Le 16 avril 1921, le fromage jurassien Léon Bel dépose l'appellation "La Vache qui rit" pour un "fromage moderne", une nouvelle préparation de crème de gruyère. Durant la Grande Guerre, Bel était dans la même unité que le talentueux illustrateur Benjamin Rabier. Celui-ci, officier d'une section de ravitaillement en viande pour la troupe, avait dessiné pour narguer les Allemands un insigne surnommé "La Walkirie", qui représentait une tête de vache rougeâtre. De "La Walkirie" au calembour "La Vache qui rit", il n'y avait qu'un pas ! C'est en s'en souvenant que Léon Bel a dessiné une vache en pied qui annonce avec une expression hilare sur ses boîtes de fromage : "Il n'est rien de donner son lait lorsqu'on sait qu'il est bien employé." Avec la collaboration de Pierre Vercasson, important imprimeur publicitaire, Benjamin Rabier améliore le graphisme en se limitant à la tête de la vache et en la dotant d'une couleur rouge, de boîtes de fromage en guise de boucles d'oreilles, de dents et d'un sourire éclatant. Léon Bel dépose ce nouveau dessin en 1924 : c'est lui qui dorénavant ornera les boîtes de fromage fondu vendu en portions.
Après la Seconde Guerre mondiale, on découvre que Vercasson a de son côté déposé en 1923, à l'insu de Léon Bel, le dessin sous la marque "La Vache rouge". L'affaire se règle en 1952 par des indemnités versées au successeur de Vercasson et par le rachat du label "Vache rouge" par la société Bel. La marque doit aussi lutter contre de grossières contrefaçons : la "Vache qui parle" et autres "Vache qui rue" ou "Vache sérieuse". Au fil du temps, elle subit quelques modifications : les cornes sont raccourcies, la tête s'arrondit, les boucles d'oreilles sont orientées de face et portent toutes deux l'image de la vache. En 1955, on ajoute une bande bleu et blanc autour de la boîte. La popularité de la Vache qui rit est telle que les petits écoliers collectionnent buvards et protège-cahiers à son effigie.