Passionnée de croisières et de villégiatures balnéaires, l'impératrice Eugénie séjourne en 1867 à Biarritz. En compagnie de son jeune fils, le prince Louis, de l'amiral de La Gravière qui tient la barre et de dix membres d'équipage, elle embarque à bord de son yacht, le Chamois, et prend la mer. Au retour, le vent a forci, l'océan s'est gonflé de vagues et une nuit d'encre masque les côtes. Dans un craquement sinistre, l'embarcation heurte bientôt des rochers, à l'entrée du port.
Bien que Prosper Mérimée ne participe pas à l'expédition, il recueille, dès le lendemain, le témoignage de l'un des passagers. M. de la Valette, et fait le récit du naufrage. "L'amiral, inquiet, s'est porté à l'avant du yacht au moment où l'étrave heurtait les rochers.
Personne n'avait vu le pilote tomber, se fracasser la tête et se noyer." Les matelots se jettent à l'eau et parviennent, au milieu des vagues déchaînées, à se passer de main en main le petit prince et l'impératrice. C'est de la bouche de son témoin que l'auteur de Carmen tient le mot historique du jeune prince impérial. A sa mère qui lui crie : "N'aie pas peur", Louis répond :
"Je m'appelle Napoléon."
Eugénie et son fils arrivent miraculeusement sur la terre ferme, trempés jusqu'aux os. La mésaventure est attribuée au fait que treize personnes se trouvaient à bord du navire.
Moins superstitieux, Mérimée conclut son récit par cette réflexion : "Quelle imprudence d'avoir confié la barre à un amiral !"
En ex-voto de reconnaissance, un modèle réduit du petit yacht a été suspendu par l'impératrice dans l'église de Saint-Jean-de-Luz, au milieu de la nef, où on le voit toujours.