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 Les lavandières de nuit

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Les lavandières de nuit Empty
MessageSujet: Les lavandières de nuit   Les lavandières de nuit EmptyVen 16 Mar - 22:32

Bien qu'ils fussent courageux au travail, la vie était très dure pour Fanch Cueff, le fermier de Kernevez, et Soaz, son épouse, car ils avaient quatre enfants à nourrir et c'est à peine s'ils disposaient de douze journaux à cultiver. Douze journaux, vous le savez sans doute, cela correspond en mesures françaises à six hectares: une misère. Et encore une partie était-elle composée de terres improductives comme les landes et les marécages. Ils ne pouvaient pas semer assez de pommes de terre pour la consommation familiale et ne récoltaient guère que seigle, avoine d'hiver et blé noir. Soaz vendait à la ville les oeufs de ses poules et le beurre qu'elle avait baratté, mais les principaux revenus provenaient de la vente des animaux nés sur l'exploitation, veaux, poulains, porcelets.

Pour améliorer un peu la situation et faire rentrer dans les caisses du ménage quelques sous supplémentaires qui ne risquaient pas d'être superflus, la pauvre Soaz ne manquait aucune occasion de se louer à la journée dans les fermes voisines. Mais, pendant ce temps, elle ne pouvait pas s'occuper de son intérieur et on la voyait le plus souvent ne commencer son ménage qu'à la nuit tombée.

C'est ainsi qu'un soir elle se dit:< Nous sommes aujourd'hui samedi, il faut que demain Fanch et les enfants puissent mettre du linge propre pour aller à la messe. Je n'ai pas eu le temps de faire malessive, il faut que j'y aille maintenant >.

Sans attendre, elle sert à sa petite famille le repas du soir, met sa propre part de côté, au chaud, au coin de la cheminée, puis elle fait un paquet des chemises de son mari et de celles de leurs petits et en route pour le lavoir!

La nuit était belle, il faisait un splendide clair de lune, et Soaz en profitait pour marcher à bonne allure, d'un pas assuré. Elle se réjouissait parce que cette clarté lui permettrait de s'acquitter de sa tâche vite et bien, sans risque de basculer dans l'eau froide du lavoir. Et puis elle se disait que par ce beau temps, sec et doux, les chemises sécheraient rapidement et qu'ainsi elles seraient prêtes bien avant l'heure de la grand-messe.

Au bord du lavoir, elle s'agenouilla dans sa boîte de laveuse et la voilà qui savonne, qui frotte avec énergie, qui martèle son linge à grands coups de son battoir. Dans le silence de la nuit, son tambourinage réveillait tous les échos jusqu'à l'horizon et c'est ce qui l'empêcha d'entendre arriver une autre lavandière. Elle sursauta en s'entendant interpeller.
- Eh bien, Soaz Cueff! tu n'as donc pas assez du jour pour faire ton travail, que tu viens prendre ma place la nuit?

Elle se retourna, tremblant de peur sous l'effet de la surprise. La femme qui se tenait derrière elle lui était inconnue. C'était une personne entre deux âges, grande et maigre, aus longs cheveux clairs. Elle portait sur la tête un énorme ballot de linge dont le poids ne semblait même pas la gêner. Soaz, prise de court, ne savait que répondre. Elle ne put que balbutier:
- Je...je ne tiens pas spécialement à cette place. J'ignorais que c'était la vôtre. Je vais...Je vais vous la rendre.

L'inconnue sourit aimablement.
- Non! Non! Je plaisantais. Je ne te veux aucun mal. Bien au contraire, je suis prête à te donner un coup de main, si tu acceptes mon aide.

La fermière de Kernevez était maintenant rassurée et elle répondit avec simplicité:
- Ma foi, ce n'est pas de refus, car il se fait tard et j'ai hâte d'en avoir fini. Mais je ne voudrais pas abuser, car je constate que votre paquet est beaucoup plus gros que le mien.
- Oh! moi, je ne suis pas pressée. Personne ne m'attend à la maison.

Elle jeta là son fardeau et s'agenouilla à côté de Soaz. Et toutes deux de savonner, de frotter et de battre à tour de bras. Comme n'importe quelles lavandières, tout en savonnant, en frottant et en battant, elles laissaient aller leurs langues. Et, chose admirable pour des lavandières, ce n'était même pas pour dire du mal de leur prochain.
- Vous avez une vie bien dure, ma pauvre Soaz Cueff, disait la dame si serviable.
- Hélas! En cette saison surtout. Des premières lueurs de l'aube jusqu'à la nuit tombée, je travaille aux champs - et cela va durer jusqu'à la fin d'août. Voyez, aujourd'hui: il est dix heures passées et je n'ai pas encore soupé.
- Pas possible? Ecoutez, chère Soaz Cueff, j'ai pitié de vous: laissez là votre travail, je vais vous le terminer. Pendant ce temps, rentrez chez vous et mettez-vous à table. Vous n'aurez pas fini votre soupe que je vous aurai rapporté votre linge, tout propre et essoré.
- Que vous êtes gentille! Je vous ai une grande reconnaissance.
Je vous dis donc: à tout à l'heure.

