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 Les Korils de Plaudren

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Joa
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MessageSujet: Les Korils de Plaudren   Les Korils de Plaudren EmptyMar 13 Juin - 8:33

Les korils sont des korrigans dansant sur la lande au clair de lune. Ils constituent l'une des quatre tribus de ces petits nains facétieux recensées par Emile Souvestre dans le seul pays de Vannes. On y trouve aussi les kornikaneds, korrigans de bois qui mugissent dans de petites cornes, les poulpikans, korrigans des lieux bas et déserts qui vivent dans des terriers, et les teuz, sorte de petits nains noirs cachés dans les prés et les blés mûrs. Les richesses des korrigans sont réputées immenses et l'on dit parfois qu'ils fabriquent de l'or.

Il y avait en Plaudren, auprès du petit bourg de Locqueltas, une lande appelée Motenn-Dervenn (ou, comme diraient les Galots, la terre du chêne), dans laquelle se trouvait un grand village de korils que l'on peut voir encore aujourd'hui. Les méchants nains y venaient danser toutes les nuits, et celui qui osait alors traverser la lande était sûr d'être entraîné dans leur ronde et forcé de tourner avec eux jusqu'au premier chant du coq ; aussi ne se hasardait-on pas à y aller. Cependant, un soir, Bénéad Guilcher, qui revenait avec sa femme d'un champ où il avait mené la charrue tout le jour pour le compte d'un fermier de Cadoudal, prit par la lande hantée afin de raccourcir le chemin. Il était de bonne heure, et il espérait que les korrigans n'auraient point encore commencé leur danse ; mais, arrivé au milieu du Mottenn-Dervenn, il les aperçut éparpillés autour des grands pierres, comme des oiseaux sur un champ de blé. Il allait retourner en arrière, lorsque les cornes des nains des bois et les cris d'appel des nains des vallées retentirent derrière lui. Bénéad sentit ses jambes trembler, et dit à sa femme :
- Sainte Anne ! nous sommes perdus ; car voici les kornikaneds et les poulpikans qui viennent rejoindre les korils pour mener le bal toute la nuit. Ils nous forceront à danser jusqu'au jour, et mon pauvre coeur n'y pourra tenir.
De fait, les troupes de korrigans arrivaient de tous côtés, entourant Guicher et sa femme comme les mouches de l'août entourent une goutte de miel ; mais ils s'écartèrent en apercevant la petite fourche à nettoyer la charrue que Bénéad tenait à la main, et ils se mirent à chanter tous ensemble :
Laissons-le, laissons-la ! Fourche de charrue il a ! Laissons-la, laissons-le ! La fourchette est avec eux.

