Accusé de meurtre sans préméditation, Tom Waterford, un chauffeur-livreur anglais de trente-quatre ans, comparaît devant le tribunal de Manchester. En dépit du réquisitoire accablant du procureur et de la présentation de l'arme du crime - un cric un peu rouillé -, le visage du prévenu ne se dépare pas d'un sourire satisfait. Vient le tour de l'avocat de la défense. Il invoque, à la décharge de son client, un état psychique fragile et des difficultés à contrôler ses instincts belliqueux. Comme, tout au long de la plaidoirie, Waterford reste toujours étrangement serein, le juge finit par s'adresser directement à lui.
"M. Waterford, vous n'avez pas l'air de bien réaliser la gravité de votre acte. Avez-vous un argument qui appuierait votre défense ?
- Bien sûr, Votre Honneur. Ce que j'ai fait n'est pas condamnable puisque le meurtre est légal en Angleterre."
Un frisson d'incrédulité parcourt l'assistance.
"Que voulez-vous dire ?" demande le juge.
Waterford extrait de sa poche un carnet couvert de notes.
"Je veux parler d'une loi vieille de mille ans et qui est toujours valable", lance le prévenu en brandissant son carnet.
Le juge l'interrompt.
"Vous avez parfaitement raison. La loi à laquelle vous faites allusion n'a jamais été abrogée."
Frappés de stupeur, les membres du jury retiennent leur souffle. Le juge poursuit :
"Toutefois, d'après ce texte, il y a quelques conditions à respecter pour rendre un meurtre licite dans ce pays : la victime doit être galloise. Le crime doit être commis un dimanche dans la ville de Hereford, au sein du cloître de la cathédrale et au moyen d'un arc. Il me semble, pour votre part, que vous avez tué un ressortissant pakistanais à Manchester, d'un coup de cric et un vendredi soir. Désolé, mais vos arguments sont irrecevables."