Au Moyen Âge, les débiteurs de complaintes sont partout bien accueillis, du château à la ferme et à la place publique. Née de l'élégie, la complainte inspire aux badauds des sentiments pieux ou patriotiques, sur des airs faciles quoique monotones. Plus tard, depuis Paris, ces chansons parcourront toute la France par les voies du colportage.
A la fin du XVIIIe siècle et pendant tout le XIXe siècle, les chanteurs ambulants dressent au coin des rues une sorte d'éventaire surmonté d'un tableau violemment colorié représentant les évènements relatifs à la chanson "vécue", qu'ils indiquent successivement à l'aide d'un bâton. Ces complaintes interminables racontent des faits divers comme l'histoire de la Bête du Gévaudan, ou celle de Fualdès, magistrat assassiné à Rodez en 1817.
Puis, la complainte cède définitivement sa place à la chanson de rue qui connaît son âge d'or à la Belle Epoque. Les chanteurs "poussent la goualante", accompagnés d'un accordéon, d'un banjo, d'un violon grinçant, et tendent la soucoupe aux badauds. Ils vendent leur rengaines imprimées pour quelques sous. Avant que la radio et la télévision les aient fait disparaître, comment oublier qu'à la porte des Lilas, résonna la voix d'une certaine Edith Gassion d'à peine seize ans, qui allait devenir la même Piaf...