C'étaient deux petits enfants, un petit et une petite, qui avaient perdu leur mère, et leur père s'était remarié, et la femme était très méchante avec eux.
Ils faisaient cuire ; et puis, elle les a envoyés dans les bois, en disant que le premier rendu avec son fagot aurait une galette. Et puis la petite fille avançait plus que le petit garçon à faire son fagot ; il l'a attachée au pied d'un arbre, crainte qu'elle n'ait fini avant lui et qu'elle n'ait la galette. Et lui, quand il a eu fini le sien, a détaché sa petite soeur tout de même et s'est en allé.
Si tôt qu'il a été rendu, la tante lui a commandé de regarder dans la maie, que sa galette y était ; et elle a fait tomber la couverture de la maie sur la tête du petit, et l'a tué ; et puis, elle l'a mis dans le pot.
Après, la petite soeur est arrivée. Et la tante grossière lui a dit de porter la soupe à son père ; et la petite, sans déjeuner, y est partie.
Dans son chemin, elle a rencontré la Sainte Vierge. Elle lui a dit :
- Où vas-tu, ma petite ?
Elle a dit qu'elle portait la soupe à son père.
Et elle lui a dit :
- Tu ramasseras tous les petits os que ton père jettera, et tu les mettras sur un petit aubépin, et tu diras : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
De ces os, il est devenu un petit pigeon.
Le petit pigeon s'est envolé sur la maison du roi.
Quant il a été là, il a dit :
(Chanté)
Ma tante m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma petite soeur Marguerite m'a ramassé,
M'a mis sur un petit aubépin,
M'a dit : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
Ils sont sortis ; ils ont dit :
- Ah ! le joli petit pigeon, la jolie petite chanson qu'il chante ! Répète-la donc, petit pigeon !
- Je vous la répéterai, si vous me donnez une bourse de cet écus !
Ils la lui ont donnée et il a répété sa chanson :
(Chanté)
Ma tante m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma petite soeur Marguerite m'a ramassé,
M'a mis sur un petit aubépin,
M'a dit : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
De là, il s'est envolé sur la maison d'un boulanger, et là il a encore dit :
(Chanté)
Ma tante m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma petite soeur Marguerite m'a ramassé,
M'a mis sur un petit aubépin,
M'a dit : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
Et puis, les gens sont sortis ; ils ont dit :
- Ah ! le joli pigeon, la jolie petite chanson qu'il dit ! Répète-la donc, petit pigeon !
- Si vous voulez, que je vous la dise, vous me donnerez votre fournée de pain !
Ils la lui ont donnée, et il a répété sa chanson.
De là, il s'est envolé chez un meunier, et, quand il a été là, il a encore dit sa chanson :
(Chanté)
Ma tante m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma petite soeur Marguerite m'a ramassé,
M'a mis sur un petit aubépin,
M'a dit : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
Ils ont dit :
- Ah ! le joli pigeon, la jolie petite chanson qu'il dit ! Répète-la donc, petit pigeon !
Il a demandé la roue du moulin. Ils la lui ont donnée.
De là il s'est envolé chez eux, sur leur maison. Il a dit encore :
(Chanté)
Ma tante m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma petite soeur Marguerite m'a ramassé,
M'a mis sur un petit aubépin,
M'a dit : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
Et la petite soeur est sortie ; elle a dit :
- Ah ! Ce joli petit oiseau, qui chante une si jolie chanson ! Chante-la donc encore !
Il l'a chantée, et il a donné la bourse de cent écus à sa petite soeur.
Le père, voyant ça, est sorti aussi, et le petit pigeon a chanté sa chanson et lui a donné, à lui, la fournée de pain.
Après, la tante, toute rebelle, est sortie aussi en disant :
- Faut bien que j'y aille moi aussi, donc, il me donnera peut-être quelque chose !
Et le pigeon lui a aussi dit sa chanson :
(Chanté)
Ma tante m'a tué,
Mon père m'a mangé,
Ma petite soeur Marguerite m'a ramassé,
M'a mis sur un petit aubépin,
M'a dit : Fleuris, fleuris, mon petit frère !
Et alors, il lui a jeté sa roue de moulin sur la tête et il l'a tuée !
Léon Pineau, Contes, récits et légendes des pays de France