Si vous obtenez l'autorisation de visiter le camp d'entraînement militaire de Fort Polk, en Louisiane, vous assisterez à des scènes de chaos et de carnage insoutenables : déflagrations, hurlements de femmes et de bébés, tanks en flammes, soldats atrocement mutilés errant dans une ville détruite. Plus tard, quand les incendies s'éteindront comme par magie et que les morts bondiront sur leurs pieds pour se congratuler, vous comprendrez enfin que vous avez assisté à un immense jeu de stratégie grandeur nature. En effet, pour préparer ses troupes à livrer "la guerre contre le terrorisme", le Pentagone a confié à la société de production Cubic le soin d'imaginer et de mettre en scène des situations de guerre hyperréalistes. Pour illustrer ses scénarios, facturés chacun 9 millions de dollars, Cubic recrute chaque fois quatre mille figurants. Deux cent cinquante immigrés arabophones, payés 220 dollars par jour, jouent le rôle des moudjahiddines, tandis qu'une escouade d'éclopés, manchots et unijambistes équipés de poche de sang artificiel, incarnent les victimes civiles. Une ville de vingt-neuf immeubles, équipés de générateurs de fumée et d'un système de sonorisation, complète le dispositif. Neuf cents caméras vidéo transmettent à l'état-major l'intégralité des combats. "Bien entendu, on ne tire pas à balles réelles, précise un colonel. Les participants portent des gilets munis de capteurs. A la fin de la manoeuvre, des arbitres comptabilisent les impacts avec un lecteur de code-barres.
- Quel camp est le plus souvent vainqueur ? ont demandé des journalistes invités à suivre une démonstration.
- Secret défense !" a répondu sèchement l'officier.