Qui n'a pas entendu parler du feu follet ? "Flamme erratique produite par des émanations gazeuses, écrit Littré, qui s'élevant soit des endroits marécageux, soit des lieux où des matières animales se décomposent, s'enflamment spontanément et n'ont que peu de durée."
Pauvre savant, vous vous trompez. Tout Poitevin, sans avoir connu même le chemin de l'école, vous apprendra que le feu follet est l'âme vagabonde d'une personne défunte, en quête des prières que lui ont refusées ses héritiers.
Le feu follet affecte des aspects divers. On le voit sous forme de croix, de boule, de cierge, etc., voyager de-ci, de-là, toujours la nuit. Quelquefois le voyageur attardé le verra le précéder ou le suivre, marcher à ses côtés comme un compagnon fidèle, le toucher. Si c'est vous, n'ayez peur. Le feu follet ne brûle pas, ne fait aucun mal. Priez pour lui, il vous abandonnera aussitôt en vous laissant la satisfaction d'avoir contribuer à sauver une âme.
Un de mes voisins, voyageant par une nuit sombre, fut suivi, en sortant de la forêt de Chantemerle, par deux follets, pendant plus de trois kilomètres. Le malheureux, tout effaré, marchait au pas de course, mais les flammes ne l'abandonnaient pas. Pour regagner Moncoutant, il lui fallait traverser, à La Morinière, la Sèvre, dont les deux rives étaient reliées par une planche étroite et branlante. Au moment de franchir ce pont dangereux, il hésite... Il fait si noir que le moindre faux pas peut causer sa perte. Désespéré, il se signe et... s'avance frémissant. A l'instant même, les feux bienfaisants se placent aux deux extrémités du passage et lui permettent de voir comme en plein jour la route à suivre. A peine la traversée opérée, ils disparaissent subitement, laissant dans l'obscurité la plus profonde notre voyageur, qui n'oublia jamais les péripéties de son voyage.
Un jour que j'arrivais à Moncoutant après une absence assez longue, quelqu'un me raconta que, pendant la nuit précédente, il avait vu, sur mon petit étang, errer longtemps et s'enfuir à travers la prairie un feu follet. Quand je questionnai mon domestique là-dessus, il me répondit :
- Je n'ai rien vu ; mais, monsieur, on a pêché dans notre étang cette nuit-là. Je l'ai constaté, ce matin, en voyant les marques des filets sur la boue, et sur les berges, la trace de leur levée.
C'était un feu follet qui m'avait volé mon poisson, un feu follet d'un genre particulier, en chair et en os, qui, à défaut d'une lumière émanant de lui, opère avec son falot. Son nom est : maraudeur. Il est très commun.
Souvent, le feu follet se laisse entraîner au gré de son inspiration. A Saint-Cyr-des-Gâts (Vendée), j'en connais un dont le parcours est fixe. Il sort d'un fossé, se dirige vers une croix voisine, s'y arrête quelques instants et va se perdre auprès de la grande route de La Caillère à Fontenay. Il voyage en tout temps obscur. Les autres, sauf exceptions assez rares, ne se déplacent qu'aux avents, c'est-à-dire pendant les nuits qui précèdent les fêtes de Noël.
Casimir Puichaud
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