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 La messe du revenant

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Joa
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Joa


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MessageSujet: La messe du revenant   La messe du revenant EmptyMer 3 Jan - 23:06

La Demoiselle de Tonneville et le moine de Saire ont obtenu, l'une la lande, l'autre la mer, en vertu d'un voeu fait solennellement par eux. Il en est ainsi de tous les voeux bons ou mauvais. Tout voeu engage et doit être accompli. S'il n'a pas pu l'être pendant la vie de celui qui l'a fait, il doit l'être après sa mort. Les personnes qui ont promis de faire un pélerinage, les prêtres qui se sont engagés à dire une messe et qui meurent sans s'être dégagés, sont condamnés à revenir sur la terre jusqu'à ce qu'ils aient rencontré quelqu'un de bonne volonté, qui leur aide à tenir la promesse qu'ils ont faite.

Il y a un clos à Gréville, non loin du fief de Gruchy où demeurait la terrible Demoiselle, dont nous avons parlé, une chapelle consacrée autrefois à saint Nasé ou Naser. C'est un petit édifice roman, à parois très épaisses. A l'un des bouts, il y avait un autel surmonté de trois petites fenêtres, et à l'autre, un campanile. Il n'y a pas de contreforts, mais aux quatre coins, les pierres des deux murs s'entrecroisent en dehors de l'angle, comme les troncs d'arbres dont se composent les isbas russes. Quelques autres fenêtres, placées très haut sur les côtés et sur les murs blanchis à la chaux, plusieurs de ces croix enfermées dans un cercle que l'on ne voit plus guère que dans les églises byzantines et russes, complètent l'ornementation. Il n'y a pas de toit.
Cette chapelle est tout à fait abandonnée depuis longtemps, mais on rapporte qu'à une époque où le toit existait, où il y avait encore quelques aménagements intérieurs, quoiqu'on eût cessé d'y célébrer la messe, un jeune homme, qui passait par là le soir, fut fort étonné de la voir illuminée. Il eut peut d'abord, d'autant plus qu'il sortait d'une maison où l'on avait raconté des histoires effrayantes pendant toutes la soirée. Il lui avait fallu passer par un carrefour, où quelqu'un avait vu une nuit deux cierges allumés et entendu une voix qui lui disait : Passe ton chemin ! Pour sa part, il n'avait rien vu ni entendu, et c'est au moment où il se félicitait qu'il se trouvait en face d'une vision. Car il n'y avait guère à s'y tromper, on ne pouvait pas supposer qu'aucun être humain se fût avisé d'illuminer la chapelle à cette heure de la nuit. La curiosité fut cependant plus forte que la peur. Il entra.
Deux cierges brûlaient des deux côtés de l'autel, et en bas, un prêtre en habits sacerdotaux, la chasuble passée sur les épaules, paraissait sur le point de commencer la messe.
Le jeune homme, au lieu de se sauver, comme il en fut tenté d'abord, s'approcha du prêtre et se plaça à sa droite dans l'attitude de quelqu'un qui va servir la messe.
Le prêtre sans le regarder, commença l'office : Introibo ad altare Dei, etc.
Le jeune homme savait heureusement les mots qu'il fallait dire de temps en temps.
Il y avait à côté de l'autel du vin, de l'eau, du pain à chanter, et les voilà qui disent la messe à eux deux : le prêtre, récitant les prières, et le jeune homme, répondant à propos : amen, et et cum spiritu tuo.

