Avant que les chinois n'inventent le papier, vers l'an 100, les peuples lettrés de l'Antiquité consignaient leurs écrits sur les supports les plus variés : plaquettes de terre cuite, tablettes de cire et de buis, feuilles de papyrus ou peaux d'agneaux soigneusement tannées et cousues entre elles. Cette dernière technique, de loin la plus pratique pour la lecture et le stockage des documents, donna naissance au livre moderne. Seul inconvénient : le coût élevé de fabrication de chaque ouvrage, dont l'usage était donc réservé aux aristocrates et aux dignitaires ecclésiastiques. C'est pourquoi, pour renouveler le contenu de leur bibliothèque, quelques-uns d'entre eux confiaient aux moines copistes le soin de gratter les peaux, pour les recouvrir ensuite d'un nouveau texte. En analysant au spectographe un livre de prières chrétien du Moyen Âge, des scientifiques du Rochester Institute of Technology ont eu l'heureuse surprise de découvrir un traité jusqu'alors inconnu du mathématicien Archimède, caché sous le texte sacré. Puis, en dessous, un discours d'Hypérides, un homme politique grec du IVe siècle av. J.-C. Poursuivant leur investigation, ils ont ensuite mis au jour un texte d'Aristote, écrit aux environs de 350 av. J.-C., que l'on ne connaissait qu'à travers une traduction latine très incomplète. "Dans un seul livre, trois chefs-d'oeuvre !" s'est extasié le chef du projet. Nos descendants ne seront-ils pas déçus en découvrant, dans quelques siècles, que nos livres ne contenaient qu'un seul texte, d'un intérêt parfois médiocre ? Heureusement le papier utilisé aujourd'hui les aura réduits en poussière depuis belle lurette !