Métro, solo, dodo

En sortant à la hâte de chez des amis, Sabine est à la fois heureuse et fatiguée. Elle n'a qu'une idée en tête : rentrer chez elle et se mettre au lit. Elle s'engouffre dans la station Balard, qui dessert la ligne 8 du métro, dévale les escaliers et saute dans la rame qui est à quai. D'un regard circulaire, la jeune fille constate avec une pointe d'inquiétude que la voiture est vide. Elle se tasse sur un strapontin, près de la porte, et vérifie l'heure machinalement : minuit passé de quelques minutes. Dans moins d'une demi-heure, elle aura regagné son studio. Ensuite ? Une douche tiède et une tisane très sucrée pour s'endormir...
Le train roule une centaine de mètres puis s'immobilise dans un crissement de ferraille. "Incident technique", pense l'étudiante en tirant un roman policier de son sac. Elle se plonge dans la lecture et quelques minutes s'écoulent. Le temps passe et l'inquiétude grandit. Sabine quitte son siège et scrute l'obscurité à travers les vitres : de toute évidence, la rame est sur une voie de garage. "Pas de panique, se dit-elle, attendons..." Par chance, un néon éclaire son wagon. Que faire ? Elle s'empare de son téléphone portable et appelle Police secours. Pas de tonalité. Pas de réseau. Résignée, elle actionne ensuite le déverrouillage d'une porte et constate avec étonnement que le mécanisme fonctionne. Elle hésite face à l'enchevêtrement des rails. "Danger d'électrocution." Reste un ultime recours : tirer le signal d'alarme. Croyant qu'on ne peut l'activer qu'une fois. Sabine préfère ne pas griller cette cartouche trop tôt. A 1 h 30, elle s'endort sur une banquette et se réveille trois heures plus tard, les reins endoloris et la bouche pâteuse. Elle termine son roman. A 5 h 30 du matin, l'étudiante entend du bruit : des coups sourds frappés sur les voies. Elle saute sur ses pieds et se penche à l'extérieur du wagon en hurlant. C'est la délivrance. Le conducteur qui vient prendre son service n'en revient pas.
"C'est un concours de circonstances qui n'arrive jamais, explique-t-on à la RATP. Quand la voyageuse est montée à bord, le conducteur avait déjà vérifié son train avant de le quitter. Comme la rame avait été mise en service dans la soirée, il n'y avait pas d'équipe de nettoyage prévue cette nuit-là."
Abasourdie, épuisée mais pas rancunière, Sabine a enfin pu rentrer chez elle... en métro !