Roger Joanes, un Anglais de soixante-sept ans, est l'heureux propriétaire d'une maisonnette et d'un jardin attenant. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si la propriété du retraité n'était menacée par la construction d'une nouvelle route. Dans un premier temps, pour éviter l'expulsion, Joanes recourt à toutes les procédures habituelles. Il bombarde de lettres le ministère britannique du Transport, l'implorant de modifier le tracé de la route. Il fonde avec des voisins une association de défense de la nature, colle des affiches, alerte la presse locale. Rien n'y fait. L'avis d'expropriation est prononcé et une date fixée pour l'arrivée des premiers bulldozers. Mais Roger Joanes trouve une parade. Il divise son jardin en cinq cents lots d'une superficie de 926 centimètres carrés chacun et les vend par petites annonces à des acquéreurs domiciliés dans les endroits les plus lointains et exotiques de la planète, tels Vanuatu, Guam, ou le Yémen du Nord. Au moment de la construction de la route, les nouveaux propriétaires devront se faire connaître auprès des autorités britanniques et entamer avec elles les démarches normales de rachat du sol et d'indemnisation. Dans l'immédiat, les nouveaux propriétaires reçoivent contre la somme de 3 livres (4.5 euros) un acte de propriété en bonne et due forme et un plan du cadastre, désignant avec précision l'emplacement de leur minuscule lopin de terre. Pour parvenir à ses fins, espérant que ces procédures longues et compliquées décourageront le ministère, M. Joanes n'a pas lésiné sur la dépense. Dans un premier temps, il a dressé la liste des principaux journaux en circulation dans une cinquantaine de pays éloignés. Ensuite, avec l'aide d'une équipe de traducteurs, il a rédigé des annonces dans les langues locales pour expliquer aux lecteurs sa situation et convaincre des futurs acheteurs. Les frais d'actes notariés ont achevé d'écorner ses économies.
Pour autant, l'astucieux retraité se réjouit aujourd'hui du bon tour joué à l'Administration. "La vente de mon jardin en cinq cent parcelles ne m'a rapporté que 500 livres (2 300 euros) et j'ai dépensé trois fois cette somme dans l'opération. peu importe, j'ai réussi : les travaux sont suspendus et certaines satisfactions personnelles n'ont pas de prix !"
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