Guilcher comprit alors que le bâton qu'il tenait à la main était une défense magique contre les korrigans, et il passa au milieu d'eux avec sa moitié de ménage sans avoir rien à souffrir. Ce fut un avertissement pour le pays. A partir de ce jour, tout le monde sortit le soir avec la petite fourche, et l'on put traverser sans crainte les bruyères et les vaux.
Mais Bénéad, ne trouva pas que ce fût assez d'avoir rendu ce service aux Bretons ; c'était un homme d'esprit curieux et subtil, et d'aussi joyeuse humeur qu'aucun bossu des quatre évêchés bretonnants. Car je ne vous ai point encore dit que Bénéad portait une bosse de naissance placée juste entre les deux épaules, et dont il eût bien voulu se défaire au prix coûtant. Du reste, on le regardait comme un bon mercenaire, gagnant sa journée en conscience, et, aussi comme un vrai chrétien. Un soir, ne pouvant plus résister à son désir, il prit sa petite fourche, après s'être recommandé à sainte Anne, et s'en alla vers le Mottenn-Dervenn. Du plus loin que les korils le virent, ils accoururent en criant :
- C'est Bénéad Guilcher !
- Oui, mes petits hommes, c'est moi, répondit le bossu jovial : je viens vous faire une visite de voisinage.
- Sois le bienvenu, répliquèrent les korils. Veux-tu danser avec nous ?
- Faites excuse, braves gens, reprit Guilcher, mais vous avez l'haleine trop longue pour un pauvre infirme.
- Nous nous arrêterons quand tu voudras, crièrent les korils.
- Me le promettez-vous, dit Bénéad, qui n'eût pas été fâché d'essayer la ronde, par curiosité, pour pouvoir en parler.
- Nous te le promettons, répondirent les nains.
- Sur la croix du Sauveur ?
- Sur la crois du Sauveur.
Le bossu, persuadé qu'un pareil serment le mettait à l'abri de tout malheur, prit place dans la chaîne, et les korils commencèrent la ronde en répétant leur chant accoutumé :
Lundi, mardi, mercredi ! Lundi, mardi, mercredi.
Au bout de quelques instants, Guilcher s'arrêta.
- Sauf le respect que je vous dois, mes gentilshommes, dit-il aux nains, votre chanson et votre danse me paraissent peu variées ; vous vous arrêtez trop tôt dans la semaine, et, sans être un rimeur habile, je crois que je puis allonger le refrain.
- Voyons, voyons ! répétèrent les nains.
Alors le bossu reprit :
Lundi, mardi, mercedi ! Jeudi, vendredi, samedi.

Une grande rumeur s'éleva parmi les korils.
- Stard ! Stard ! (Cri d'encouragement des Bretons)crièrent-ils, en entourant Guilcher ; tu es un chanteur d'esprit et un beau danseur : répète, répète ! Le bossu répéta :
Lundi, mardi, mercredi ! Jeudi, vendredi, samedi, tandis que les korils tournaient avec une joie folle Enfin ils s'arrêtèrent, et, se pressant autour de Guilcher, ils dirent tous à la fois :
- Que veux-tu ? que désires-tu ? richesse ou beauté ? Fais un souhait, et nous te donnerons ce que tu auras voulu
- Parlez-vous sérieusement ? demanda le journalier.
- Que nous soyons condamnés à ramasser grain à grain tout le mil de l'évêché, si nous te trompons, répondirent-ils.
-Eh bien, reprit Guicher, puisque vous voulez me faire un cadeau et que vous m'en laissez le choix, je ne vous demande qu'une chose, c'est d'enlever ce que j'ai là, entre les deux épaules, et de me rendre aussi droit que le bâton de la bannière de Locqueltas.
- Bien, bien, répliquèrent les korils, sois tranquille ; viens ici ! ...
Et, saisissant Guilcher, ils le firent pirouetter dans l'air, ils le lancèrent de l'un à l'autre, comme une pelote de laine, jusqu'à ce qu'il eût achevé le tour du cercle. Alors il retomba sur ses pieds, étourdi, étouffé, mais sans bosse ! Bénéad était rajeuni, agrandi, embelli ! A moins d'être sa mère, c'était à ne plus le reconnaître.
Vous devinez quel étonnement quand il reparut à Locqueltas ! On ne pouvait croire que ce fût Guilcher ; sa femme elle-même ne savait trop si elle devait le recevoir. Pour se faire reconnaître il fallut que l'ancien bossu lui dît, au juste, combien elle avait de coiffes dans sa crédance (armoire) et quelle était la couleur de ses bas. Enfin, quand on fut assuré que c'était bien lui, chacun voulut savoir comment avait pu se faire un pareil changement ; Mais Bénéad pensa que s'il l'avouait, on le regarderait comme le compère des korrigans, et que toutes les fois qu'il y aurait un boeuf égaré ou une chèvre disparue, on s'en prendrait à lui pour les retrouver. Aussi répondit-il à ceux qui l'interrogeaient que tout s'était fait à son insu pendant qu'il dormait sur la lande. Les mal tournés le crurent et allèrent, tous les jours, se coucher dans les bruyères, avec l'espoir de se réveiller plus droits ; mais d'autres comprirent qu'il y avait un secret dont Guilcher ne voulait rien dire.
Parmi ceux-ci se trouvait un tailleur aux cheveux rouges et aux yeux de travers, que l'on appelait Perr Balibouzik, parce qu'il bredouillait en parlant. Ce n'était point, comme sont d'habitude ses pareils, un compagnon rimeur aussi gai sur son établi que le rouge-gorge sur sa branche et sentant les crêpes de froment d'aussi loin que le chien sent le gibier. Balibouzik ne riait pas, ne chantait jamais et ne se nourrissait que de pain d'orge, dans lequel on voyait les pailles. C'était un avare, et, de plus, un mauvais chrétien qui prêtait son argent à de si gros intérêts, qu'il ruinait tous les pauvres journaliers du pays. Guilcher lui devait cinq écus depuis longtemps, sans pouvoir les lui rendre ; Perr alla le trouver et les lui demanda de nouveau. L'ancien bossu s'excusa, en promettant de s'acquitter après les foins ; mais Balibouzik déclara qu'il ne lui accorderait un délai qu'à la condition de savoir qui l'avait rajeuni et redressé. Ainsi forcé de tout avouer, Guilcher raconta sa visite aux korils ; il dit quels mots il avait ajoutés à leur refrain et comment on lui avait donné à choisir entre deux souhaits. Perr se fit répéter tous les détails, puis s'en alla, en avertissant son débiteur qu'il lui laissait huit jours pour trouver les cinq écus. Mais ce qu'il venait d'apprendre avait éveillé sa rage d'avarice. Il résolut, dès le soir même, de se rendre au Mottenn-Dervenn, de se mêler à la danse des korrigans, et d'obtenir aussi le choix entre les deux souhaits proposés à Guilcher : richesse ou beauté.