Quand le dernier amen fut prononcé, le prêtre remercia le jeune homme.
- Il y a plusieurs mois, lui dit-il, que je viens ici tous les soirs, attendant quelqu'un de bonne volonté. Je m'étais engagé à dire une messe à la chapelle de Saint-Nasé, j'en avais même reçu le prix d'avance. La mort m'empêcha de tenir cet engagement. Maintenant je suis libre, et je puis comparaître devant Dieu. Merci !
Là-dessus il s'évanouit ; les cierges s'éteignirent ; la chapelle rentra dans l'obscurité, et le jeune homme, que les lumières avaient ébloui, eut quelque peine à retrouver son chemin. Le lendemain, il retourna à la chapelle. Il ne restait aucune trace de ce qu'il y avait vu pendant la nuit.
Les revenants, dans la croyance populaire, n'ont aucun moyen d'avertir les vivants de leur présence : ils apparaissent dans certains lieux, ils suivent certaines personnes, quelquefois pendant des mois entiers, mais il faut qu'on leur adresse la parole. Dans ce cas, ils répondent : C'est une restitution qu'ils n'ont pas faite, une promesse qu'ils n'ont pas tenue, une messe payée qui n'a pas été dite, etc.
Si vous êtes favorisé d'une vision, vous devez vous engager à faire ce qui n'a pas été fait, et depuis ce moment vous appartenez, pour ainsi dire, au défunt, qui vous rappellera à chaque instant votre promesse, pour peu que vous oubliiez de la tenir.
Une messe est généralement comprise dans le voeu. Pendant qu'on la dit, vous sentez vos épaules accablées d'un poids, comme si vous portiez le défunt. La messe dite, le poids disparaît, et le mort ne se montre plus à vous que pour vous remercier.
Les enfants qui ont mérité une punition, et meurent sans l'avoir reçue, élèvent la main au-dessus de leur tombe jusqu'à ce qu'on la leur ait administrée. La punition reçue, la main disparaît. Pareille croyance existe en Bretagne.
Il est impossible d'obtenir de ceux qui reviennent après leur mort des renseignements sur l'autre vie. Il en est de même de ceux qui sont descendus en enfer par l'effet de la magie. Le curé de Jobourg, par exemple, pendant son séjour dans l'autre monde, avait été retenu dans une salle où une horloge à chaque battement répétait : toujours ! toujours ! On lui avait dit que l'enfer était pavé de nobles et de prêtres, mais, pour sa part, il n'avait rien vu.
Des amis se sont souvent fait la promesse que celui qui mourrait le premier viendrait donner à l'autre des nouvelles de ce qui arrive après la mort. On ne cite qu'un cas où cette promesse se soit accomplie, et encore bien imparfaitement.

Deux jeunes gens de Valognes, Bezuel et Desfontaines, s'étaient fait mutuellement une promesse de ce genre, et l'avaient signée de leur sang. Desfontaines alla continuer ses études à Caen. Bezuel resta chez ses parents. Un jour de juin, comme il travaillait au foin, il eut une faiblesse, et en revenant à lui, il vit Desfontaines qui lui dit qu'il s'était noyé en se baignant dans l'Orne. Il entra là-dessus dans de longs détails, mais il ne répondit à aucune des questions que lui fit son ami sur ce qui lui était arrivé depuis sa mort. Bezuel apprit plus tard que Desfontaines s'était effectivement noyé dans l'Orne, dans les circonstances qu'il lui avait racontées.
Cette aventure fit grand bruit dans le temps (1697), et l'on écrivit là-dessus plusieurs dissertations. La question est de savoir si, au moment de la vision, Bezuel n'avait pas déjà été informé de l'accident arrivé à son ami. Les dissertateurs s'accordent tous à expliquer le fait sans l'intervention du surnaturel.
C'est une croyance généralement répandue que les âmes du purgatoire ont tous les ans vingt-quatre heures de répit à leurs souffrances, à l'époque de la fête des Trépassés. Cette croyance n'est pas particulière au pays ; on la retrouve dans un fabliau du Moyen Age. Ce qui est particulier au département de la Manche, ou plutôt à une paroisse de ce département, à Créances, arrondissement de Coutances, c'est la manière de célébrer la fête des Morts. Là ce n'est pas avec des couronnes que l'on se rend au cimetière où reposent des parents et des amis, c'est avec des vivres. On s'installe sur la tombe même, et l'on fait un repas auquel les morts aimés sont censés participer. On verse du cidre sur leur tombe et l'on boit à leur santé comme s'ils étaient présents.
"A ta santé frérot ! A votre santé, mon père, ma mère, mon oncle, mon cousin", etc.
On cause avec eux, on rit même, on plaisante. C'est un repas de famille dans lequel la tristesse et les pleurs ne sont pas admis. Les défunts sont tout simplement des absents. De dessous la terre, où ils reposent, ils sont supposés entendre les vivants et se réjouir avec eux.
Cet usage remonte évidemment au paganisme, à une époque où l'on admettait que ce qui suit la mort est purement et simplement la continuation de la vie qui la précède, car dans cette fête fraternelle l'idée du purgatoire et de l'enfer est complètement absente.

Les Russes ont aussi conservé cet usage. Le jour de la fête du saint sous l'invocation duquel est placé tel ou tel cimetière, les parents et les amis de ceux qui y sont enterrés arrivent avec des samovars, des gâteaux et de l'eau-de-vie. On boit du thé jusqu'à ce que la provision soit épuisée, et de l'eau-de-vie autant qu'on a pu s'en procurer, de sorte qu'on revient généralement en titubant et en se querellant. Les Créançais fêtent moins complètement la fête fraternelle, et si l'on s'égaie un peu en compagnie des amis trépassés on pousse rarement jusqu'à l'ivresse.

Jean Fleury, Contes, récits et légendes des pays de France
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