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 L'Histoire de Grilhon

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Joa
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Joa


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MessageSujet: L'Histoire de Grilhon   L'Histoire de Grilhon EmptyDim 3 Déc - 15:40

Le thème de ce récit facétieux se trouve décliné dans plusieurs pays de France. La présente version a été recueillie dans l'enclave lorraine des Ardennes.

Il y avait une fois un homme qui s'appelait Grilhon. Il était plus pauvre que Job et mangeait à peine une fois toutes les vingt-quatre heures. Mais, par contre, il entendait dire chaque jour que bien des gens avaient sur leurs tables des plats à profusion, tous plus appétissants les uns que les autres, sans compter les vins exquis dont ils les arrosaient. Dans ses rêves, Grilhon, qui voyait successivement défiler des rangées de poulardes dorées à point et de larges tranches de boeuf, des bouteilles pansues remplies jusqu'à la gueule d'un faux bourgogne ou d'un fin bordeaux, songeait tout haut : "Quand donc pourrais-je faire au moins trois bons repaas ! Il me semble qu'après, peu m'importerait de mourir !"
Et, sans cesse hantée par cette idée de faire, au moins, trois bons repas, il pensa que s'il se donnait pour sorcier et parcourait le pays offrant de prédire l'avenir et de deviner les choses les plus secrètes, il finirait, une fois ou l'autre, par trouver un imbécile qui mettrait à contribution sa préterndue science.
- Je lui dirai : "Il me faut trois jours pour connaître ce que tu désires savoir et, surtout, il faut que je mange à ma faim les meilleurs plats et que je boive à ma soif les meilleurs vins." Alors, au bout de trois jours, quand j'aurai bien mangé et bien bu, adviendra que pourra ! Bon ! il se mit donc en route, et après avoir marché longtemps, longtemps, il arriva le soir devant un château ou demeurait une dame très riche, qui, justement, avait perdu le matin même un diamant d'une valeur innapréciabkle.
- N'est-ce que cela ? dit Grilhon à la dame : je m'engage à vous faire retrouver votre diamant, mais à une condition...
- Et laquelle ?

C'est qu'il me faut faire trois repas, mangeant et buvant ce qu'il y aura de meilleur au château, et, le troisième repas achevé, je vous dirai aussitôt et sûrement où se trouve le diamant que vous avez perdu.
Donc, marché conclu, et on sert à notre Grilhon un souper comme jamais on n'en servit au plus grand roi de la Terre. Un domestique avait assez d'ouvrage à lui passer les plats et à lui verser les rasades. Il mangea et but deux grandes heures sans discontinuer et, n'en pouvant plus, tant il s'était gavé, il s'endormit sur sa chaise en disant :
- Enfin, en voilà déjà un d'attrapé !
Le lendemain soir, repas encore plus somptueux que la veille, et il fut servi par un autre domestique qui ne semblait pas avoir assez de bras pour lui tendre les plats et les bouteilles. Il mangea et but tout son saoûl, puis, ne pouvant avaler une bouchée ou boire une gorgée de plus, il s'endormit sur sa chaise en disant :
- Allons ! en voilà déjà deux d'attrapés !
Pour aller au bref, le troisième repas, non moins abondant, non moins succulent que les deux autres, lui fut donné comme c'était convenu ; mais il remarqua, sans toutefois y attacher grande importance, qu'il était servi par un domestique qui n'était ni celui d'hier ni celui d'avant-hier. Or, comme les autres fois, ayant mangé jusqu'à plus faim et bu jusqu'à plus soif, il se laissa aller sur sa chaise en disant :
- Eh bien ! tu les as donc attrapés tous les trois !
Au même moment, la porte de la salle où il mangeait s'ouvrit, et les deux domestiques qui l'avaient servi l'avant-veille et la veille entrèrent subitement et se jetèrent à ses genoux avec leur troisième camarade et lui dirent les mains jointes :
- Seigneur sorcier, nous vous en prions, ne nous perdez pas ! Eh bien ! oui, nous trois avons volé le diamant, et certes vous êtes un grand devin puiisque, nous voyant l'un après l'autre, vous n'avez pas manqué de dire à chaque fois : En voilà un d'attrapé !

