contre les rousseurs, elle rendait encore la peau lisse et veloutée comme du satin. C'était le Royal-Windsor de ce temps-là. Ce qui n'empêchait pas le diable d'en tirer parti pour ses maléfices et d'en composer un onguent magique qu'il passait aux sorciers afin de les rendre invisibles à l'heure du sabbat (qu'on se rappelle aussi les chandelles des mains de gloire qui rendaient invisibles, et dans la composition des quelles la graisse humaine jouait un grand rôle, aussi bien pour l'extraction de la mandragore).
Le malheureux "incapable de reteir ses eaux" n'avait, pour corriger la nature, qu'à prendre des os de mort, les réduire en cendre, et, epndant trois matins, en absorber une bonne pincée dans une cuillère de soupe.
Pour arrêter les hémorragies les plus rebelles, on fait goutter son nez sur la pelle rougie du foyer, et le sang s'arrête net. On peut encore vous glisser deux pailles en croix dans le dos. Ce qu'il y a de mieux, c'est de vous lier fortement avec une corde le petit doigt replié de la main opposée à la narine d'où le sang coule, et il s'arrête illico.
Un de vos proches vient-il d'être frappé d'un coup de sang : procurez-vous vite un crâne de pendu ; râpez-le ; faites-en avaler gros comme un pois au pauvre apoplectique, et il reviendra de suite à lui.
Voulez-vous faire passer les fis ou parasites verruqueux qui vous sont survenus aux doigts : qu'il vous suffise de leur dire bonsoir le matin et bonjour le soir, pendant les quarante jours de carême, sans manquer une seule fois...
Dans le cas où vous désireriez quelque chose de plus expéditif, prenez autant de pois que vous avez de fis ; jetez-les dans un puits, en courant à toutes jambes, pour ne pas entendre le bruit qu'ils feront en tombant dans l'eau..
Si cette recette ne vous va pas, en voici une autre. Un beau soir que la lune sera dans son plein et brillera du plus parfait éclat, plantez-vous tout seul devant elle et fixez-la un instant, mais sans rire ! Saisissez ensuite de la main droite, en bous baissant et sans détourner les yeux du globe lumineux, quoi que ce soit qui vous tombe sous la main : motte de terre, caillou, feuille d'arbre, et jeetez-le derrière vous, par-dessus l'épaule gauche, après en avoir frotté vos fis, et allez dormir en paix sur les deux oreilles : dans quelques jours, vous n'aurez plus rien aux doigts. Les taches à la peau peuvent se faire passer dela même façon

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MessageSujet: Re: Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis   Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis EmptyMer 2 Jan - 14:52

.../...

Mais ne vous amusez jamais à compter les fis d'un autre : il vous en pousserait tout autant et dans le même endroit. Le faire faire à autrui est une vilaine malice qu'il faut charitablement éviter.
Quiconque souffrait des dents, s'efforçait de patienter jusqu'à la foire. Les charlatans faisaient alors merveille. Avec leurs costumes excentriques, leur musique endiablée perchée sur l'impériale de leurs vastes voitures, ils attiraient toujours une foule innombrable. A la pointe de l'épée, on arrachait sans douleur les molaires les plus rebelles, et avec une goutte, une seule goutte, du plus mirobolant de tous les spécifiques, on prévenait pour jamais le retour du mal. Et les bonnes gens, aussi simples que crédules, se pâmaient d'aise au récit fantasmagorique, et entremêlé de grosses facéties, des cures prodigieuses qu'ils avaient opérées. Et l'on montait à l'échelle, en faisant queue des heures entières, pour se faire charcuter la bouche, pendant que le t'sim boum boum faisaient trembler ciel et terre, afin d'empêcher la multitude d'entendre les cris épouvantables que poussaient le patient. Pour un décime et le dentifrice par-dessus le marché !... Ce n'était pas cher, et l'on en avait pour son argent ! Et l'on conservait religieusement la petite bouteille, l'élixir, dont la vertu principale était quelquefois de ne pas aggraver le mal.
On faisait taire encore la douleur, en appliquant de la racine d'asperge, desséchée à l'ombre, sur la dent malade, et bientôt elle tombait sans qu'on s'en aperçût. De nos jours, on préfère de beaucoup l'encens.
C'est encore aux charlatans, le jour de foire, que l'on achetait de préférence les médicaments dont on pouvait avoir besoin dans tel ou tel cas : la thériaque de Venise, qui était alors la panacée universelle ; l'élixir de vie, dans la composition duquel il y avait de l'or potable, et qui, cependant, se vendait à un prix accessible à toutes les bourses ; le baume universel, qui guérissait tous les maux passés, présents et futurs ; les poudres de perlimpinpin de toutes sortes, pour les bêtes et les gens. La meilleure se faisait avec un chat écorché, un crapaud, un lézard et un aspic, qu'on mettait sous de bonnes braises, jusqu'à ce que tout fût incinéré.

