Les sirènes ne vivent pas uniquement en mer. Certaines se sont établies dans les lacs, étangs et rivières. Jean-François Bladé (1827-1900), qui collecta les contes de Gascogne à la fin du XIXe siècle, évoque ces fées d'eau qui s'ébattaient jadis dans la Garonne et dans le Gers. Mi-femmes, mi-poissons, les sirènes de Gascogne avaient de longs et fins cheveux coiffés avec des peignes d'or. La journée, elles restaient en profondeur et l'on ignore à quoi elles occupaient leur temps. Mais, à la nuit tombée, elles remontaient à la surface : on pouvait alors les voir s'amuser, nager, et entendre leurs chants mélodieux. Les vieux mariniers redoutaient ces chanteuses nocturnes et empêchaient les plus jeunes de plonger à leur rencontre. Car eux savaient que l'apparence séduisante de ces jeunes filles cachait des êtres malfaisants et cruels. Elles ne charmaient les hommes que pour mieux se repaître de leur sang, de leur cervelle et de leurs entrailles, qu'elles dévoraient à belles dents. Seul l'angélus parvenait à les faire fuir. Cette terrible description n'est pas étrangère à la volonté de l'Eglise, qui préférait faire de ces fées des créatures du diable plutôt que des déesses de la nature