Comme bien vous pensez, grande fut la stupéfaction de Grilhon qui, en disant : En voilà un d'attrapé ! n'avait entendu parler que des dîners. Mais, comprenant tout le parti qu'il pouvait tirer de cette aventure inespérée :
- Parbleu, oui, leur dit-il, je savais que vous aviez, tous trois, volé le diamant, et demain je vous aurais certainement dénoncés ; mais puisque vous avouez, puisque vous faites appel à mon bon coeur, vous ne m'aurez pas prié en vain. Apportez-moi donc ce diamant et, en même temps, apportez-moi aussi un dindon que vous prendrez dans la basse-cour, un dindon qu'il soit possible de distinguer facilement des autres, puis laissez-moi faire et ne vous inquiétez de rien.
Heureux d'en être quittes à si bon compte, alors qu'ils se voyaient déjà pendus à la plus haute potence du château, nos trois voleurs coururent chercher le diamant et l'apportèrent à Grilhon avec un dindon que sa queue panachée de plumes vertes et blanches rendait reconnaissable entre tous. Grilhon prit le diamant, le fit avaler au dindon et dit ensuite :
- Reportez le dindon dans la basse-cour et dites à la dame du château qu'elle vienne tout de suite.
Cinq minutes après, la dame arrivait :
- Madame, lui dit Grilhon, il y a trois jours, n'avez-vous pas traversé la basse-cour ?
- En effet !
- Eh bien, Madame, en traversant cette basse-cour, vous avez laissé tomber votre diamant et un dindon l'a avalé.
- Ce n'est pas possible ! Mais, ce dindon, le reconnaîtriez-vous ?
- Oh ! rien de plus facile, suivez-moi.
Ils descendirent tous dans la basse-cour, la dame suivant Grilhon, et les trois domestiques suivant la dame. Une fois arrivés, Grilhjon dit :
- Gens du château, faites défiler devant moi tous les dindons !
Alors commença le défilé des dindons, et ils étaient innombrables. Il y en avait de gros et de petits, de gras et de maigres, de noirs et de toutes les couleurs ; mais, quand passa le dindon à la queue panachée de plumes blanches et vertes, Grilhon, prenant un air inspiré, le frappa d'une petite baguette de coudrier en disant :
- Le voici ! ouvrez-lui le ventre et vous y trouverez le diamant.

Le dindon fut plus ou moins éventré et, tout naturellement, comme l'avait prédit Grilhon, le diamant fut retrouvé. La dame ne se tenait plus de joie.
- Vous êtes un grand sorcier, Grilhon, lui dit-elle ; restez au château tant que vous voudrez, faites-y bombance à votre faim, et, lorsque vous aurez idée de partir, je vous donnerai, par surcroît, une grosse, grosse somme d'argent.
Or, Grilhon, qui ne se le fit pas répéter deux fois, festoyait depuis huit jours au château du matin au soir et du soir au matin, quand, revenant de voyage, arriva le mari de la dame. Elle lui conta point par point tout ce qui s'était passé, ne se lassant pas de faire l'éloge de Grilhon, le plus fameux sorcier qu'il fût possible de trouver, affirmait-elle.
- Ca, c'est à prouver, répondit le mari moins crédule ; voilà bientôt quinze jours qu'il fait bombance à nos dépens parce qu'une fois par hasard il a rencontré juste ; mais, moi, je vais le mettre à l'épreuve. Si vraiment il est aussi sorcier que tu le dis, je lui donnerai la grosse somme d'argent que tu lui as promise, et même davantage. Mais s'il s'est moqué de nous, il sera pendu haut et court. Et, prenant un grillon qui, justement, grimpait le long de la cheminée, et le cachant entre deux assiettes, il ajouta :
- Qu'on aille me chercher ce fameux sorcier.
Qui fut bien inquiet ? Qui arriva plus mort que vif ? Ce fut notre devin.
- Eh bien ! lui demanda le mari de la dame, toi qui te vantes d'être si grand sorcier, peux-tu seulement me dire ce qu'il y a de caché entre ces deux assiettes ?
- Hélas ! hélas ! fit-il, la mine toute piteuse et toute déconfite, te voilà pris, mon pauvre Grilhon !
- Par ma foi, s'écria le mari incrédule, ma femme avait raison, et tu es vraiment le plus grand sorcier des temps passés, présents et à venir : reçois donc ce qui t'a été promis.
Et lui ayant donné une grosse bourse toute pleine d'or, il congédia notre Grilhon, qui, n'en revenant pas encore d'avoir si merveilleusement réussi dans son audacieuse entreprise, n'eut plus envie de continuer son dangereux métier de sorcier ; d'autant plus que sa bourse lui permit de mener joyeuse vie jusqu'à la fin de ses jours.

Albert MEYRAC, Contes du pays d'Ardennes, 1892
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