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 Le mort dans l'arbre

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Le mort dans l'arbre   Le mort dans l'arbre EmptyJeu 3 Mai - 11:24

Jean-René Brélivet, cultivateur à Trévargan, dit un matin à sa femme :
- Les vents ont tourné à la pluie. Si je ne ramasse pas aujourd'hui le chanvre, il risque d'être mouillé. Je ne pourrai donc pas aller à l'enterrement de François Quenquis : tu y assisteras à ma place. N'oublie pas que l'office est pour neuf heures.
- Bien, lui répondis sa femme : je vais me préparer.

Ce François Quenquis était un voisin à eux et un peu leur parent, décédé de l'avant-veille.
Arrivé dans la chènevrière dont un talus était mitoyen du verger de François Quenquis, Jean-René Brélivet se mit au travail, non sans une pensée de regret, toutefois, pour celui qu'on s'apprêtait à porter en terre et avec lequel il avait toujours entretenu les meilleurs rapports.
- La vie de l'homme est peu de chose, songeait-il, en rasssemblant les tiges du chanvre séché.
Vers neuf heures, comme le; glas commençait à tinter à l'église du bourg, il s'arrêta un instant de travailler et regarda dans la direction de la ferme du mort, cherchant s'il apercevrait le convoi. Or, quelle ne fut pas sa frayeur, lorsque, sur le talus commun aux deux propriétés, il vit François Quenquis en personne qui se faufilait entre les arbres et les examinait à tour de rôle, d'un air préoccupé !...
- Ceci est singulier, se dit Jean-René Brélivet en esquissant un signe de croix.
Dans le chemin, non loin de là, on entendait le chant des prêtres. Preuve que l'enterrement était en marche. Et cependant, il n'y avait pas de doute possible : c'était bien le mort que le ramasseur de chanvre avait devant les yeux. A quel manège se livrait-il donc de la sorte ?
- Tiens, il paraît qu'il a découvert ce qu'il lui fallait, murmura Jean-René à part soi, car le voici qui s'adosse au tronc d'un vieil orme.
Il y avait, au milieu du talus, un orme très âgé, dont on avait, l'année précédente, rasé les grosses branches, en ne lui laissant que les jeunes pousses. François Quenquis s'y tint quelques instants appuyé, puis, tout à coup, sans que Jean-René Brélivet se fût rendu compte comment cela s'était fait, se trrouva perché, à cinq pieds du sol, sur une ramille grosse à peine comme le doigt d'un enfant et qui, pourtant, ne semblait point plier sous son poids. Jean-René fut si émerveillé de la chose qu'il en oublia sa frayeur. Et, voyant que le mort le regardait avec douceur du haut de ce siège étrange, il s'enhardit à l'interroger.
- Nous avons toujours vécu en bonne amitié, François Quenquis. Explique-moi donc pourquoi, désirant t'asseoir, tu n'as pas choisi la maîtresse branche d'un des grands chênes qui sont à côté de toi sur le talus, mais cette famille toute menue, juste assez forte pour soutenir un roitelet.
François Quenquis secoua doucement la tête et répondit :
- Je n'ai pas eu le choix, Jean-René. Dieu marque à chacun le lieu et la durée de sa pénitence. Moi, mon lot est de rester ici jusqu'à ce que cette pousse soit devenue assez robuste pour fournir le bois d'un manche à quelque instrument de travail.

En parlant ainsi, le mort avait la mine si triste, que Jean-René Brélivet en eut le coeur tout remué.
-, Oh ! bien ! s'écria-t-il, tu vas donc être promptement délivré !... Justement, ma femme me disait, ces jours-ci, que son petit râteau à étendre la pâte sur la crêpière avait besoin d'un nouveau manche. C'est un instrument de travail aussi, je suppose, qu'un pareil outil.
Et, sans attendre la réponse du mort, il sauta sur le talus, monta dans l'orme et coupa la pousse au ras de l'arbre avec son couteau. En même temps qu'il la détachait, il entendit un "merci" joyeux. L'apparition s'était évanouie comme se dissipe au ventn un flocon de fumée. Et c'était exactement l'heure où l'on mettait en terre le cercueil de Franiçois Quenquis.

Anatole Le Braz, Contes, récits et légendes des pays de France
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