En 1808, rescapés des horreurs de la guerre napoléonienne, 1 600 Espagnols furent déportés en France et emprisonnés à Montbrison. Libérés six ans plus tard, après l'armistice, certans regagnèrent leur pays, mais d'autres restèrent sur place pour y travailler. Parmi eux se trouvait un jeune maçon, embauché par Jean-Baptiste d'Allard à la construction d'un hôtel particulier où il prévoyait de loger ses collections d'animaux exotiques naturalisés. L'ouvrier donna pleine satisfaction. Jusqu'au jour où, en 1825, il dégringola de son échafaudage et se brisa le cou. Par curiosité scientifique plus que par attachement sentimental, d'Allard se hâta d'immerger le défunt dans une cuve de formol et l'expédia à Paris à Edouard Dupont, le taxidermiste du muséum d'Histoire naturelle. Le visage proprement siliconé, le corps rembourré de crin, le maçon fut renvoyé à Montbrison pour venir enrichir le cabinet de curiosités de l'aristocrate collectionneur. Deux siècles plus tard, l'ouvrier momifié figure toujours en bonne place dans le musée, en compagnie d'un troupeau d'animaux empaillés. Un accord venant d'être signé entre la France et l'Espagne pour "l'échange et la restitution de biens culturels", on ne sait si le spécimen de l'Homo sapiens ibérique va enfin pouvoir regagner sa Ctatlogne natale.