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 Comment Pierrou se vengea du Comte de la Roche-Lambert

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Comment Pierrou se vengea du Comte de la Roche-Lambert   Comment Pierrou se vengea du Comte de la Roche-Lambert EmptyVen 9 Juin - 23:02

Le château de la Roche est situé au flanc d'une colline qui offre, au soleil de midi, une pente quasi droite. De temps immémorial, ce château était habité par un comte que l'on disait très avare et un peu inhumain. Les habitants de Marcillac, le village voisin, en avaient plus d'une fois subi les conséquences. Entre autres vexations, il les employait pour l'amélioration de ses domaines à des travaux excessivement pénibles, ne leur donnant pour toute nourriture qu'un pain noir et grossier détrempé dans de l'eau. Parmi ces bonnes gens, le nommé Pierrou se distinguait par son intelligence et surtout son adresse à duper les simples. Le comte lui-même s'y était laissé prendre plus d'une fois ; malgré cela, il l'aimait et suivait volontiers ses conseils.
Un jour, le comte était occupé à considérer ses ouvriers qui creusaient un fossé dans une de ses terres, quand une tranche de pain blanc montra le nez sous le pan de son habit. Pierrou l'aperçut et se promit bien de l'ajouter à son modeste déjeuner. Un instant après, ayant fait baisser le comte sous prétexte de s'asurer que le travail s'exécutait selon ses idées, il escroqua adroitement la tranche et la remplaça par une bouse sèche de vache, puis, sans quitter le chantier, il se défit joyeusement de son larcin, en fit même part à ses camarades, sans que le comte s'aperçût de rien. Une heure plus tard environ, le châtelain s'étant esquivé derrière une haie de buissons pour vider sa poche tout à son aise, ne prit pas garde à l'accident qui lui était survenu et, ne consultant que son appétit, il mordit sans façon dans la bouse. Alors seulement il s'aperçut de la farce.

- Fripons ! s'écria-t-il, qui est-ce qui m'a volé ?
Ses soupçons tombèrent du premier coup sur le coupable, qui fut condamné aux verges sur-le-champ. Pierrou souffrit avec résignation dans l'espoir d'avoir au plus tôt sa revanche. L'occasion favorable ne tarde pas à se présenter.
Pierrou avait pour toute propriété une vache qu'il entretenait le plus souvent aux frais du comte. Celui-ci, après maintes observations infructueuses, vit la vache dans un de ses plus beaux prés et il y envoya son garde avec ordre de tuer la bête. Pierrou, informé, ne s'émut pas le moins du monde de la chose. S'étant rendu sur les lieux, il leva tranquillement le cuir de sa vache et le porta au marché du Puy pour le vendre. Chemin faisant, il vit deux individus cachés derrière un mur qui comptaient de l'argent. C'étaient deux voleurs qui se répartissaient le butin de leurs courses nocturnes.
- Voilà la tienne, voici la mienne, disait le répartiteur.
- Et la mienne ? proféra une voix rauque de l'autre côté de la muraille.
Les voleurs, entendant à plusieurs reprises une telle récrimination, commencèrent à s'effrayer. Ils continuèrent néanmoins leur partage. Pierrou, de son côté, s'étant affublé la tête avec le cuir de sa vache, se montra par-dessus le mur. Les brigands crurent que c'était le diable, aussi gagnèrent-ils le large à toutes jambes, laissant le prétendu mauvais esprit maître de leur trésor. Pierrou, à qui les bonnes idées ne faisaient jamais défaut, fit une espèce de sac de sa peau de vache, y mit l'argent et reprit en toute hâte le chemin de son village. Arrivé chez lui, il envoya tout de suite sa fille au château prier le comte d'avoir la bonté de lui prêter le "quarton" dont il se servait pour mesurer son blé.
- Que diantre veut donc mesurer ton père ? demanda le maître.
- Le prix du cuir de sa vache.
- Que dis-tu là ! Ton père veut m'en conter.