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MessageSujet: Re: Les Korils de Plaudren   Les Korils de Plaudren EmptyMar 13 Juin - 8:34

... suite

Dès que la lune fut levée, voilà donc Balibouzik le louche qui s'achemine vers la lande, sa petite fourche à la main. Les korils l'aperçoivent, accourent à sa rencontre et lui demandent s'il veut danser. Perr y consent, après avoir fait ses conditions comme Bénéad, et il entre dans la ronde des petits hommes noirs qui se mettent à répéter le refrain agrandi par Guilcher :
Lundi, mardi, mercredi ! Jeudi, vendredi, samedi.
- Attendez ! s'écrie le tailleur saisi d'une inspiration subite ; moi aussi je veux ajouter quelque chose à votre chanson.
- Ajoute, ajoute, répondirent les korils.
Et tous reprient ensemble :
Lundi, mardi, mercredi ! Jeudi, vendredi, samedi.
Ils s'arrêtèrent, et Balibouzik ajouta seul en bégayant :
Et di... di... dimanche aussi.
Les nains poussèrent une longue clameur.
- Après ! crièrent-ils tous à la fois.
- Di... dimanche aussi, répéta le tailleur.
- Mais après... après.
- Di...dimanche.
- Après, après, après !
- Di... dimanche aussi !
Le cercle des korils se rompit ; tous couraient, comme furieux de ne pouvoir se faire comprendre. Le pauvre bègue, épouvanté, demeura la bouche ouverte, sans pouvoir rien dire. Enfin les flots de petites têtes noires s'apaisèrent un peu ; ils entourèrent Balibouzik, et mille voix crièrent en même temps :
- Fais un souhait ! fais un souhait.

