Toutes les femmes corses n'ont pas le culte de la vengeance, comme la Colomba de Mérimée. Au contraire, Lucia Orsini, une Ajaccienne, qui vivait elle aussi au XIXe siècle, a évité une vendetta au prix du plus héroïque sacrifice.
Elle se promenait dans les environs d'Ajaccio lorsqu'elle fut brutalement agressée par Ange Piétri, un garçon dont elle avait farouchement repoussé les avances. En apprenant l'attentat, ses parents, fous de rage, décidèrent d'en tirer une vengeance exemplaire. Une vendetta sanglante menaçait d'avoir lieu, car les Orsini et les Piétri étaient deux clans redoutables.
C'est alors que Lucia déclara : "Ange ne m'a pas fait violence. J'étais consentante. Je l'aime et je veux l'épouser."
Le mariage eut donc lieu en grande pompe et les deux familles, qui auraient pu être des ennemies mortelles, devinrent alliées. Mais, durant sa vie entière, si Lucia eut de son mari trois enfants, elle ne lui adressa pas une seule fois la parole.
A sa mort, elle ne versa pas de larmes, mais elle prit le deuil jusqu'à sa propre mort, quinze ans plus tard, avec le sentiment du devoir accompli.