- Pas du tout, monsieur le comte, c'est la pure vérité. Si vous ne voulez pas le croire, donnez-vous la peine de venir chez nous pour vous en assurer.
Le comte suivit bientôt la jeune fille chez son père qu'il trouva occupé à compter son argent. Il ne pouvait en croire ses yeux.
- Quoi ! s'écria-t-il, tout cet argent pour une peau de vache ?
- Oui, monsieur le comte, répondit Pierrou, je l'ai vendue deux sous le poil. Si j'étais à votre place, je ferais lever le cuir de tout mon bétail ; il y aurait de quoi vous faire deux fois millionnaire !
L'appât de l'argent, la cupidité rendirent vraisemblable un si perfide conseil. Avant le soir du même jour les écuries du comte étaient changées en abattoirs. Le lendemain, une énorme voiture conduisait à la ville plus de quarante peaux. Ceux qui avaient la commission de cette vente en demandaient, selon les ordres du comte, deux sous le poil, et tous les tanneurs de les huer. On les prit pour des fous, de sorte qu'ils durent revenir sans avoir vendu une seule peau. A cette nouvelle, le comte, reconnaissant la duperie, entra dans une colère épouvantable et résolut de se venger d'une manière exemplaire. Il ordonna à ses gens d'aller se saisir de son mystificateur et de l'enterrer tout vivant dans la terre jusque sous les bras.
Pierrou se laissa faire sans mot dire, cherchant simplement en sa tête un moyen de sortir de ce mauvais pas. Il était resté trois jours dans la fosse sans avoir aucune idée de salut, quand il vit venir à lui un loup d'une taille effrayante. Pierrou crut toucher à sa dernière heure ; il fit son acte de contrition et se prépara à mourir. Cependant, la Providence voulut que l'animal dont il redoutait la dent meurtrière devînt son propre libérateur. S'étant rappelé que le loup ne peut pas se retourner lorsqu'il est tenu par la queue, comme il avait les mains libres, il saisit son visiteur, qui paraissait sans méfiance. Maître loup fit tant d'efforts pour s'échapper qu'il finit par arracher de sa fosse l'infortuné Pierrou, lequel eut la bonne inspiration de ne pas lâcher sa proie et d'en faire l'instrument de sa vengeance. Tenant donc toujours le loup par la queue, il se dirigea vers le château et ayant demandé à parler au comte par un guichet :
- Monsieur, lui dit-il, le Ciel, ne voulant pas me laisser périr sous les coups de votre vengeance, m'a envoyé le mouton que j'amène et qui n'en a pas l'air comme ça, mais qui en est un déguisé en faux loup pour mieux tuer les loups. Pour vous ôter tout soupçon de rancune, je vous en fais cadeau.
Le comte, heureux de recevoir un présent, ordonna que le soi-disant mouton fût introduit dans la bergerie. Il fût obéi. Pierrou se retira chez sa femme et sa fille qui furent joyeuses de le revoir. De son côté, le loup, se voyant en si bonne compagnie, ne perdit pas de temps. Il fit plus de meurtres dans la nuit suivant qu'il n'en avait accompli pendant toute sa vie.

