La disparition de l'abbé Pierre, le 22 janvier 2007, a suscité une grande émotion. Le personnage préféré des Français était unanimement aimé et respecté, tant pour sa personnalité que pour son action. C'est ce qui a incité le maire d'une ville de province, que par discrétion nous ne nommerons pas, à donner son nom à une artère de sa cité. Justement, un nouveau lotissement venait d'être créé à la périphérie de la ville, entraînant l'existence de rues nouvelles et il a décidé d'appeler l'une d'elles du nom du fondateur d'Emmaüs. Mais les nouveaux propriétaires du lotissement, fait des villas de luxe, ne l'ont pas entendu ainsi. Pour tous ces gens, dont beaucoup sans doute étaient catholiques et allaient à la messe, le nom de l'abbé Pierre était avant tout évocateur de pauvreté et était de nature à faire baisser le prix de leurs terrains et de leurs maisons. Une pétition a circulé et un comité de défense s'est constitué. Son président est allé trouver le maire. "Il y a un quartier HLM dans la ville. C'est là qu'il faut mettre votre nouvelle rue. Pas chez nous, nous ne sommes pas dans la misère !" Mais le maire a tenu bon et l'abbé des pauvres s'est installé pour une fois chez les riches.