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 La Huppe

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Joa
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Joa


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MessageSujet: La Huppe   La Huppe EmptyMer 3 Jan - 22:59

Ce matin-là, durant la journalière promenade monastique, frère Guillaume remarqua combien la déjà paisible forêt de Brotonne était immobilisée par un plus grand calme. Pris d'un subtil besoin de contemplation et désirant faire provision de sérénité, il pria ses accompagnants, frère Louis, frère Camille et frère Jacques, de poursuivre leur chemin sans lui.
Aussitôt seul, il s'abandonna à Dieu.
Nulle feuille ne bruissait, nulle plainte animale n'échardait le silence. Le sablier du temps paraissait être resté à l'horizontale.
Et frère Guillaume imagina que Dieu le regardait. Qui sait ? voulait lui faire goûter une tranche de paradis.
Seule une huppe commune, portant touffe en forme d'auréole, rompit ce divin silence. Elle pupula quelques habituelles mélodies de son clan, mais les pupula si harmonieusement qu'elle broda de paradisiaques douceurs dans l'ouïe de frère Guillaume.
Extasié, le moine s'en approcha et, tant le sol se faisait également douceur sous ses pieds, il éprouva la grisante sensation de marcher sur la soyeuse chevelure de Marie, la Mère. Néanmoins, comme il tendait la main remerciante pour caresser la huppe pupulante, celle-ci s'envola et disparut dans les frondaisons. Il pensa alors qu'il était temps de retourner au monastère.
Il trouva porte close ; les autres moines devaient déjà être tous rentrés. Il sonna. Le frère tourier vint entrebaîller. Mais, en l'apercevant, il ne l'ouvrit pas grande et, même, se méfiant d'un faux moine, pillleur ou assassin, lui demanda de se faire connaître.
Surpris, frère Guillaume donna son nom. Le frère tourier lui retourna qu'en ce monastère, aucun moine n'en portait un comme celui-là. Et il lui claqua l'entrée.
- Appelez les frères Louis, Camille et Jacques, cria frère Guillaume, le-laissé-à-la-porte, en ne reconnaissant pas non plus le saint Pierre terrestre.
Les frères nominés arrivèrent et se montrèrent à lui, un à un, par le guichet, mais aucun ne ressemblait aux vrais compagnons de frère Guillaume. Cependant, l'un d'eux s'enquit du monastère auquel il appartenait et pourquoi il se trouvait en errance.
- Mais, je prie ici depuis vingt ans ! ... s'emporta frère Guillaume, et, ce matin, ne désherbais-je pas encore l'allée centrale de notre jardin ?

Et de décrire l'endroit réservé aux fleurs, celui consacré aux légumes, les arbustes, les allées, les odeurs, tout, y compris les instruments : usage et quantité.
Alors, on lui dit durement qu'il venait d'apporter lui-même la preuve de son erreur : ce ne pouvait être son monastère, puisque nul jardin ne se trouvait dans celui-ci !
Avec fermeté, frère Guillaume demanda alors à être conduit au supérieur et il s'offrit à passer le premier, afin de leur montrer à quel point il connaissait les lieux.
Devant son désespoir qui paraissait sincère, on risqua de lui laisser sa guise et il alla carrément dans le couloir de gauche, frôla le mur comme à l'accoutumée, en signe d'humilité et ... si frère Camille ne l'avait pas retenu à temps, il aurait été happé par le trou de l'escalier qui s'ouvrait à cet endroit pourtant bien visible.
- Convenez enfin, mon frère, lui dit-on sur le ton sévère du doute revenu, convenez que vous ignorez tout d'ici et que vous vous trompez de monastère.
- Mais cet escalier n'était pas là tout à l'heure ! s'exclama frère Guillaume, en commettant avec la plus grande pureté ce que les autres prirent pour un grave mensonge.
- Il est là depuis plus de cent ans, crut bon d'affirmer doucereusement frère Camille.
Et, le prenant par le bras, ils le guidèrent afin qu'il ne s'ouvrit pas le front contre une saillance de mur que sa fantaisie voudrait encore une fois ignorer, tout comme l'évidente existence de cet escalier.
Le supérieur n'était plus le même. Frère Guillaume insista pour voir frère Anselme, l'habituel dirigeant de la communauté.
Il s'entendit répondre que ce nom ne disait rien à personne, mais frère Louis, sans doute averti par un pressentiment, eut l'idée d'aller dépoussiérer les archives.
Alors il apparut qu'effectivement un frère Anselme était longtemps resté supérieur du monastère, mais sa mort remontait à 1540, soit deux-cent-vingt-neuf ans avant la présente journée. Et, en parcourant les actes de cette année-là, on releva également qu'un frère Guillaume, parti un matin dans la forêt, n'en était jamais revenu.

Claude Seignolle, Contes, trécits et légendes des pays de France.
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