Perr reprit courage.
- Un sou... sou... hait, répéta-t-il ; Guilcher a choi... si entre richesse et beauté.
- Oui ; Guilcher a choisi beauté et laissé richesse.
- Eh bien, moi, je choisis ce que Guil... Guilcher a laissé.
- Bien, bien ! crièrent les korils ; viens ici, tailleur.
Perr enchanté s'approcha ; ils l'enlevèrent comme ils avaient enlevé Bénéad, le firent rebondir de main en main jusqu'au bout de la chaîne, et quand il retomba sur ses pies, il avait entre les deux épaules ce que Guilcher avait laissé, c'est-à-dire une bosse ! Le tailleur ne s'appelait plus Balibouzik tout court ; c'était maintenant Tortik-Balibouzik. Le pauvre déformé revint à Locqueltas, honteux comme un chien qui a eu la queue coupée. Dès qu'on apprit ce qui lui était arrivé, il n'y eut personne qui ne voulût le voir. Toutes les commères venaient, avec un vieux sabot à la main, sous prétexte de demander du feu, et chacune criait : "Jésus !" en voyant son dos devenu aussi rond que la margelle d'un puits. Perr enrageait sous sa bosse et jurait tout bas qu'il se vengerait de Guilcher ; car lui seul était cause du malheur ; c'était le favori des korrigans et il leur avait, sans doute, demandé de faire cet affront à son créancier.
Aussi, les huit jours promis une fois écoulés, Tortik-Balibouzik annonça à Bénéad que s'il ne pouvait lui payer ces cinq écus, il allait avertir les hommes de justice de faire tout vendre chez lui. Bénéad eut beau le prier, le nouveau bossu ne voulut rien écouter et annonça que, dès le lendemain, il mettrait en foire (expression bretonne pour désigner la vente chez un débiteur : Ober foar var arrebeury) ses meubles, ses outils et son pourceau.
La femme de Guilcher jeta les hauts cris, en répétant qu'ils étaient déshonorés dans la paroisse, qu'il ne leur restait plus qu'à prendre le bissac et le bâton blanc pour aller mendier aux portes ; que c'était bien la peine, à Bénéad, d'être devenu un homme droit et de belle prestance pour se laisser mettre la ceinture de paille (Expression bretonne venant de ce qu'autrefois les insolvables étaient promenés autour de la paroisse avec une ceinture de paille), et mille autres choses sans raison, comme en disent les femmes affligées... et celles qui ne le sont pas. A toutes ces plaintes, Guilcher ne répondait rien, sinon qu'il fallait s'en remettre à la volonté de Dieu et de la Vierge ; mais son coeur était humilié jusqu'au fond. Il se reprochait maintenant de n'avoir point préféré richesse à beauté, quand on lui avit laissé le choix, et il eût voulu pouvoir reprendre sa bosse bien garnie d'écus d'or ou même d'argent. Après avoir cherché en vain un moyen de sortir d'embarras, il se décida donc à retourner au Mottenn-Dervenn. Les korils le reçurent avec de clameurs de joie, comme la première fois, et lui firent place dans leur ronde. Quoique Bénéad n'eût guère le coeur au plaisir, il ne voulut point attrister la danse et il se mit à sauter de toutes ses forces. Les nains ravis couraient comme les feuilles mortes que le vent fait tourbillonner en hiver. Tout en courant, ils répétaient le premiers vers de leur chanson, leur compagnon répondait par le second, ils reprenaient le troisième, et, comme c'était le dernier, Guilcher était obligé de terminer l'air sans paroles, ce qui au bout de quelque temps, lui parut ennuyeux.

