L’affaire se déroule en juin 1996 dans la salle d’un petit théâtre, au nord de Londres. Alors que les trois coups viennent d’être frappés, les spectateurs venus assister à la représentation de la pièce d’Harold Pinter, Langue de la montagne, voient bondir sur scène une demi-douzaine d’hommes à la peau basanée, braquant su eux fusils et lance-grenades. Le réalisme est tel que la police est aussitôt alertée et qu’un commando antiterroriste débarque en hélicoptère pour neutraliser les dangereux activistes. Les acteurs, d’origine kurde, sont incarcérés sans ménagement, avec interdiction de communiquer entre eux dans leur langue.
Informé de l’incident par la presse, Pinter s’ insurge et attaque aussitôt la police en justice. « Les comédiens n’ont fait qu’interpréter fidèlement ma pièce. Le traitement qu’ils ont subi est exactement celui que je dénonce sur scène : la violence policière et la défense faite aux Kurdes de s’exprimer dans leur langue dans leur propre pays. C’est un cauchemar devenu réalité, où la vie imite l’art », a ajouté le futur prix Nobel de littérature. Pour minimiser le scandale, Scotland Yard a versé aux acteurs malmenés 55 000 livres de dommages-intérêts.