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 L'enfant supposé

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MessageSujet: L'enfant supposé   L'enfant supposé EmptyVen 2 Mar - 22:39

Il était une fois, une fois il n'était pas, une autre fois il était encore et une fois il sera, une jeune veuve, la jolie Marie, qui avait un poupon de quelques mois. C'était un ravissant bébé qui avait hérité les traits délicats de sa mère, avait la peau douce et rose et des cheveux bonds comme le froment. Il était la gentillesse même et prodiguait à qui le regardait des sourires charmants. On lui avait donné le prénom de Loïk. C'est un prénom qui sonne bien et qui avait été celui de son grand-père. Il n'y avait, d'ailleurs, aucune raison de ne pas l'appeler Loïk, c'est un prénom qui vaut bien n'importe quel autre.

Comme vous vous en doutez certainement, sa mère était folle de lui. Elle aurait bien voulu passer tout son temps à le contempler et à jouer avec lui, malheureusement elle était surchargée de labeurs qui ne lui en laissaient pas le loisir. Non seulement elle avait, comme toute mère de famille, à diriger sa maison, faire le ménage, cuire les repas, raccommoder les vêtements, traire les vaches, jeter le grain aux poules et nourrir le cochon, sauf votre respect, mais encore elle devait remplacer dans la gestion de la ferme son mari qu'avait emporté une méchante maladie. Chaque jour, elle inspectait les champs, décidait des tâches à accomplir, distribuait ses ordres au domestique, à la servante, aux journaliers quand elle en avait engagés, et particpait elle-même aux travaux. Elle n'avait pas le temps de s'ennuyer. Elle ne pouvait s'occuper de son petit Loïk et tendrement le pouponner qu'à l'occasion de ses têtées.

Un jour où la servante était aux champs pour aider le domestique à repiquer les choux, Marie qui préparait le déjeuner dut sortir pour aller jusqu'à la fontaine puiser de l'eau. Elle laissait son Loïk seul à la maison, dans son berceau, mais elle avait pris toutes les précautions pour qu'il ne pût rien lui arriver de fâcheux. Le berceau reposait sur le banc du lit clos, assez haut pour que le cochon - sauf votre respect - s'il divaguait jusque dans la salle, ne pût l'atteindre et agresser le bébé endormi. Les bords du berceau étaient assez élévés pour qu'il n'y eût pas de risque que, même en s'agitant beaucoup, son occupant en tombât. Le chat qui somnolait sur la pierre du foyer était prêt à intervenir si survenait un rat animé de mauvaises intentions. Pour plus de sûreté encore, la maman, en quittant la maison, ferma soigneusement la porte derrière elle.

Elle revint portant au bout des bras deux seaux pleins d'eau jusqu'au bord. Son absence n'avait pas duré lontemps et aucune inquiétude ne l'habitait quand, après avoir posé ses seaux, elle s'avança vers le berceau pour jeter à son fils un regard de tendresse.

A cet instant, elle éprouva un choc. Le poupon avait changé de visage. Au lieu de son joli minois à la peau rose et veloutée, de ses cheveux blonds comme le froment et de son gentil sourire, elle voyait un monstre à la face noirâtre, aux cheveux rouges aussi raides que des baguettes, aux traits grimaçants et à la lippe haineuse. Elle fut près de défaillir. Ce n'était pas là son enfant, son Loïk chéri.

Quand ses larmes se furent un peu calmées, elle se prit la tête entre les mains pour réfléchir. Le bébé avait été enlevé, mais par qui et pourquoi? Si le ravisseur avait mis à la place de sa petite victime l'affreux pithécanthrope noir, velu et difforme qu'elle avait sous les yeux, c'est que le but de l'enlèvement était de procurer à cet être répugnant un foyer heureux et une mère attentive. Cette considération pouvait orienter ses recherches.

Elle fut, à ce moment, tirée de ses réflexions par les cris de l'horrible enfant qui réclamait sa têtée. Elle se rendit bien vite compte qu'il était insatiable et que toutes les heures il fallait lui donner le sein, sans quoi il poussait des hurlements épouvantables jusqu'à ce qu'elle lui eût cédé. Elle ne pouvait plus quitter la pièce, pour le plus grand dommage des travaux qu'il aurait fallu qu'elle fasse aux champs et dans les étables. Ah! Elle avait été trop heureuse avec son gentil Loïk, si doux et si tranquille, qui jamais ne se permettait de telles exigences! Le soir, elle était rompue de fatique. Mais elle ne put même pas profiter de son sommeil pour refaire ses forces, car le jeune monstre l'en tira à maintes reprises en réclamant encore à boire.