- Si j'osais dire mon avis, mes petits seigneurs, dit-il aux korrigans, votre chanson me fait le même effet que le chien du boucher : elle marche sur trois jambes.
- C'est la vérité ! c'est la vérité ! crièrent toutes les voix.
- Je crois, reprit Bénéad, qu'elle aurait meilleure façon si on lui ajoutait un quatrième pied.
- Ajoute, ajoute ! répétèrent les nains.
Et tous reprirent d'une voix perçante :
Lundi, mardi, mercredi ! Jeudi, vendredi, samedi ! Avec le dimanche aussi ...
Il y eut un court silence ; les nains attendaient ce que Guilcher allait dire.
Et voilà la semaine finie ! acheva-t-il gaiement.
Mille cris qui ne formaient qu'un cri s'élevèrent de tous les côtés de la lande. En un instant, tout fut couvert de korrigans qui accouraient ; il en sortait des touffes d'herbes, des bouquets de genêts, des fentes de rochers ; on eût dit une ruche de petits hommes noirs ; tous ils gambadaient parmi les bruyères en criant :
Guilcherik, notre cher sauveur ! A rempli l'arrêt du Seigneur.
- Sur mon salut, que veut dire ceci ? s'écria Bénéad étonné.
- Cela veut dire, répliquèrent les korrigans, que Dieu nous avait condamnés à rester parmi les hommes et à danser toutes les nuits, sur les landes, jusqu'à ce qu'un chrétien eût complété notre refrain ; tu l'avais déjà allongé et nous espérions que le tailleur envoyé par toi le finirait ; mais il s'est arrêté au moment de l'achever, et c'est pourquoi nous l'avons puni. Tu viens heureusement de faire ce qu'il n'avait point fait ; notre temps d'épreuve est fini et nous retournons dans notre royaume qui s'étend sous la terre, plus bas que la mer et les rivières.
- S'il en est ainsi, dit Guilcher, et que vous m'ayez cette obligation, ne partez point sans tirer de peine un ami.
- Que te faut-il ?

- De quoi payer Balibouzik aujourd'hui et le fournier (boulanger) toujours.
- Prends nos sacs, prend nos sacs ! s'écrièrent les korrigans.
Et ils jetèrent aux pieds de Bénéad les petites poches de toile rousse qu'ils portaient en bandoulière. Celui-ci en ramassa autant qu'il en put porter et s'encourut tout joyeux à la maison.
- Allumez la résine, cria-t-il à sa femme, en entrant, et fermez la claie, afin qu'aucun voisin ne puisse nous voir, car j'apporte de quoi acheter trois paroisses avec leurs juges et leurs recteurs.
En même temps, il déposa sur la table tous les petits sacs et se mit à les ouvrir. Mais, hélas ! il avait calculé le prix du beurre avant d'avoir acheté la vache ! Les sacs ne renfermaient que du sable, des feuilles mortes, des crins et une paire de ciseaux. A cette vue, il poussa un si grand cri, que sa femme, qui était allée fermer la porte, revint sur ses pas en demandant ce qu'il y avait. Bénéad lui raconta sa promenade au Mottenn-Dervenn, et tout ce qui s'y était passé.
- Que Sainte-Anne nous assiste ! s'écria la femme effrayée, les korrigans se sont joués de vous.
- Hélas ! je le vois bien maintenant, répondit Guilcher.
- Et vous avez osé, malheureux que vous êtes, toucher à ces sacs qui ont appartenu à des maudits ?
- Je croyais y trouver quelque chose de meilleur, répondit piteusement Bénéad.
- Il ne vient rien de valeur de qui ne vaut rien, répliqua la femme ; ce que vous apportez-là va jeter un mauvais sort sur la maison. Jésus ! pourvu qu'il me reste de l'eau bénite. Elle courut à son lit, décrocha du mur un petit bénitier de faïence et y trempa une branche de buis ; mais à peine la rosée de Dieu eut-elle touché les sacs, que les crins se changèrent en colliers de perles, les feuilles mortes en pièces d'or et le sable en diamants ! L'enchantement était détruit et les richesses que les korrigans avaient voulu cacher aux chrétiens étaient forcées de reprendre leur véritable apparence !
Guilcher rendit à Balibouzik ses cinq écus ; il donna à chaque pauvre de la paroisse un boisseau de blé avec six aunes de toile, et paya au recteur cinquante messes à dix blancs (Sous parisis dans le pays de Vannes) ; puis il partit avec sa femme pour Josselin, où ils achetèrent une maison et où ils eurent des enfants qui aujourd'hui sont devenus des gentilshommes.

Emile SOUVESTRE, le Foyer Breton, 1844
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