Pour guérir un état dépressif persistant, Kirk Jones, un plombier de Boston, consulte tour à tour psychiatre et psychanaliste. Le premier lui prescrit une poignée de pilules multicolores, qui ont pour effet de provoquer chez le jeune homme une fébrilité incompatible avec la purge sereine des lavabos et les soudures sur radiateurs ; contre une somme astronomique, le second l'allonge sur un divan et l'interroge sur son enfance : le traitement parachève sa dépression.
Désespéré, ruiné et sans emploi, Kirk Jones décide d'abréger son séjour sur terre. Il se rend aux chutes du Niagara et se jette dans les eaux glacées et bouillonnantes.
Mais la mort ne veut pas de celui qui voulait tant d'elle. Kirk est repêché en vie, cinquante-quatre mètres plus bas. "C'était comme un bain de glace. J'ai été avalé par le ventre de la bête. La pression était si forte que j'ai cru que ma tête allait être arrachée de mon corps", bredouille-t-il à ses sauveurs, en grelottant.
Tandis qu'un médecin répare fractures et contusions, Jones constate avec surprise et bonheur que plus rien ne subsiste de sa neurasthénie. Ses idées noires se sont dissoutes dans les eaux du fleuve. "Je suis en pleine forme, déclare-t-il à la presse. Comme si tous mes problèmes étaient restés au fond des flots."
L'histoire serait trop belle si elle s'arrêtait là ! Un mois plus tard, le miraculé reçoit une contravention de six mille cinq cents dollars, le législateur américain assimilant sans doute un saut volontaire de cinquante-quatre mètres dans le vide à une baignade prohibée. L'opinion publique s'émeut de la sanction. Kikk obtient des circonstances atténuantes et une réduction substancielle de l'amende. Pour s'en acquitter, il se remet énergiquement au travail. Fort de son expérience aquatique, on dit qu'aujourd'hui il n'a pas son pareil pour colmater les fuites, juguler les chasses d'eau rebelles, endiguer les déluges domestiques !