Il y avait bien un côté chiffonnant, c’est que tout contrôle, toute garantie étaient impossibles, mais l’artiste qui vantait sa marchandise était si éloquent, si persuasif, que l’on achetait quand même !
Feu la tante de ma grand-mère faisait fondre les orgelets, en y appliquant un grain d’orge mâché à jeun ; mais elle n’avait pas la gloire d’être l’inventrice de ce petit pansement. Se souffler à jeun dans le nez, quand il vous cuit, déloge promptement le mal.
A l’aide d’un verre d’eau froide posé en plein midi et en plein air sur la pauvre caboche frappée d’insolation, certains empiriques tirent{/i] encore [i]le coup de soleil. L’eau se met bientôt à bouillir et la douleur s’envole en se vaporisant.
On porte également prompt remède au gonflement des amirales (amygdales) aussi bien qu’à la chute ou procidence de la luette, en se faisant tirer une certaine petite mèche de cheveux sise sur le point zénithal de la tête mais ce système ne peut être qu’à l’usage des jeunes. Allez donc opérer sur un crâne dénudé !… C’est le cas de dire : « Pas mèche ! »
On envoyait le mal de tête en achetant et en portant sur soi des pierres à migraines, sorte de petits cailloux ronds, qui heureusement ne se vendaient pas trop cher : l’on en avait jusqu’à trois pour deux liards… Une bonne prise de sel agissait encore très énergiquement. C’était meilleur marché que le cristal névritique, ou pierre américaine antimigraine, qui a fait fureur, un instant.
Pour empêcher le retour des hémorroïdes, gardez constamment dans votre poche un ou trois marrons d’Inde, jamais deux… le mal empirerait !
Le cataplasme de bouse de vache toute chaude s’appliquait avec fruit sur les piqûres des insectes venimeux, et ceux de fiente de brebis détrempée dans du vinaigre, sur les furoncles.
Un bon remède, encore contre l’enrhumure, de quelque nature qu’elle soit, c’est la moque de routie au vin sucré ou non, que l’on approche du feu pour boire chaud, à l’imitation des Grecs et des Romains, et dont la vidange se double, triple, quadruple ou quintuple, selon la capacité de l’individu.
Faire godaille alias, faire «chabrole, c’est-à-dire rincer son assiette à soupe avec un coup de rouge pur, que l’on avale tout d’un trait, c’est gagner quarante sous sur le médecin. Qu’on se le dise !…

Avec une si bonne pharmacopée, silugiens et apothicaires ne faisaient pas si facilement fortune qu’aujourd’hui. De plus, de tous côtés, affluaient panseurs et toucheurs pour tous les maux, qui opéraient, et opèrent encore, des cures, des cures stupéfiantes !…
Si nos anciens rois de France avaient, le jour de leur sacre et en d’autres circonstances, le pouvoir de guérir certaines maladies, et surtout les écrouelles, ils ne pouvaient être les seuls à jouir de ce privilège.
Le toucheur d’écrouelles vit encore., Pour être authentique, il doit réaliser certaines conditions indispensables.
D’abord, il ne peut être qu’un septième enfant mâle – sans qu’une fille soit venue interrompre l’ordre de progéniture – ou une septième fille, sans qu’un garçon soit pareillement intervenu dans la succession d’icelles. Il faut en second lieu que ce septième garçon ou septième fille porte sur son corps une certaine marque très caractéristique, imprimée par la nature et qui dénote la faveur incomparable dont il est gratifié par le ciel : triangle, cœur, croix, étoile, fleur de lis ou autre stigmate, qui se dessine sur la cuisse, sur le bras, sur le cou, sur la poitrine, sur le visage ou ailleurs, en se rubéfiant comme les envies.
Pour se faire toucher par ledit guérisseur, il est obligatoire de se rendre à son domicile avant jour et à jeun, la veille ou le matin de telle ou telle fête. Jadis, il se rendait très bien dans la famille où il était appelé, mais les lois relatives à l’exercice de la médecine ont changé les choses. Aussitôt entré, la cérémonie commence. On se met à genoux, on récite avec lui des prières, à la suite desquelles il touche le mal, et le pansement est achevé. C’est aussi simple que « Bonjour monsieur » ou « Adieu ma cousine » ! Comme honoraire, il ne réclame rien : cela se comprend, c’est le droit exclusif des médecins bien et dûment attitrés ; mais il ne refuse jamais ce qu’on lui offre. Il a même une certaine prédilection et de certains égards pour ceux qui lui donnent grassement. Ce que l’on doit réitérer à chaque visite, jusqu’à complète et entière guérison.
Ce qu’il y a de plus étrange en tout cela, c’est que le « toucheur » était en général in assez répugnant personnage – comme on en peut encore juger aujourd’hui -, peu soucieux, malgré les neuvaines guérissoires, des principes ou des devoirs religieux :

Ne sachant bien souvent que sa croix, de par Dieu.
écorchant avec assez de talent ses oremus prétendus obligatoires.

Pour se donner parfois une façon plus imposante, il ajoute un tas de simagrées : passes, insufflations, ect..., que les gens naïfs et les sots regardent comme de nécessité absolue. Mais, en somme, qu'importe tout cela, comme on dit dans le peuple, s'il guérit le ml ?
En l'absence de tout penseur, les empiriques ordonnaient aux malheureux scrofuleux de boire pendant un certain laps de temps dans un crâne humain... D'autres préféraient par intervalles appliquer sur leurs plaies une main de mort - mort de maladie - jusqu'à ce que le froid y pénétrât. Les deux choses se faisaient même simultanément.
Pour le chancre, le goitre, les flux de sang, les migraines, les jottras (oreillons), les dartres et une foule d'autres, les panseurs d'aujourd'hui proèdent à peu près de la même façon que leurs antiques consorts. Toutefois, nous remarquons que les dartres ont surtout des panseuses, et plusieurs d'entre elles ne touchent même pas le mal. Elles se contentent d'y appliquer un petit morceau de bois vert, en marmottant je ne sais quelles litanies, puis elles retirent le peit morceau de bois, sur lequel elles jettent des milliers d'imprécations, de maudissons, de perditions ; après quoi, elles le suspendent sous le manteau de la cheminée. Aun fur et à mesure qu'il sèche dans l'âtre, la dartre s'effeuille, c'est-à-dire qu'il s'en dégage des pellicules ou écailles, jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement, ce qui arrive quand le bois est tout à fait sec.
Les bourreaux, au retour d'une exécution, guérissaient aussi par le contact certains maux. L'on croyait même qu'il était alors dangereux de se jouer d'eux, parce qu'ils pouvaient vous causer bien du tort.
Eprouveriez-vous le désagrément de transpirer des mains, au point de les avoir moites constamment ? Etouffez une grenouille dans la dextre, et vous serez délivré de cet inconvénient. La main taupée, ou main chaude encore d'avoir étouffé une taupe, avait le don, par son seul contact, d'endormir l'odontalgie la plus rebelle.
Aujourd'hui la taupe possède et confère encore un autre privilège. L'enfant dans le maillot duquel on en a étouffé une acquier par le fait même le privilège de panser les vers-taupes...
Les vers-taupes ?... Hippocrate en parle-t-il ? Je ne sais.
Voici, toutefois, ce qu'il en pourrait dire...
De même que les taupinières surgissent ça et là dans les champs ou les prés, de même sur certaines parties du corps, sur le cou, par exemple, et sur... ce qui s'assied..., on voit poindre et grossir certaines tubérosités assez semblables à des furoncles, dont la pointe seule finit par légèrement suppurer. A peine la première a-t-elle percé, qu'il en survient une seconde, puis une troisième, puis une fourmillière...n au point de condamner le patient à un douloureux torticolis susceptible de durer de six à huit semaines, et quelquefois plus. Ah ! quel bonheur, en pareille conjonsture, de pouvoir se débarrasser de toute souffrance en troisn ou quatre jours ! Dans ce cas, on va vitre trouver le traiteur-taupier, qui récite avec vous, ses toutes-puissantes prières, vous touche légèrement, et c'est fait !...

Si nos savants docteurs entendaient parler du chape ou chaple, assurément ils n'y comprendraient rien ! Cependant, à l'inspection, ils constateraient qu'il s'agit ici de certaines glandes au cou et au sein et ordonneraient... Peuh !... Qu'ils reposent en paix ! Ils n'y verraient que du bleu... Mieux vaut mille fois recourir au spécialiste. Celui-ci commence par tirer son couteau. Tout en débitant ses formules précatoires et imprécatoires, il touche légèrement le mal avec la pointe de la lame, qu'il pique et repique ensuite dans le bois de la porte, derrière laquelle il se tient. Tout à coup, il s'approche de vous, vous retouche une dernière fois, ferme l'instrument et vous congédie en vous promettant une délivrance très prochaine. En effet, au sortir de la paroisse, en traversant tel ou tel pont, ou à vous rendant à tel endroit déterminé, si vous êtes de la même commune, l'enflure crève, et vous voilà soulagé !
Dans certaines contrées, il est absolument requis que le pnseur soit charpentier, sans quoi l'on n'a qu'une médoicre confiance en sa vertu. Le brave homme, au lieu de couteau, prend alors... une hache, vous couche sur l'établi, et fait mine de vous en assener un formidable coup... dans la région chapelouse... Mais n'ayez crainte : ce n'est que pour semblant..., il s'arrête à temps, juste à temps, comme le père Abraham sur le point d'immoler Isaac...
Certaines vieilles mazettes ont encore la prétention de guérir le point de côté en appliquant sur le siège du mal deux brins de rameau bénit, en croix, et en récitant dévotement cette singulière prière : "Pointe ! pointe sur pointe ! Que Dieu te guérisse de cette pointe, comme saint Côme et saint damien ont guéri Notre-Seigneur au jardin des Oliviers..." (saint Côme et saint Damien, son frère, tous deux médecins souffrirent le martyre, l'an 303 de Jésus-Christ) Mais, le plus souvent, le point de côté se traite par attouchements, comme l rate et le carreau. La rate, tout le monde connaît ce mal : mais le carreau ? Il serait bien difficile d'en préciser le diagnotic. Il s'annonce pourtant par uin certain gonflement du ventre. Le toucheur appelé, une fois rendu, on récite avec lui je ne sais quelles prières, puis,

Moribus ingenuas gentes !...
il applique tout simplement la main sur la partie malade.. et presque aussitôt inflammation et douleur disparaissent comme une ombre...

Enfin, on n'était pas si crasseux, il y a trente ans, que d'ignorer le nom, la demee ou le pays du guarissoux universel. Celui-là... c'était un phénomène... et sa destinée se dévoilait avant qu'il vît le jour... Si la mère qui le portait dans son sein sentait reviler l'enfant pour la première fois alors qu'elle se trouvait au-dessus d'une source, près d'un puits ou d'une fontaine, bonheur ! Il jouirait du privilège, dès qu'il serait en âge, de guérir toutes les maladies, sans exception. Son pouvoir d'étendait aussi sur les luxations, entorses, tressaillures ou foulures, etc. Il y avait même des maux que pour faire évanouir i lui suffisait de regarder... Aussi les plus habiles bailleurs et rebouteurs ne pouvaient-ils s'y frotter !

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MessageSujet: suite...   Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis EmptyLun 7 Jan - 11:07

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Pratiques empiriques relatives aux animaux


Avant que la culture de la vigne eût pris de l'extension que naguère nous avons connue, il n'était point de laboureur à boeufs, ni même de laboureur à bras, un tant soit peu ébauré dans ses affaires (c'est-à-dire capable de marcher. On dit d'un enfant qu'il est à peu près ébauré, quand il commence à aller seul) qui n'eût son grand ou son petit troupeau de moutons. C'était là une source de revenus qui ne nécessitait guère de gros frais. Les communaux, les chaumes, les jachères, les lés de chemins, les bois taillis, offraient des pacages naturels très aantageux. les femmes en général se chargeaient de la conduite et de la surveillance des bêtes lanifères ; les jeunes faisaient leur apprentissage sous la tutelle de leurs aînées ; elles se formaient au maniement du fouet, se familiarisaient avec les expressions techniques indispensables pour se faire comprendre du petit personnel.Et pourn utiliser doublement leur temps - car si l'on ne disait pas comme aujourd'hui, Time is money, on le pensait tout aussi bienet l'on agissait en conséquence - l'on tournait le fuseau, l'on brochait (les aiguilles à tricoter s'appellent encore des broches, d'où brocher) les gilets de laine, l'on tricotait des chausses. L'on acquérait, en même temps, selon les circonstances, les mille et un petits secets du métier ; pour tout dire enfin, on faisait ses classes. Or, tout le monde sait que "faire ses classes" ce n'est pas l'affaire d'un jour !
Jusqu'au chien, cet inséparable compagnon de la bergère, qui devait faire les siennes !... Pour cela, on le prenait ab ovo ; on lui inculquait la science, le discernement des différents signes ; on lui enseignait à ne pas confondre ls noms ou les individus ; à ne pas aller mordre, par exemple, le Besson à la place de Grand-Calé, chaque bête ayant son nom propre. Le mentor en cotillon était chargé de son éducation. Et quand on le jugeait suffisamment éduqué, on lui donnait ses grades. Tout cela n'exigeait pas autant de temps et de dépenses que pour l'âne de la fable, qu'un docteur sans précédent voulait faire bachelier en dix ans.
Un beau matin, il subissait ses épreuves, et voici quel était le programme.
Sa maîtresse l'appelait. Le docile élève arrivait. Sans plus de préambule, celle-ci le saisissait par l'appendice caudal, l'enlevait à bout de bras, le faisait tournoyer sept fois au-dessus de sa tête ; après quoi, armée de ses impitoyables ciseaux, elle retranchait trois anneaux dudit appendice, en dépit des cris épouvantables dont il étourdissait ciel et terre. C'était la première partie.
Quelque temps après, on passait à la seconde. A l'aide d'un grand forceps ou de grandes cisailles, en deux temps et trois mouvements on vou l'essorillait, c'est-à-dire, on lui coupait les deux oreilles... car, comme il est dit que :

Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée...
on croyait par là prendre les précautions nécessaires pour qu'il ne devînt ni chétif chin, ni chin gâté (chétif chin, chien méchant, hargneux. - chin gâté, enragé, parce que l'on croyait que quand un chien avait été attaqué par un loup et mordu, aux oreilles surtout, il devenait hydrophobe) ; puis, on lui passait au cou un énorme gorgerin hérissé de longs clous pointus, et ainsi :

Un loup n'eût su par où le prendre. (La Fontaine)

Par le fait même, on lui délivrait un certificat d'aptitude et on l'armait quasi-chevalier. Désormais il réalisait en toute vérité ce que Delille a si bien dit de lui :

Formé pour le conduire et pour le protéger,
Du troupeau qu'il gouverne il est le vrai berger.


Aussi, lorsque la pastourelle marchait en tête ou à la queue du petit bataillon bêlant, drapée, quand la saison le commandait, dans le grand tablier de nouis [ou de nouat (Montlieu)] jeté sur ses épaules en guise de manteau, la quenouille au côté, le fouet dans une main, la marmotte (sorte de chaufferette en terre) dans l'autre ; qu'elle poussait de temps en temps l'invariable cri de ralliement : hi, hi, hi, hi, rou, rou, rou, rou, rou..., il savait, lui, le satellite inflexible, qu'il était de son devoir, si quelque étourdi, faisant la sourde oreille, s'attardait le long du chemin ou s'écartait quelque peu pour broûter l'herbe tendre, de le mettre, d'un coup de croc, vite au pas. Et il n'avait garde d'y faillir.
Florian a eu beau couronner de fleurs et de rubans ses trop coquettes bergères : ut n'était pas rose pour cela, dans le métier. Outre les intempéries des saisons, Il y avait plus d'un danger à affronter. Un des plus terribles était bien le loup... le loup, alors qu'il se jetait tout d'un coup sur le troupeau. Ah ! certes, ce n'était pas le moment d'oublier les leçons des grands-mères, écho de l'expérience des siècles. En un retour de main, on virait son coiffis à l'enre vers [alias : on le jetait dans le bouëssan (buisson)], l'on defaisait son bichounis (chignon), et l'on se précipitait, les cheveux épars, au-devant du fauve en poussant de toute la force de ses poumons ce formidable cri, qui devait le glacer d'épouvante : "Arrrrache te le là, vilaine bête !..." ou bien : "Fouis de là, bête de chin gâté, le diâble te brrrule et nous garde la bonne sainte Geneviève !..." Et le larron se sauvait bien, mais en emportant la plupart du temps le plus joli mouton du troupeau. En fin de compte, il ne restait plus qu'à remettre le malheureux coiffis... et à le remettre... correctement.
Le serpent, ce biblique ennemi de la femme, était aussi fortement à redouter. Quand il se dressait sur le hallier, qu'il montrait son triple dard menaçant, que son sifflement se faisait entendre, la plus intrépide bergère frisonnait malgré elle ; le chien lui-même, qui pressentait le danger, allait chercher un refuge sous les jupes de sa patronne... Ah ! si, par malheur, l'affreux reptile allait sucer le lait d'une brebis !... C'en était fait du remeuil... (pis). Adieu le lait pour jamais !... Des caillots plus ou moins durs, bons absolument à rien... c'est tout ce qu'on pouvait en tirer... Que faire donc en pareille occurrence ? Se laisser fasciner comme l'aIeule de l'Eden ? Allons donc ! C'était l'occasion ou non jamais de faire preuve de courage, de tact et d'habileté. Vite, vite, on prenait un coin su tablier, on le moulinait, comme la manivelle d'un orgue de Barbarie, penant quelques instants, en regardant bien fixement le redoutable animal, et, vaincu bientôt par la force du charme, il descendait lentement dans le buisson, glissait à terre et se dissimulait timidement dans son trou.

Ars miranda feras oculo incantare furtes
Atque manu !...


Les maux de toute sorte, les épidémies surtout, qui pouvaient décimer la famille ovine, étaient bien une autre source de soucis pour le coeur maternel de la bergère. La tendresse lui faisait un devoir de connaître les moyens pratiques de mettre ses chers nourrissons à l'abri de toute atteinte.
En général, quand on étrennait un bercai, il était reconnu parfait d'y égorger une poule noire avant l'introduction d'aucun quadrupède (Marencennes et environ). C'était la part du diable: sacrifice d'agréable odeur qui le faisait sourire de satisfaction et qui le déterminait à défendre à tous les agents ou employés de son ministère d'y porter tort ou nuisance par l'étisie, la cachexie, la cacochymie et toute affection pernicieuse. En outre, il fallait faire jaillir sur les murs, le sang de la victim, afin que l'ange exterminateur vît qu'il n'avait là rien à faire.
Dans l'arrondissement de Jonzac, il n'y avait pas de meilleur préservatif contre les maladies contagieuses que de faire passer par la fumée du feu de la Saint-Jean les animaux et même... les enfants.
Du côté de Matha et d'Aulnay, on était plus prudent. L'on attendait que le feu fût éteint. L'on passait alors un balai dans les cendres et l'on en marquait chaque agneau en le frappant sur l'arrière-train et en disant : "Te garde, monsieur saint Jean !" Ailleurs, on jetait dans l'auge ou dans l'abreuvoir des parcelles de charbon provenant du grandmât au long duquel on avait entassé le bûcher.

Le lendemain, jour de la Saint-Jean, les jeunes bergères s'évertuaient à se lever le plus matin possible. Il y en avait même qui ne se couchaient pas pour être plus tôt debout. Un grave motif les y portait : celle qui, la prière, pouvait faire passer son troupeau à travers les cendres du grand feu de la veille, avait sans conteste le plus beau troupeau du village de toute l'année ; excellent moyen de combattre l'indolence ou la paresse, après une nuit en partie passée à la danse. Et quelle tait la bergère, qui, ce même matin du 24 juin, eût voulu conduire son troupeau aux champs, avec le fouet accouumé ? Ah ! certes, elle eût eu beau jeu ! La clavelée ou variole, la gale, le chancre, le muguet, la cocotte, toutes les maladies épidémiques enfin,, à la queue les unes les autres et quelquefois en bloc, seraient infailliblement venues s'abattre sur le troupeau.
Si pourtant la contagion pénétrait dans la bergerie, on mettait tout en oeuvre pour la déloger de là. A cette fin, on enfumait le toit avec des branches d'arbres résineux disposés en croix, tels que genévrier, pin, sapin, melèze, ou avec des plantes aromatiques comme thym, lavande, absinthe, auxquelles on communiquait la flamme que l'on était allé prendre à la lampe du sactuaire. D'autres préféraient jeter de l'encens sur des charbons ardents, faire évaporer vinaigre sur une pelle rouge au feu, tirer des coups de fusil, faire déflagrer du salpêtre.
Jamais une bonne bergère n'eût osé filer sa quenouille entre les deux Nô (octave de Noël). Elle eût trop peur de voir ses moutons attaqués du fourchet ou piétin, maladie communeà tous les animaux aux pieds fourchus. le bouvier savait bien, de son côté, qu'il en était de même pour ses boeufs, s'il avait le malheurde les effeurmoger, pendant le même laps de temps. Aussi, se gardait-il bien de le faire et préférait-il les laisser croupir dans le fumier, plutôt que de s'exposer à les voir devenir boiteux.
Cependant, si le mal faisiat son apparition - c'était toujours en raison d'une aure cause -, il fallait bien y remédier. Dieu merci, on s'y connaissait assez, et la bergère intelligente n'allait pas frapper à deux portes pour savoir ce qu'elle avait à faire. Un matin, avant soleil levé,elle conduisait le troupeau à l'embranchement de plusieurs chemins. Là, elle plaçait la brebis atteinte, toute seule sur le lopin de gazon qui devait croître isolément entre les routes, se mettait à genoux, tirait son couteau de sa poche, l'ouvrait, soufflait dessus trois fois, puis, avec la pointe, traçait bien exactement le contour du pied malade en récitant une certaine prière. Si, Malgré ce traitement en grande réputation, le mal s'obstinait à ne pas guérir, ce qui arrivait bien quelquefois, on le faisait toucher pendant neuf matins à quelque sybille de village (car il y avait toucheurs pour bêtes comme il y avait toucheurs pour gens), et l'animal guérissait toujours avec le temps soit d'une façon, soit d'une autre.

Les agneaux noirs étaient très appréciés et très recherchés en raison de la couleur de leur toison, qui offrait un avantage et une économie incontestables : pas de frais de teinture ... Mais comme il en naissait peu de cette espèce-là . Cependant, à force d'observations, on était bien parvenu à découvrir le secret d'en avoir un plus grand nombre. N'allez pas croire qu'il s'agisse là du surantique système du patriarche Jacob chez son beau-père Laban, retapé ou perfectionné. Le progrès, grâce à Dieu, avait fait un pas, et on laissait bien loin derrière soi les branches de peuplier, d'amandier, de platane, feuillues ou décortiquées... Il suffisait, le soir de , de regarder, à minuit juste, par le tuyau de la cheminée... et autant d'étoiles on apercevait au bout de la longue-vue enfumée, autant d'agneaux noirs vous naîtraient en temps voulu... Malheureusement, la saison ne permettait guère d'en voir en général un si grand nombre, et c'est évidemment pour cela que les agneaux noirs ont continué d'être un peu rares chez nous.
La naissance de la première agnelle était fêtée presque à l'égal de la naissance d'un enfant. A cette occasion, on se réunissait à la maison le soir, on faisait virer les crêpes et l'on dansait tant qu'à bon compte.
Le 1er mai, la bergère qui voulait promptement faire grossir et grassir ses ouailles, avait une petite opération chirurgicale à, accomplir au point du jour. La veille au soir, elle préparait les ustensiles nécessaires, et

Dès que Thétis chassait Phébus aux crins dorés,

elle entrait en besogne. Chacun de ses moutons lui passait par les mains ; elle leur ajoustait, un par un, la quouette (queue) sur la sellette, et d'un coup de hache, elle en rognait le petit bout. Si le sang venait à couler, on faisait une nouette avec un fil pour l'arrêter. Huit jours après, on pesait le premier mouton venu : il avait gagné trois ou quatre livres... et le crrescendo hebdomadaire machait ainsi son train jusqu'à la fin du mois. Ah ! si nos jeunes bergères savaient !...
Et n'oublions pas, pour être complet, que de tout ce qui tombait sous le tranchant de l'instrument, seul le diplômé canin avait le droit de faire sa curée : ce qui lui mettait du feu dans l'oeil et du nerf dans le jarret.

