Certains musiciens de génie seraient-ils maudits après leur mort ? On sait que le corbillard de Mozart ne fut accompagné, pour son dernier voyage au cimetière, que par un chien et une poignée de gueux. Niccolo Paganini, le violoniste virtuose, connut un sort plus triste encore. Il mourut à Nice, le 27 mai 1840, emporté par l'épidémie de choléra qui ravageait la ville. Son fils décida, malgré les interdits, de ramener la dépouille mortelle à Gênes, dans sa patrie natale. Après l'avoir enfermée dans un cercueil, il la chargea dans une barque, qu'il sortit lui-même en mer. Arrivé à Gênes, les autorités portuaires lui interdirent de débarquer sa macabre cargaison. Le clergé refusait de bénir un musicien qui passait pour s'être vendu au diable, la police refusait de recevoir le cadavre d'un cholérique.
Le fils de Paganini reprit donc la mer avec son cercueil et tenta d'aborder d'autres ports de la côte. En vain. Partout il essuya le même refus. Il fut rejeté de Marseille, puis de Cannes, et erra de rive en rive. désespéré de touver une terre pour le repos de l'âme de son père, il aborda à l'ilôt de Saint-Ferréol, aux îles de Lérins. Il déposa enfin sur cet ilôt hostile et totalement désert son cercueil qui y demeura cinq ans avant que la municipalité de Gênes accepte d'accueillir celui qui avait été pourtant, pendant un demi-siècle, la gloire incontestée de l'Italie !