Qui l’eût cru ? Jusqu’à la fin du XIXe siècle, Paris regorgeait de crapauds. Ces batraciens pullulaient à la belle saison le long des rives de la Seine, à tel point que leurs cris incommodaient le voisinage. Mais ils étaient également une marchandise appréciée et, après les jours de grande pluie, avait lieu le marché aux crapauds. Ce dernier se tenait rue Geoffroy Saint-Hilaire, sur un terrain vague proche du jardin des Plantes. Les bêtes étaient entassées selon leur grosseur dans des tonneaux, les marchands les maniant à pleines mains, indifférents à leur contact quelque peu déplaisant.
Et le plus extraordinaire, c’est que les clients ne manquaient pas. On se bousculait au marché aux crapauds, et on discutait ferme sur les prix. Les acheteurs étaient des jardiniers et des maraîchers des environs de la capitale, désireux de se débarrasser des pucerons, limaces et autres bestioles néfastes aux plantations dont ces batraciens sont gros consommateurs. Fait plus étonnant, on rencontrait aussi quelques Anglais, car la réputation du crapaud parisien avait traversé la Manche.
Ce commerce d’un genre si particulier était plus lucratif qu’on ne pouvait le penser. En 1877, le prix d’un cent de crapauds se chiffrait entre 70 et 75 francs, ce qui est loin d’être négligeable quand on pense que le salaire d’une ouvrière dans la couture tournait autour de 2.50 francs par jour.