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 Le marquis de Chauvirey

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Joa
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Joa


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Le marquis de Chauvirey Empty
MessageSujet: Le marquis de Chauvirey   Le marquis de Chauvirey EmptyLun 9 Oct - 9:13

Si généralement, les contes paysans déclinent avec humour le thème du diable berné, il n'en est rien dans le Marquis de Chauvirey, qui nous livre une version populaire du mythe de Faust.

Il y avait une fois, oh il y a bien longtemps de cela, un marquis de Chauvirey qui menait une vie de possédé. Sa principale occupation consistait à sacrer le nom du Père, du Fils et même du Saint-Esprit, qui cependant ne lui avaient jamais fait de mal ; à monter à cheval et courir le fauve, mais surtout à manger et boire, puis à se faire amener les plus jolies filles du pays et à leur présenter la vie sous certains côtés qui ne leur semblaient pas absolument dépourvus de charmes. Oh ! la population ne diminuait pas dans les domaines du marquis.
Tout a une fin dans ce monde, et surtout la vie, bonne ou mauvaise, triste ou gaie. Le seigneur de Chauvirey devenait vieux, il sacrait toujours, il mangeait et buvait passablement bien encore, mais le reste n'allait plus, et à l'instar du roi de Thulé, ses pleurs coulaient dans sa coupe profonde, en pensant au beau temps où tout marchait à la fois.

Un soir, le pauvre homme finissant de dîner et plus attristé encore, s'écria : "Qui me rendra..." et un pâle sourire acheva sa phrase. A ce moment, la porte de la vaste salle du château s'ouvrit et un grand beau garçon à moustache poignardant le ciel, à barbiche tortillade et cheveux rouges, habillé de velours noir à boutons d'argent, glissant sur le parquet, entra comme un souffle et vint s'asseoir en face du marquis, lui prenant la main, il dit : "Moi." Le pauvre Chauvirez retira sa main glacé, épouvanté il balbutia :
- Qui êtes-vous ?
- Parbleu, le diable, voulez-vous avoir vingt ans ?
- Oh oui, soupira le marquis.
- De suite, si vous vous donnez à moi, âme, corps et biens, dans trente ans. A cinquante ans, l'homme est fini, ajouta philosophiquement Satanas.
- C'est vrai, appuya Chauvirey.
- Est-ce conclu ? Trente bonnes années pour ce que j'ai dit.
Le marquis avait à peine dit oui que, nouveau Faust, il redressait sa taille courbée, ses rides avaient disparu avec ses infirmités. Il avait vingt ans.
Oh ! la vie que mena pendant trente ans le marquis rajeuni, on en parlera encore dans des centaines et des mille années. C'est de cette époque que datent les émigrations de ce bon pays, tant la population s'y pressait. Les curés suffisaient à peine aux baptêmes ; c'était le bon temps pour les tonneliers, cuisiniers, veneurs, pourvoyeurs de tout ce qui se boit, se mange et se consomme de jour et de nuit.
Quelle vie, mes enfants ! Hélas ! trois fois hélas ; trente bonnes années si richement remplies étaient écoulées. Un soir le marquis venait de reconduire ses hôtes et s'apprêtait à reposer son chef alourdi, quand une main se reposa sur son épaule et une voix connue dit :"A mon tour." Ce que devint le marquis de Chauvirey, jamais on ne le sut. Repose-t-il dans sa chapelle sous le lourd sarcophage de sa famille ? Le diable lui a-t-il donné un emploi dans son empire ? Je l'ignore, mais ce qui est sûr, c'est que l'homme rouge et noir, celui qui l'avait rajeuni, pris sa place, se mit dans son lit, but dans son verre, porta son nom et ses armes, et qu'il avait une façon de regarder les gens, à leur ôter l'envie de lui réclamer un certificat de bonne vie et moeurs. Ce qui est sûr encore, c'est que la vie enragée continua au château de Chauvirey, que les naissances ne diminuèrent pas et que depuis, les habitants ont tous le diable au corps à dix lieues à la ronde.

Gustave SARCAUD, Contes et légendes du Bassigny champenois, 1844
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