Le comte, instruit de ce qui est arrivé, jura, dans sa colère, de se débarrasser d'un si funeste villageois.
- Qu'on se saisisse de cet individu, dit-il ; qu'on lui lie les pieds et les mains et qu'il soit précipité dans le gouffre des Couches.
Ce gouffre est situé dans la Borne, près du château ; il est d'une profondeur insoupçonnée, et les simples prétendent qu'il aboutit aux régions infernales. Quoi qu'il en soit, l'arrêt du comte fut exécuté à la lettre. Pierrou, pieds et mains liés, enveloppé dans un drap, fut d'abord déposé près du chemin conduisant à la rivière, puis les porteurs songèrent à aller chercher leur maître. Durant cet intervalle, un cavalier passant par là pour se rendre à Loudes, entendit des gémissements et des cris plaintifs. Il ralentit sa marche et prêta l'oreille pour découvrir d'où partaient ces pleurs. Ayant aperçu le malheureux, il s'enquit des circonstances qui l'avaient mis dans cet état.
- Ah ! bon seigneur ! s'écria Pierrou, que mon sort est digne de compassion ! On veut me faire roi de France, moi qui ne sais ni lire ni écrire ! Oh ! qui me délivrera de cette dure nécessité ?
- Quoi ! s'exclama le cavalier stupéfait, est-ce là tout le sujet de vos alarmes ?
- N'est-il pas assez grand ? Comment voulez-vous que je gouverne un si florissant royaume, ignorant comme je suis ?
- Cessez de vous désoler, mon cher ami, reprit le cavalier ; si vous voulez, je pourrai vous être utile.
- Comment ?
- Je sais, moi, parfaitement lire et écrire ; je pourrai prendre votre place.
- Ah ! la bonne pensée ! Vite, ne perdons pas de temps. Prenez mes habits, donnez-moi les vôtres. Laissez-vous lier et envelopper dans le drap, et prenez garde de ne rien dire, quoi qu'on vous fasse. On reconnaîtrait que votre voix n'est pas la mienne.
- Soyez tranquille, repartit le futur roi, je jouerai parfaitement mon rôle et me souviendrai de vous, une fois sur le trône.
Pierrou, revêtu des habits de sa nouvelle victime, enfourche le cheval, lui donne de l'éperon et fend l'espace à la vitesse de l'éclair. Il en était temps, car le comte, cinq minutes plus tard, était sur les bords du gouffre, se donnant le plaisir d'y voir précipiter son funeste adversaire.
Le soir du même jour, au moment où le comte se disposait à prendre du repos, on vint lui dire qu'un gentilhomme demandait à lui parler. C'était un beau cavalier, monté sur un superbe coursier, et c'était Pierrou lui-même. Le comte, qui ne s'attendait pas à pareille visite, ne le reconnut pas de prime abord, mais Pierrou eut hâte de s'annoncer.

- Comment ! gémit le comte effrayé, est-ce bien toi, grand coquin ? Tu es sorti du gouffre ?
- Oui, c'est moi, et pour vous prouver que je ne vous en veux pas, je viens vous faire part de mon heureuse aventure.
- Assieds-toi et raconte-moi tout.
Et Pierrou narra une belle histoire.
- Arrivé au fond du gouffre, commença le fourbe, j'ai été délivré de mes liens ; revêtu de l'habit que vous me voyez et introduit dans un pays si charmant qu'il m'est impossible de vous indiquer quelque chose qui en approche ; toutes les richesses y abondent et chacun en a autant qu'il en désire. On y élève surtout des chevaux d'une espèce rare ; celui que j'ai amené n'est que des moindres. Il y a mille autres merveilles que je n'ai pas eu le temps de visiter, car je me suis hâté de revenir sur mes pas pour vous faire participer à cette splendide découverte. Je ne doute pas que vous ne vouliez pas me suivre, mais il faut tenir la chose secrète, autrement tout le monde voudrait être de la partie. Pour que personne n'en ait vent, si vous le permettez, je coucherai au château et demain, à la pointe du jour, nous partirons sans qu'on sans doute.
Le châtelain adhéra à tout et le lendemain, aux première lueurs de l'aube, nos deux hommes étaient au bord du gouffre. Le comte, un peu soupçonneux, quoique confiant, dit à Pierrou :
- Tu vas me jouer quelque mauvais tour ...
- Pas du tout répondit le farceur. Soyez sans crainte, et, tenez ! avant de vous engager, veuillez vous assurer par vous-même de la vérité. Je vous ai dit qu'on élevait dans ce pays de superbes coursiers ; regardez donc, on les aperçoit d'ici ...
Le comte posa son regard sur la surface paisible de l'eau et vit, en effet, deux chevaux, reflets de ceux que montaient les cavaliers. Enchanté de cette apparence, le comte sentit s'évaouir ses appréhensions et se dirigea d'un pas ferme vers le gouffre Pierrou, soi-disant pour céder le pas à son maître, était resté sur la berge, tandis qu'il criait à sa victime :
- Courage, monseigneur, nous arriverons bientôt !
Le comte arriva, en effet, en quelques instants, au fond, mais il n'en revint jamais.

Ulysse ROUCHON, Contes et légendes de la Haute-Loire, 1947
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