Isabelle, dix-sept ans, se réveille en sursaut. Une aiguille de perfusion est plantée dans son bras. Où se trouve-t-elle ? Dans la chambre d'un hôpital probablement, mais pourquoi ? La jeune fille panique et hurle son angoisse jusqu'à l'arrivée de l'infirmière.
"Calmez-vous. Vous avez été hospitalisée hier soir. Vous étiez dans le coma, lui répond la soignante. Vous n'auriez pas fait une bêtise par hasard ?
- Mais de quoi voulez-vous parler ? De suicide ? Bien sûr que non !"
Si l'infirmière avait assisté au repas qui réunissait Isabelle et ses parents douze heures plus tôt, elle n'aurait pas posé la question. Car Isabelle est une collégienne équilibrée et pleine de vie. A table, elle plaisante avec son père, quand, brusquement, sa vue se trouble. Elle vacille et s'écroule lourdement. Ses parents, affolés, appellent le SAMU. La réaction est immédiate : l'ambulance, le transport en hélicoptère, l'arrivée au CHU deLimoges vers 23 heures, la prise de sang, les radiographies...
En fin de matinée, un neurologue entre dans la chambre et s'adresse à la malade, entourée de ses parents.
"J'ai le résultat du scanner que vous avez passé."
Dans l'attente du verdict, une angoisse palpable s'empare de la famille.
"Vous avez une balle dans la tête ! Une balle de 22 long rifle, logée au-dessus de votre oeil gauche, probablement depuis longtemps."
Cette nouvelle stupéfiante plonge la mère d'Isabelle dans un abîme de réflexion. Elle fouille sa mémoire à la recherche d'une improbable explication. A force de passer en revue les moindres incidents qui ont émaillé l'enfance de sa fille, un évènement mineur lui revient à l'esprit.
"Isabelle devait avoir quatre ans et elle jouait dans le jardin. Je l'avais laissée seule quelques minutes. A mon retour, elle était en larmes et saignait de la tête. Le médecin, que j'avais immédiatement consulté, m'avait dit que la blessure était sans gravité, qu'un oiseau avait dû lui donner un coup de bec. Je ne m'en suis plus inquiétée.
- L'explication le plus probable est que la balle perdue d'un chasseur a traversé la haie du jardin et touché l'enfant à la tête. Aujourd'hui, toute intervention chirurgicale est exclue car trop dangereuse : en déplaçant la balle de quelques millimètres,le risque est grand de léser le cerveau et de provoquer une paralysie irréparable. Voire pire encore !"
La jeune fille a écouté en silence l'explication du neurologue. Insouciance de son âge ou bonne dose d'optimisme, elle ne s'est pas alarmée de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Suspendue à l'intérieur de son crâne, devrait-on dire plutôt !