La trève (la trébo) est une sorte de diable mi-fantôme qui hante les villages du Rouergue perdus dans la montagne, au-delà de Rodez. Combien de jeunes abusent, grâce à la terreur qu'elle fait naître, des craintifs ou des "innocents du village" et leurs plaisanteries macabres ne sont pas toujours du meilleur effet car, diable ou pas, ils finissent par payer cher cette provocation.
Tenez, en voici un exemple : dans un de ces villages rouergats, la veillée battait son plein et se prolongeait tardivement lorsque deux jeunes garçons revenant d'un village voisin entrèrent en hurlant qu'ils venaient de rencontrer la trève à l'entrée du pays. Tremblant de peur, ils expliquèrent qu'elle était si menaçante que, si on ne la tuait pas sur-le-champ, elle ferait mauvais parti à ceux qui la rencontraient en quittant la veillée.
- Toi qui es malin, dit l'un des jeunes garçons en s'adressant à l'innocent du village qui les regardait bêtement, tu devrais nous e débarrasser...
Et sans savoir comment, le bêta se retrouva dehors avec un gourdin à la main. Excité par les autres qui, enfin, comprenaient la supercherie, il se décida tout d'un coup et partit dans la direction qu'on lui indiquait.
Il revint peu de temps après, fier de son exploit, affirmant avoir tué le diable. On regarda son gourdin. Il était couvert de sang.
Sur la route, on retrouva le cadavre du compagnon qui avait joué la trève. Son crâne était en bouillie. Quand à l'innocent, il faisait courageusement mouliner son gourdin et expliquait comment il s'y était pris.
Claude Seignolle, Contes, récits et légendes des pays de France.