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 Les serpents pyrénéens

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Les serpents pyrénéens   Les serpents pyrénéens EmptySam 24 Jan - 10:41

Ici nous retrouvons ce mystérieux reptile, ces hydres fantastiques et monstrueuses qui, depuis le paradis terrestre jusqu'aux temps modernes, n'ont pas un seul instant cessé de ramper dans les sentiers de mille traditions diverses.
Le serpent fut, dans les Pyrénées comme dans l'Inde splendide, comme dans l'Afrique brûlée, l'objet de l'attention tremblante des hommes. Aujourd'hui même, il est plus d'un pasteur aux vallons de Bigorre, qui le croit doué d'un pouvoir malfaisant, incomparable. Le coq à peine a-t-il pondu se oeufs, qu'il les va cacher sous des fumiers impurs. Couvé par cette intime chaleur, le serpent sort de l'oeuf. Et qu'attendre d'une naissance si étrange, d'un berceau si immonde ! Le hideux reptile aspire tous les êtres qui sont à sa portée, et les dévore. Il fait venir à lui, par la puissance de son haleine, les petits oiseaux, hélas ! et les petits enfants !

Or, un des plus grands serpents qu'on ait jamais vus, se traînait jadis sur le plateau d'une montagne verdoyante, d'une indicible beauté. Au pied de cette montagne et de plusieurs autres, qui forment un amphithéâtre vaste et serein, s'étend une vallée si douce, que l'âme y reste captive et s'y croit enchantée. De grands troupeaux allaient et venaient dans ce paradis, bondissant comme l'avalanche, sous la conduite de leurs pasteurs, à la voix sonore de leurs chiens blancs comme la neige nouvelle. Mais, chose horrible à penser ainsi qu'à dire ! pasteurs, chiens et troupeaux, enlevés de terre par une force irrésistible, montaient vers le plateau magique et s'engouffraient dans la bouche du serpent, qui se dilatait alors d'appétit et de joie pour les recevoir.
Et cela durait depuis très longtemps et d'innombrables vistimes avaient déjà succombé, en sorte que tout le pays n'était que larmes, gémissements et consternation.
Or, il se trouvait dans le village d'Arbouix, bâti au flanc de la montagne si verte, un homme qui avait beucoup de courage, et cet homme n'avait pas moins d'adresse que de courage. Et il résolut de délivrer son pays. Dans ce but, il établit une forge au lieu le plus secret qu'il put trouver, et là, il forgeait du fer, et lorsque le fer était rouge, il le mettait à la portée du serpent, au péril de sa vie, bien qu'il eût soin de se retirer aussitôt. Le monstre qui regardait de côté et d'autre, cherchant une proie, dès qu'il voyait le fer rouge, l'aspirait comme tout autre chose, et par la puissance de son souffle il l'avalait d'un seul trait. Le feu se mit à ses entrailles, et l eut si grand soif, qu'il se prit à boire, à boire, et il buvait toujour. A la fin, il creva. L'eau qu'il avait absorbée se répandit et fit un lac : c'est le lac d'Isabit. Encore un lac ! c'est que dans cette nature prodigue, il est plus facile de les admirer que de les compter.
Cependant les habitants reconnaisants du village d'Arbouix accordèrent à leur sauveur le droit de conduire ses troupeaux sans rétribution, sur les pacages qu'il avait affranchis, et ses descendants jouissent encore de ce droit.

Ensuite, on prit les côtes du reptile, et l'on crut faire une chose agréable à Dieu, de s'en servir pour construire une église. Mais quand l'église fut bâtie, la grêle tomba sans relâche. On connut par là qu'il fallait brûler ces os parce qu'ils étaient maudits, et quand ils furent consumés, la grêle ne tomba plus.
Selon nous, si l'on dépouille cette légende de tout ce que l'obscurantisme de siècles y a mêlé d'étranger et d'impur, rien n'est plus facile que d'y retrouver - surtout à l'aide d'une des plus célèbres traditions euxkariennes - le souvenir dénaturé d'une de ces grandes perturbations géogéniques dont les Pyrénées ont si souvent été le théâtre.
En effet, dans la tradition euskanienne - que nous alons rapporter tout d'abord, pour vous mieux faire sentir la vraisemblance de notre hypothèse - le feu central, l'inextinguible foyer auquel la science attribue l'origine des lacs, est comparé à un énorme serpent sorti, comme dans la légence bigorraise, d'un oeuf de coq couvé dans le fumier.
Heren-sugue est le nom du monstre, dont les sept gueules flamboyantes - évidemment sept volcans - se manifestèrent un jour d'une effroyable façon.
Depuis longtemps le terrible dragon dormait paisiblement sous terre, enroulé sur lui-même au bord du lac de Feu. Le souffle seul de sa puissante respiration retentissait au loin dans les échos de l'enfer. Tout à coup de fiévreux tressaillements semblent s'emparer du monstre assoupi : il s'agite convulsivement, et l'on dirait qu'il va sortir de sa léthargie. Peuples de la terre, tremblez ! son réveil sera terrible et fatal.
En effet, à peine l'ange de Dieu a-t-il laissé tomber dans l'Océan la soixantième goutte d'eau de sa clepsydre qui marque le temps, et de ses sept trompettes d'airain entonné le signal de la destruction, que le Heren-sugue s'éveille, fait craquer ses sinistres mâchoires d'où sortent des volcans, consomme en dix jours toute l'ancienne terre, et de sa large queue, plus habile que celle de l'industrieux castor, pétrit celle qui subsiste, dans les eaux fumantes du déluge.
Quand son oeuvre fut achevée, le gigantesque serpent, comme un ver à soie enchâssé dans sa coque, se replia sur lui-même, se rendormit ; et maintenant, doucement bercé par quatre génies attentifs à le veiller jour et nuit, il attend insoucieusement l'aurore d'une nouvelle perturbation, tout en laissant reposer sa formidable tête sur les genoux d'une jeune femme de beauté idéale, servilement attachée à son sort par la force d'une incantation qu'aucune puissance humaine ne saurait rompre.

Sa destinée dépend de celle d'un oeuf mystérieux qu'un ramier bleu couve sur quelques brins d'herbe, tout à l'extérieur du plus inaccessible sommet des Pyrénées. Le jour où cet oeuf fatidique sera brisé, tous les tonnerres de l'abîme éclateront de nouveau, des torrents de lave bouillante jailliront de dessous terre, et, pour la seconde fois, Heren-sugue dévorera le monde. Seulement, rassurez-vous, il est presque introuvable ce précieux oeuf, et si les calculs de l'école d'Alexandrie ne sont point faux - comme le sont beaucoup trop souvent, hélas ! les calculs des savants - cinquante-deux mille ans s'écouleront encore avant qu'il ne soit écrasé !
Revenons à la légende bigorraise. Est-ce que maintenant elle ne vous paraît pas toute simple ? Est-ce qu'en l'affranchissant, comme nous vous le disions plus haut, de tout ce dont on l'a entachée une bien regrettable ignorance, vous ne touchez pas du bout du doigt la très simple histoire du lac d'Isabit ? Ce feu terrible dont sont dévorées les entrailles du monstrueux serpent jusqu'à ce qu'il crève à force d'avoir bu pour l'éteindre, et que toute l'eau qu'il avait absorbée se transforme en lac, qu'est-ce autre chose que le feu central - le Heren-sugue de la tradition basque - dont une éruption a, comme l'a toujours constaté la géologie, donné naissance à un lac ?
Tout doute nous semble impossible.

Karl des Monts, Contes, récits et légendes des pays de France.
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