Chez Nous
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Chez Nous

Tu entres, ici dans un havre de paix ...
 
AccueilAccueil  PortailPortail  GalerieGalerie  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Le Deal du moment : -17%
PHILIPS Centrale vapeur HI5900/22 5,2 bar
Voir le deal
59.99 €

 

 Chattes, chats et chatons

Aller en bas 
AuteurMessage
Joa
Admin
Admin
Joa


Nombre de messages : 13100
Age : 76
Localisation : Martigues
Réputation : 0
Date d'inscription : 19/02/2006

Chattes, chats et chatons Empty
MessageSujet: Chattes, chats et chatons   Chattes, chats et chatons EmptyVen 11 Mai - 10:25

Une vieille fille d'Avignon, dévote à trente-six carats et faiseuse de patricotages, âgée de cinquante-cinq ans et plus, laide comme un péché, sèche comme un parchemin, plus grincheuse qu'un puits à roue, gourmande comme une chatte et mauvaise comme la gale, avait mille écus de rente, une langue de vipère, des lunettes vertes - et quatre gros chats, sans compter deux chattes, dont, sans désemparer, l'une était pleine quand l'autre mettais bas.
Autant il y a de mois dans l'année, autant de fois elle changeait de domestique - la mégère ! Souvent elle en renvoyait deux par mois, et chattes, chats et petits chats en étaient sans cesse la cause. Toujours les domestiques avaient tort, et les chats, toujours raison. Les chats n'étaient pas assez bien servis, les chats dérobaient tout, et il ne fallait point fouetter les chats.
D'où vient donc que la brave Babet est au service de la vieille guenon depuis plus de dix-huit mois, ce qui est, je vous le jure, un beau miracle du Bon Dieu ? En voici le pourquoi : quand, en entrant dans la place, Babet vit que chattes, chats et chatons y étaient plus maîtres que maîtresse, "Il faut s'en débarrasser, dit-elle, et que cette vieille peste m'ordonne elle-même de les noyer dans le Rhône." Ce n'était point petite besogne, vous en conviendrez. Elle en vint néanmoins à bout. C'est à ne pas y croire !
C'était aux environs des Avents. Tous les matins, pendant qu'à la sainte messe la vieille masque s'endormait sur sa chaise, sa chaufferette sous les pieds et son chapelet à la main, Babet, au moment où chattes, chats et chatons étaient assis en rond autour de l'âtre, saisissait un nerf de boeuf, faisait le signe de la croix : Au nom du Père, et du Fils ... et v'lin ! et v'lan sur les bêtes !
Chaque matin, elle se signait, et les faisait déjeuner, en leur époussetant ainsi le dos. Dès qu'ils entendaient le Au nom du Père de la servante, les chats se disaient en patois : "Voici l'éclair ! gare le tonnerre !" Et ils partaient, le diable au corps.
Lorsque les chats eurent, de cette façon, appris à danser sans autre musique :
- Mademoiselle, dit Babet à sa maîtresse, vite ! faites-moi mon compte.
- Que t'arrive-t-il Babet ?
- Ah ! si vous saviez ! ... Ca fait frémir ! ... Je veux m'en aller.
- Pourquoi veux-tu t'en aller ? Tu ne gagnes pas assez, toi aussi ? ...
- Vos chats ne sont pas des chats, Mademoiselle ...
- Tu dis ? ...
- Vos chats sont des diables faits chats. Il ne leur manque plus que des cornes, vous dis-je ; et, pour sûr, il va leur en pousser. Mêmement que je les ai vues poindre sur la tête du gros noir !
- Leur en pousser ! ... es-tu folle ?
- Imaginez-vous, Mademoiselle, que quand je fais le signe de la croix, ainsi que tout bon chrétien doit le faire, vos diables de chats ne se possèdent plus, effarés comme des Lucifers qu'ils sont. Seigneur Dieu ! ô grand saint Michel, prince du Paradis ! qu'arriverait-il si on les aspergeait d'eau bénite ? ... Mon compte, vous dis-je !
- Miséricorde ! ... Serait-ce vrai ?
- Vrai comme vous êtes une digne et sainte demoiselle. Tenez, vous allez voir ça.
Babet se signa : Au nom du Père ... Les chats pressentirent le nerf de boeuf, et il y eut au logis un fameux remue-ménage !
- Jésus ! Marie ! Joseph ! s'écria la vieille, nous sommes tous perdus ! ne m'abandonne pas, Babet ! Au secours ! Grand Dieu, pardon ! Vite, va les noyer, et que je ne les voie plus dans la maison ! Et Babet, à la nuit tombante, vite alla noyer chattes, chats et chatons.

Joseph ROUMANILLE, les Contes provençaux, 1884
Revenir en haut Aller en bas
http://site.voila.fr/chezjoa
 
Chattes, chats et chatons
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Chez Nous :: Les pipelettes :: Histoires insolites :: Contes et légendes-
Sauter vers: