Tout au long de la décennie 1950, les directeurs des casinos de la Côte d'Azur tremblaient de peur et d'excitation lorsque le roi Farouk jetait son dévolu sur leur établissement. En misant des sommes mirobolantes sur une simple carte ou un coup de dés, le souverain égyptien, joueur impénitent, pouvait tour à tour faire sauter la banque ou remplir les caisses.
En dépit des fortunes qu'il pouvait engloutir en quelques heures sans manifester la moindre émotion, le roi, d'un caractère ombrageux, ne pouvait s'empêcher de tricher lorsque la chance tournait à son désavantage. Pour ne pas créer d'incident, étiquette royale oblige, les croupiers avaient ordre de ne pas appliquer à Farouk les stricts règlements du casino. Ils se contentaient, généralement terrorisés, de supporter les caprices de leur prestigieux client. Ainsi, lorsque le monarque annonçait un point gagnant au baccara, refusait-il parfois de montrer ses cartes, se contentant de déclarer laconiquement : "Parole de roi !" Au poker, on le vit un jour ramasser un énorme pot après avoir annoncé : "Carré de rois". Face à l'incrédulité des autres joueurs, le directeur de la table rassembla son courage et se risqua à bafouiller : "Majesté, serait-il désobligeant de vous demander ... de voir votre jeu ?"
Farouk abattit ses cartes sans sourciller.
"Trois rois et moi, ça fait quatre", annonça-t-il en empochant la mise sous le regard médusé de l'assistance.
En 1992, un majordome italien, sans doute encouragé par un si bel exemple, tenta de réitérer l'exploit au casino de Venise, en annonçant : "Carré de valets : trois valets et moi, ça fait quatre !" Ce trait d'humour royal valut au tricheur d'être expulsé sur-le-champ de la salle de jeu, de voir sa mise confisquée et d'être frappé d'une interdiction à vie de fréquenter le casino !
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