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 La fée d'Enveight

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Joa
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Joa


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La fée d'Enveight Empty
MessageSujet: La fée d'Enveight   La fée d'Enveight EmptyLun 30 Oct - 16:00

Les enchantées (incantadas ou encantadas) du Roussillon sont souvent de bonnes fées, généreuses envers les humains. Comme leurs soeurs des autres provinces, il leur arrive même d'épouser l'un deux. Mais les fées mettent toujours une condition à leur union, souvent une interdiction que l'homme doit respecter, au risque de voir sa belle disparaître à jamais.

Il était une fois, au village d'Enveigt, un beau gars qui allait chaque matin conduire à la montagne ses nombreux bestiaux : Pastor était son nom. Jamais l'amour n'avait tourmenté son coeur. Il cheminait un jour par un sentier désert, porteur d'un sac de sel destiné à son troupeau, lorsque, s'étant arrêté pour reprendre haleine au milieu des bruyères, il aperçut trois jeunes filles d'une rare beauté qui fredonnaient des chansons catalanes. Pastor ne les connaissait pas, mais, déjà charmé, il demanda et obtint la permission de leur tenir compagnie : l'une d'elles, aux cheveux blonds presque dorés qui tombaient sur ses épaules, lui plut tout particulièrement. A ses côtés, il marcha longtemps comme dans un rêve et lui avoua son désir de l'épouser ; il était riche, possesseur de nombreux troupeaux et très estimé dans le pays. Un éclat de rire accueillit ses avances.
- J'admire ton audace, lui dit la jeune inconnue. Pour obtenir ma main tu devras te présenter devant moi ni à jeun, ni rassasié ; ni habillé, ni nu ; ni à pieds, ni à cheval.
Et devant le pauvre garçon ébahi et perplexe, les trois jeunes filles disparurent comme par enchantement derrire un buisson. Pastor continua son chemin, obsédé par le rire moqueur qui tintait encore à ses oreilles, cherchant en vain la solution du problème bizarre qu'on venait de lui poser, mais résolu à tout tenter pour devenir l'époux de la séduisante blonde. Le soir même, il alla consulter une bonne vieille femme qui procurait des philttres, lui fit part de son aventure et lui demanda conseil :
- Les trois jeunes filles que tu as rencontrées, lui dit la vieille, sont des fées. Pour remplir les conditions que l'une d'elles t'imposa, tu mettras trois grains d'orge dans ta bouche, tu couvriras ton corps d'un filet et tu prendras une chèvre pour monture. Suis mon avis, et la belle t'appartiendra.

Pastor suivit ponctuellement ces indications qui répondaient parfaitement aux exigences de l'encantada et s'en fut au rendez-vous : la fée qui l'attendait ne put réprimer un cri d'étonnement et maudit la vieille femme qui l'avait conseillé.
- Eh bien, soit, parole oblige, dit-elle ; fidèle à ma promesse je consens à t'épouser, mais écoute bien mes recommandations et promets-moi d'en tenir compte.
- Je le promets.
- Nous irons habiter ta maison d'Enveitg ; tu entendras en chemin, derrière toi, un tapage infernal, mais tu prendras bien garde de ne pas te retourner par curiosité, car ce serait l'effondrement de ta fortune.
- Je ne me retournerai pas.
- Quoi que je fasse, pour si emporté que tu sois, ne me dis jamais : Ja no serias dona de fuma ni dona d'aygua ( Tu ne peux être qu'une femme de fumée ou une femme d'eau), parce que les fées ne doivent pas être appelées par leur nom.
- C'est entendu.
Le mariage fut dès lors conclu, et cette bonne nouvelle mit en liesse les habitants du hameau de Brangoly ; le gai carillon qui annonça la messe nuptiale fut le signal des réjouissances publiques. Après la messe et les danses, les deux époux se dirigèrent vers Enveitg. Et ce fut pour Pastor la première épreuve à subir.
Sa maison était précédée d'une vaste cour (aire) dans laquelle on dépique le blé. Losrqu'il fut rentré dans la cour, il entendit derrière lui un bruit assourdissant : le tintement des clochettes se mêlait au hennissement des chevaux qui piaffaient, au bêlement des moutons, au beuglement des taureaux et des boeufs. On aurait dit que le bétail du village était réuni, déchirant les airs de sons discordants. La tentation était trop forte, et, malgré les recommandations de sa femme, poussé par cette même curiosité qui valut à Loth d'être transformée en une statue de sel, Pastor se retourna lui aussi ... et détruisit le charme. Il vit la cour à demi remplie de bestiaux que conduisaient de jeunes bergers ; il y en avait plus qu'il n'en avait jamais vu. Mais le portail d'entrée se referma brusquement, barrant le passage aux nombreux chevaux, boeufs ou moutons qui étaient prêts à franchir le seuil ... Les deux époux vécurent heureux, et jamais la discorde ne vint troubler leur tranquillité : deux fillettes charmantes resserrèrent les liens qui unissaient Pastor et sa femme.

Quatre ans après le mariage, au mois de mai, Pastor quitta sa famille pour faire rentrer à Enveitg des troupeaux qui pacageaient en Espagne depuis le commencement de l'hiver. Pendant son absence, sa femme craignit un violent orage de grêle et prit ses précautions pour faire une hâtive moisson : en quelques jours les blés furent fauchés et transportés dans les greniers, au grand étonnement de tous les voisins, qui se moquèrent. A son retour, Pastor fut désespéré de voir ses champs prématurément fauchés et ses greniers pleins de gerbes encore vertes. Sans donner à sa femme le temps de s'expliquer, il l'invectiva durement :
- Ja no serias dona de fuma ni dona d'aygua, s'écria-t-il.
Pour la seconde fois, Pastor mentait à sa promesse. La fée disparut aussitôt par la cheminée de la maison. Le lendemain survint un violent orage qui détruisit toutes les récoltes du pays. Pator s'estima bien heureux d'avoir ses greniers pleins, grâce à la claivoyance de sa femme : il vit alors toute l'étendue de son malheur et se repentit amèrement d'avoir adressé à la fée bienfaisante les fatales paroles. Celle-ci néanmoins, n'abandonna pas ses filles : deux fois par semaine, elle se rendait dans leur chambre, à l'insu de Pastor, et procédait à leur toilette en leur recommandant de ne pas la trahir. Mais les deux fillettes ne purent s'empêcher de parler à leur père de cette visite.
- Dès que votre mère reviendra, recommanda Pastor, vous coudrez solidement vos jupes aux siennes et vous m'appellerez.
Elles obéirent, et Pastor averti entra dans la chambre, croyant revoir sa femme.
- Où est-elle ? dit-il à ses filles.
- Père, elle est là qui découd sa robe.
Mais il ouvrit vainement les yeux : il n'aperçut aucune forme humaine, car la fée venait de disparaître pour toujours ...
O muthos deloi oti (cette fable prouve que) le bonheur n'est pas durable, et que l'homme est souvent l'artisan de son propre malheur.

Horace CHAUVET, Folklore catalan, Légendes du Roussillon, 1899
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