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 La sorcière de Mende

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Joa
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Joa


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MessageSujet: La sorcière de Mende   La sorcière de Mende EmptyLun 30 Oct - 16:02

Au temps jadis vécut dans la ville de Mende une fille aux yeux noirs, à la peau de fruit doux, à l'allure émouvante. Elle s'appelait Marion. Elle aimait un garçon qui, lui, était épris si éperdument d'elle qu'un matin de septembre il commanda la noce et prévint le curé d'un mariage prochain. Ils s'épousèrent donc. Alors, un mal obscur envahit peu à peu l'âme du jeune époux
Sa bien-aimée pourtant était irréprochable. Elle était prévenante, heureuse, vive, gaie, cuisinait joliment, posait soupe et rôti, à l'heure du repas, au milieu de la table, s'asseyait pour dîner en face de son homme, mais ne mangeait jamais. A peine buvait-elle une timbale d'eau, à force d'insistance. Son mari s'inquiétait. Il lui disait sans cesse :
- Femme tu vas maigrir. As-tu quelque tracas ? Nourris-toi, par pitié !
- Non, merci, lui répondait-elle.
Elle n'avait jamais faim, et ne maigrissait pas.
Or, une nuit d'été, l'homme fut réveillé par un craquement sec du plancher, près du lit. Il se frotta les yeux, se hissa sur le coude, vit sa femme quitter la chambre à pas de loup. Il faillit l'appeler, mais il se ravisa, se glissa hors des draps, descendit l'escalier. Il aperçut Marion dans l'allée du jardin. Il prit sa pélerine, il trotta derrière elle, et de porte cochère en abri de platane il suivit prudemment son ombre par les rues. Elle s'en fut droit au cimetière. Elle poussa le portail rouillé, courut, les deux mains en avant, jusqu'au carré des tombes neuves, tomba la bouche au ras du sol et grognant, secouant la tête, se mit furieusement à disperser la terre, pareille à une chienne affamée d'os pourris. Dans l'ombre d'une croix l'homme, terrifié, prit sa tête à deux mains. Son épouse menue, sa buveuse d'eau claire à l'appétit d'oiseau était une sorcière, une femme-vampire, une putain du diable. Elle se nourrissait de cadavres.
Le lendemain matin au petit déjeuner elle servit le café comme à son habitude. Avant qu'il parle elle vit, à sa mine accablée, qu'il savait son secret. Elle lui fit un sourire un peu mélancolique et dit négligemment :
- Mon époux, restons simples. Nous ne pouvons plus vivre ensemble, désormais. Dommage, tu m'aimais, et j'étais près de toi comme au jardin d'Eden. Que l'amour est fragile ! Un coup d'oeil indiscret suffit à le briser. bref, tu vas me trahir. Donc je dois maintenant te réduire au silence. Je ne peux te tuer, j'en aurais du chagrin. Je vais t'emprisonner dans une peau de chien. Ce fut fait aussitôt. L'homme voulut crier. Un aboiement furieux lui sortit de la bouche, et quand il voulut fuir ce fut à quatre pattes. Il s'en fut chez la boulangère, de l'autre côté de la rue, gémit, bondit, lécha les mains qui passaient à portée de langue, se frotta ça et là aux jambes. Il couina, les yeux implorants. Une vieille le remarqua (elle voyait le dedans des êtres). Elle le mena chez elle, près d'un torrent, au pied du mont.

- Tu es un homme, lui dit-elle. Aboie trois fois si je dis vrai.
Il aboya, hocha la tête vigoureusement, par trois fois. La vieille lui souffla dessus, pria saint Jean l'Evangéliste, fit une croix entre ses yeux, et l'ensorcelé fut guéri. Il courut aussitôt chez lui mais n'y trouva pas son épouse. Il rameuta partout les gens, alla voir le curé, le maire, le préfet, le juge de paix. Aucun ne voulut l'écouter. Alors, il s'en fut droit devant, raide comme un bâton d'aveugne, sortit de la ville de Mende, s'amenuisa sur le chemin. Il disparut au fond des terres où le soleil faisait son lit, et nul ne la revu depuis.

Henri GOUGAUD, la Bible du Hibou, légendes, peurs bleues, fables et fantaisies du temps où les hivers étaient rudes, 1993
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