Et Soaz de repartir en courant jusqu'à sa maison. Quand elle entre, son mari marque sa surprise:
- Déjà! Tu as eu vraiment vite fait!
- C'est grâce à une personne charmante que j'ai rencontrée, par hasard, au lavoir.

Et elle raconte ce qui lui est arrivé. A mesure qu'elle parle Fanch, qui l'écoute en fumant sa pipe, paraît de plus en plus soucieux.
Quand elle a fini son récit, il fronce les sourcils.
- Tu crois avoir eu affaire à une charmante personne? Dieu te préserve d'en rencontrer beaucoup comme elle.
- Que veux-ti dire? Elle m'a gentiment aidée...
- T'es-tu demandé qui puvait être cette femme?
- Certainement une femme charitable. J'ai trouvé drôle qu'elle m'appelle par mon nom, alors que je n'ai pas souvenance de l'avoir jamais vue et, au début, elle me faisait un peu peur. Mais j'ai vite vu qu'elle n'avait que de bonnes intentions.
- Elle s'est jouée de toi. Malheureuse que tu es, tu as accepté l'aide d'une Gannerez-NOz.

Soaz pâlit et ses yeux s'agrandissent de terreur.
- O mon Dieu! Mon Dieu! Nous sommes perdus. Oh! Jamais je n'aurai dû...
- Tu ne pouvais rien faire d'autre. Si tu ne lui avais pas parlé ou si tu n'avais pas accepté son aide, elle t'aurait proposé de lui donner un coup de main pour tordre un de ses draps. Et alors, si tu avais refusé, elle t'aurait noyée et si, au contraire, tu lui avais donné ce coup de main, son drap t'aurait broyé le brasq.
- Que pouvons-nous faire? Fans quelques instants elle va arriver me rapporter mon linge.
- Finis d'abord d'avaler ta soupe, puis tu rangeras soigneusement tous les ustensiles qui sont sur l'âtre. Tu suspendras le trépied à sa place, c'est le plus important. Il te faudra ensuite balayer la maison, que la place soit bien nette, après quoi tu rangeras le balai dans un coin, latête en bas. Pour finir, tu te laveras les pieds et jetteras l'eau sur le seuil. Après quoi tu iras au lit. Mais presse-toi.

Elle ne se le fit pas dire deux fois et quelques minutes plus tard seulement le trépied était à sa place., le sol était parfaitement balayé, le balai était dans son coin, la tête enbas, l'eau du bain de pieds était répandue sur le seuil et les deux époux avaient gagné leur lit. Il était temps, car des coups étaient frappés à la porte. La voix de la lavandière de nuit appelait:
- Soaz Cueff, ouvre-moi. Je vous rapporte votre linge.

Soaz et son époux gardèrent le silence. La femme malfaisante répéta plusieurs fois sa demande et n'obtint pas de réponse.

Alors, dehors, se mit à rugir un vent violent: c'était la colère de la Gannerez-Noz.
- Puisque les chrétiens ne veulent pas m'ouvrir, hurla une voix pleine de rage, trépied, mon bon trépied, viens m'ouvrir.
- Je ne peux pas, répondit le trépied, je suis suspendu à mon clou.
- Viens alors, toi, balai, mon bon balai.
- Ca m'est impossible, on m'a mis la tête en bas.
- Bon eh bien que m'ouvre alors l'eau des pieds, ma bonne eau des pieds.
- J'aurais bien voulu, mais regarde-moi: je ne suis plus que quelques éclaboussures sur les marches du seuil.

Aussitôt, le vent tomba. On n'entendit plus que la voix furieuse qui grommelait en s'éloignant:
- La sale garce! Elle a de la chance d'avoir un mari plus savant qu'elle!
Et Soaz demanda à ce mari plus savant qu'elle:
- Au fait, que sont-elles, ces <<lavandières de nuit>>?
- Ce sont, répondit Fanch, des âmes pêcheresses condamnées à laver la nuit du linge mystérieux en châtiment de leurs fautes. En particulier, elles étaient souvent, pendant leur vie sur terre, des laveuses qui gâtaient le linge des pauvres gens en le frottant avec des pierres pour économiser leur savon.

Yann Brekilien Contes et Légendes du pays breton

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