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MessageSujet: suite...   Pratiques empiriques en Saintonge et en Aunis EmptySam 12 Jan - 21:07

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Pour procéder à la tonte, il faudrait aujourd'hui encore êtgre fameusement benêt pour choisir un jour où le vent souffle en galerne ! Est-il permis d'ignorer que la toison ne pousserait qu'à la malingre (on dit aussi : à la malingrin) ? Et si le soleil se couchait sur la brebis tondue, tout le monde ne sait-il pas qu'elle deviendrait apoplectique ?
Sachez encore, messieurs, que quand une vache a vêlé, ou aussitôt qu'on a sevré le veau, il n'est pas prudent du tout de faire usage du permier lait que l'on extrait alors de la nourricière... C'est un lait de tristesse qui influe sur l'humeur ceux qui en boivent... et qui leur donne de la mélancolie... En ce cas, la règle, c'était de le jeter au diable, ou de le donner, sans découvrir le pot aux rosesz... au curé.
Si la ménagère tenait à avoir plus de poules que de coqs quand elle faisait couver,elle devait avoir soin de ne condectionner le nid qu'avec de la paille de seigle, et de ne jamais mettre les oeufs en nombre pair...
Numero deus impare gaudet.
C'est clair ! le dieu des poules évidemment ! Et si l'on voulait que les poussins fussent tous bien et dûment constitués, c'est-à-dire pourvus chacun d'un fiel, il était indispensable de ne pas commencer un vendredi, et de les marquer tous d'une croix tracée avec un charbon provenant de la cosse de Nô (ce qui se fait encore, avec n'importe quel charbon, mais afin que les couveuses reconnaissent leurs oeufs), pour qu'aucun oeuf n'avortât.
Pendant l'orage, il y avait de sages précautions à rendre. L'influence atmosphérique était alors si pernicieuse aux futurs petits poussins, qu'ils étouffaient misérablement dans leur prison. Et quel euil pour le coeur tendrelet de la ménagère !... heureusement, on connaissait préservatifs et préservatifs ! Si l'on pouvait personnellement se garantir de la foudre en portant sur soi un morceau de corde attaché à la cloche lors de son baptême, garantir l'étable et toute la maisonnée en tenant attachée au-dessus de la porte, en dedans et en dehors, une feuille de noyer de la Saint-Jean, on en conservant et en rapprochant du feu le reste de la cosse de Nô, on sauvait la couvée sur le point d'éclore en déposant dans le nid deux morceaux de fer en croix. Vieux loquets, vieux verrous, vieilles ardivelles, tout était bon !... Même procédé pour empêcher les vins de tourner (mis encore en pratique).

Le jour du mardi gras, les fermières avaient une grave opération à faire. Y manquer n’eût pas été faire preuve de beaucoup de cervelle… En effet, de là dépendait la prospérité de la basse-cour !… Avant le lever du soleil et à jeun, elles se mettaient donc à l’œuvre. La chose était d’ailleurs des plus simples : il ne s’agissait que d’asperger tous les abords de la maison avec du bouillon d’andouilles : moyen garanti parfait pour empêcher ls renards de croquer les poules…
Il arrivait parfois qu’une poule, en gloussant « du gosier « , mitait plus ou moins approximativement le chant du coq. Oh ! c’était bien grave ! La ménagère qui l’entendait pour la première fois dressait l’oreille, écoutait attentivement, et dès qu’elle s’était bien assurée de la réalité, elle laissait tout de côté pour prégaler (poursuivre, pourchasser ; on dit aussi pourgaller) la poule jusqu’à ce qu’elle l’eût pincée. Elle lui réglait aussitôt son compte, je veux dire qu’après l’avoir saignée, elle la mettait en sauce piour le prochain repas…
A l’aspect de ce plat insolite, le chef de famille, en se mettant à table, regardait sa femme avec étonnement… mais il n’avait pas eu le temps d’ouvrir la bouche pour poser une question, que celle-ci lui avait déjà répondu : « Elle chantait le jau ! » L’explication suffisait ; il n’y avait aucune réplique à faire.
Chanter le jau, d’après la danse de céans, était un signe de malheur pour la maison… Elle avait bien raison. Tout le monde le répétait après elle, mais tout le monde ne savait pas pourquoi. Or, voici : chanter le jau n’était tout simplement qu’une figure métaphorique, qu’une allusion impertinente à son adresse… car la maison où la poule chante le jau est une maison divisée contre elle-même… Evidemment, les compliments de cette nature, même sortant d’un bec de gallinacé, ne plaisaient jamais, et c’est justement ce que s’empressait de faire valoir l’inflexible villageoise.
Pour habituer les pigeons, en faire venir à la fuie une foule de couples et les préserver des atteintes des hobereaux, cossardes, éperviers ou autres, pas n’était besoin d’artiste ou de société colombophile. Il suffisait de placer, dans un coin du réduit, un crâne humain… mais il fallait prendre garde que ce ne fût pas un crâne… de femme !

Abbé Noguès, Contes, récits et légendes des pays de France
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