La nuit porte conseil. A force de tourner et retourner ses problèmes dans sa tête, pendant qu'elle cherchait en vain à se rendormir, elle s'avisa d'une évidence, c'est que dans cette mystérieuse affaire il y avait de la magie et que l'auteur du rapt ne pouvait donc être qu'un maléfique sorcier ou sorcière. Elle ne pouvait triompher de cet être redoutable qu'avec l'aide d'un personnage au moins aussi puissant que lui. Le lendemain sa décision était prise: elle irait demander conseil au vieux druide qui vivait, solitaire, dans la forêt voisine.

Elle se mit en route avec, au bras, un panier noir renfermant deux poules blanches.

- Aie pitié de mes larmes, ô vénérable vieillard, et tu auras en récompense ces deux volailles à la chair tendre.
-Je viendrai à ton secours, chère enfant, non point pour obtenir les deux poules blanches, mais parce que je veux utiliser mes pouvoirs pour aider les âmes méritantes et que je te sais bonne et vertueuse.
- Alors écoute-moi. Je suis plongée dans l'affliction parce que j'ai perdu mon enfant unique, mon cher Loïk, qui a disparu de son berceau pendant que j'étais partie chercher de l'eau.
- As-tu trouvé à sa place, dans le berceau, un horrible nain poilu au visage tout ridé?
- Oui, par ma foi. Cooment le sais-tu?
- Le cas est classique. Mais la solution est facile. Rassure-toi, ton Loïk n'est pas perdu, ton cher Loïk sera retrouvé. Qui feint de faire bouillir dans une coque d'oeuf le repas pour dix laboureurs force le nain à parler. S'il témoigne de l'étonnement, tu peux le confondre. Fouette-le, fouette-le à tour de bras jusqu'à ce qu'il crie. Quand il aura été entendu, il sera prestement retiré du berceau et ton Loïk y sera rapporté. Mais s'il ne marque pas d'étonnement, ne le frappe pas.

Marie ne se le fait pas dire deux fois, rentre chez elle, casse un oeuf, remplit une des moitiés de coquille avec de l'eau salée, une miette de lard, un lambeau de feuille de chou et le quart d'un petit pois. Le nain velu qui l'observe s'étonne:
- Que faites-vous là, ma mère? Ma mère, que faites-vous là?
- Sache, mon fils, que je prépare dans cette coque d'oeuf le repas des dix laboureurs qui doivent venir m'aider tantôt à défricher la lande sur les hauteurs de Mén'DIzour.
- Pour dix dans une coque d'oeuf! s'exlame le petit être noir avec stupeur. Ah ça, ma mère, c'est un peu fort! J'ai vu l'oeuf avant de voir la poule, j'ai vu le gland avant de voir le chêne, j'ai vu le gland germer et s'élever en gaule, je l'ai vu devenir chêne dans les bois de l'autre Bretagne, mais je n'ai jamais vu chose pareille.
- Ah! tu as vu tout cela? tu en as vu, dis donc, des choses pour ton âge! Tu ne plus nier que tu es beaucoup plus vieux que tu ne parais. Tu as au moins plusieurs siècles. Tu as voulu me rouler, tu mérites une bonne correction.

Elle l'arrache de son berceau et commence à le fouetter à tour de bras. Pan! et pan! et pan! Et lui de crier, de crier, si fort qu'une vieille apparaît dans une nuée et proteste:
- Arrête! Ne le frappe pas. Rends-le moi. Moi, je ne fais pas de mal à ton fils: il est le roi dans notre pays.

La vieille prend le nain dans ses bras et s'en va. Quand Marie se retourne vers le berceau, elle y voit son petit Loïk qui dort en souriant aux anges. Comme elle le regarde avec ravissement et se penche sur lui pour l'embrasser, il se réveille, lui tend les bras et lui dit:

- Oh, maman! Je crois que j'ai dormi bien longtemps.


Yann Brekilien (Contes et légendes du pays breton)

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