"Un jour, j'ai trouvé mon frère en train de labourer ma terre, affirmant que je la lui avais léguée par héritage puisque j'étais officiellement mort", raconte Deep Chand, un paysan indien. Chand s'était-il réincarné en lui-même au terme d'une fulgurante métempsychose ? Assurément pas. Comme d'autres cultivateurs spoliés dans l'Etat de l'Uttar Pradesh, l'infortuné avait été victime d'un complot familial. Pour faire main basse sur son lopin de terre, son frère cupide avait obtenu, par l'intermédiaire des employés de bureau du cadastre, un faux certificat de décès, en échange d'un pot-de-vin. Découvrant l'imposture, Deep Chand, carte d'électeur et livret militaire en main, a vigoureusement tenter de réintégrer le monde des vivants. En vain. Aucune preuve de son identité n'a été suffisante pour convaincre les fonctionnaires de l'état civil. C'est donc le coeur serré et les poches vides, comprenant que sa résurrection n'était pas négociable, que Chand a rejoint Mritak Sangh, "l'Association des morts". Pour faire valoir leurs droits, les dix mille membres de cette communauté de paysans "administrativement décédés" ont récemment organisé un gigantesque festin de plein air. "Nous avons fait ça pour nous moquer des autorités corrompues, a expliqué Bihari Lal, son président. Nous voulions prouver que, de l'au-delà, nous n'avions pas renoncé aux plaisirs de la table !"