Les fées, ou fades, d'Auvergne sont parfois bien cruelles. Comme leurs compagnes des autres provinces, elles aiment à faire des rondes, mais gare à l'imprudent qui trouble leurs ébats nocturnes ! La diabolisation des divinités païennes par le clergé a conduit à assimiler les fées à des sorcières, et leurs danses à celles du sabbat.
Un soir, un samedi, un garçon nommé Irald passait au pied du lac des Fées à onze heures ; au clair de la lune, il voit sur le sommet des êtres aériens ; il arrive jusqu'à la danse sans que sa présence ait été aperçue. Cependant, la ronde s'arrête : deux fées rompent la chaîne et lui font signe de venir prendre la place faite pour lui. Le garçon s'y précipite, mais lorsque ses mains ont rejoint celles de ses belles voisines, quelque chose de sec et de glacé le saisit comme un étau, un frisson pénètre dans son corps. Alors commence une ronde infernale ; Irald est entraîné avec une rapidité effrayante, ses forces s'épuisent dans ce tourbillon ; enfin, il succombe et tombe presque anéanti sur le sol maudit.
La ronde continue toujours. L'heure de minuit est arrivée, la lune se voile davantage. En cet instant, ces belles filles disparaissent, se métamorphosent et l'on ne voit plus que des squelettes hideux dont la tête creuse jette des flammes par ses ouvertures. Le corps fétide d'un enfant mort sans baptême est apporté, la troupe odieuse va se livrer à un festin épouvantable. L'idée lui vient de se recommander au grand saint Géraud. Il se signe ; aussitôt un désordre se manifeste parmi la bande infernale. Celle des fées qui lui avait paru la plus séduisante s'approche, exhale sur sa tête en souffle enflammé, le feu calcine ses cheveux et une main brûlante imprime sur sa joue un stigmate aux reflets sanglants.
Irald avait perdu connaissance, il ne put voir la fin de cette vision satanique : quand il se réveilla, la colline avait repris son aspect accoutumé ; mais il conserva ses plaies.
DERIBIER DU CHATELET, Dictionnaire statistique du département du Cantal, 1852-1857