Quel que soit son surnom, toutes les provinces déclinent à l'envi les mésaventures de l'idiot du village, personnage burlesque qui a donné lieu à un grand nombre de contes facétieux. Il était une fois une veuve qui habitait le village du Puy. Elle avait un fils qui s'appelait Léon et qui était sot comme pas un. Un jour, ne pouvant se rendre au marché de Lanouailles pour acheter des aiguilles à coudre, elle chargea Léon d'y aller. Tout heureux, il s'empressa de partir. Arrivé à Lanouailles, il acheta les aiguilles à coudre et repartit aussitôt. En passant au pont du Puy, il vit ses voisins qui s'empressaient de rentrer les foins car le temps menaçait de tourner à la pluie. En voyant Léon, ceux-ci lui crièrent de venir les aider.
- Avec plaisir, leur dit-il.
Ne sachant où déposer ses aiguilles, il les piqua dans une meule de foin. Le travail terminé, il chercha ses aiguilles mais ne les retrouva pas. Rentré chez lui, sa mère lui dit :
- Donne-moi les aiguilles.
- Je les avais mises dans une meule de foin et quand j'ai voulu les reprendre je ne les ai pas retrouvées.
- Imbécile, tu aurais dû les piquer au revers de ta veste.
- Je le saurai la prochaine fois, répondit-il.
A quelques jours de là, sa mère l'envoya chez le forgeron faire réparer le tisonnier. Lorsque le forgeron eut fini, il lui dit :
- Attention, petit, le fer est encore chaud.
- Ne vous en faites pas, je sais où le mettre.
Et il le piqua au revers de sa veste qui fut tout de suite brûlée et déchirée. En le voyant, sa mère se mit en
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- Tu aurais dû le mettre sur ton épaule !
A quelques jours de là, elle l'envoya emmener un cochon au boucher. Léon mit le cochon sur son épaule et le cochon lui mangea une oreille.
- Pauvre Léon, dit la mère, tu ne feras plus aucune commission.
Au bout de quelques temps, Léon commença de s'ennuyer. Il demanda à sa mère de partir avec le coq. Arrivé de nuit dans un village appelé La Porte, il aperçut des gens qui attelaient des boeufs à une grande charrue.
- Oh ! braves gens, leur dit-il, où allez-vous donc à cette heure avec votre attelage ?
- Nous allons chercher le jour, dit l'un deux.
Alors Léon leur dit en montrant son coq :
- Braves gens, n'allez pas si loin, la petite bête que voici vous l'apportera tous les matins.
- Ce n'est pas possible ! s'exclamèrent les gens de La Porte.
- Vous allez voir.
Il leur demanda d'attendre un peu. Bientôt le coq chanta. Peu après, l'aube pointa. Alors, on voulut lui acheter l'animal qui apportait le jour.
- J'en veux cent écus, dit Léon, pas un de moins.
- Les voici, sans un de moins.
Claude SEIGNOLLE,
Contes populaires de Guyenne, 1946
Raconté à Lanouailles, en Dordogne