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 Les souliers de peau de pou

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Les souliers de peau de pou   Les souliers de peau de pou EmptyDim 24 Juin - 9:51

Il était une fois un roi qui chassait avec sa cour.
Il sentit soudain une démangeaison derrière l'oreille, y porta la main et saisit entre le pouce et l'index une petite bête qu'il ne se souvint pas avoir jamais vue, pas plus que les seigneurs qui l'entouraient.
Il allait lâcher l'insecte suceur, quand il avisa un jeune berger qui chantait en gardant son troupeau.
- Ho ! hé ! le Bétourné, peux-tu me dire le nom de cette petite bête ?
- Eh, pardine, sire, c'est un pou.
Le roi emporta le pou, le confia à son chef de cuisine, en lui recommandant d'en prendre soin.
Celui-ci mis l'insecte dans un pot de terre et le soigna si bien qu'au bout de l'année le pou fit éclater le pot.
Durant cinq autres années, on dut changer cinq fois le pou de pot, tellement il avait forci.
En ce temps-là, la fille du roi vint à passer. La peau grise et luisante du pou la tenta pour s'en faire une paire de souliers.
Le roi, qui ne savait rien lui refuser, fit appeler son maître-savetier et, huit jours après, la princesse Aurore pouvait chausser les plus jolis souliers que oncques eût encore jamais vus.
Aurore avait dix-huit ans ; elle était belle comme le jour, et les prétendants à sa main se présentaient de plus en plus nombreux ; mais aucun n'avait encore eu l'heur de lui plaire.

Pour échapper à leurs instances et à celles de son père, elle déclara qu'elle épouserait celui qui pourrait dire de quelle peau étaient faits ses souliers.
Le roi fit battre tambour partout le royaume ; il vint des prétendants jusque des contrées plus éloignées ; mais aucun d'eux ne put satisfaire la curiosité de la princesse.
En ce temps-là, le Bétourné qui était devenu le plus fin laboureur du royaume en même temps que le plus beau garçon qu'il fût possible de voir était occupé à faucher sa moisson.
Il chantait, et sa voix charmait jusqu'aux bêtes de la création.
Soudain, il vit accourir vers lui une petite souris blanche affolée, poursuivie par un chat noir qui semblait sortir de l'enfer.
La vilaine bête allait mettre sa griffe sur la mignonne souris, quand le Bétourné, d'un coup de dail, lui trancha la tête.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir en même temps la souris se changer en une belle dame blanche. C'était une fée.
- Merci, le Bétourné, lui dit-elle. Tu m'as sauvé la vie et rendue à ma première forme ; je te le revaudrai. Mais à propos, n'as-tu pas ouï parler de l'ordonnance du roi, d'avoir à se présenter au palais pour briguer la main de la princesse Aurore ? Il suffit, pour l'obtenir, de dire de quelle peau sont faits ses mignons souliers.
Le Bétourné trouva la chose plaisante.
- Et quand même, dit-il, je pourrais deviner une chose qui semble impossible, voyez-vous pas quel mariage assorti ce serait, que celui de la fille du roi avec un laboureur.
- Ton jugement est sensé, lui dit la fée ; mais ne te mets en peine de rien et suis mes instructions à la lettre.
"Rends-toi au palais et rappelle-toi seulement de l'insecte que le roi ne connaissait pas et qu'il t'a montré il y a six ans, un jour qu'il chassait par là.
Le Bétourné se mit en route. Son arrivée aurait excité l'hilarité de la cour, si sa belle prestance n'en avait imposé à tous, et si le regard admiratif de la princesse Aurore ne s'était posé sur lui avec tant de complaisance.
On lui montra les souliers, et il dit sans hésitation : "Ces souliers sont faits de peau de pou."
Le roi ne pouvait que lui accorder la main de sa fille ; il regrettait que son gendre ne fût qu'un laboureur, quand la souris blanche, passant par là, frôla le jeune homme qui se trouva soudain revêtu d'habits magnifiques.
Aucun seigneur ne pouvait lui être comparé.
Mais cela ne faisait pas l'affaire de la reine qui était une seconde femme et avait décidé qu' Aurore épouserait le prince Mal-Avenant, et non pas un autre.

Elle se concerta avec ce dernier, après quoi elle contraignit le roi d'ajouter une condition à celle déjà exigée pour accorder la main de sa fille, lui représentant qu'on avait jamais vu décider un mariage princier sur de telles bagatelles, et que, par-dessus le marché, un laboureur ferait bien triste figure à la cour.
Le roi céda, bien malgré lui, fit venir le Bétourné et lui dit :
- A présent, pour que vous soyez vraiment digne d'être mon gendre, il vous faut garder dans ma garenne, cent lapins durant huit jours. Les lapins vous seront comptés le matin, et le soir, pas un ne devra manquer à l'appel. Le huitième jour, il faudra en outre m'apporter trois sacs de Vérité, sans quoi mes engagements seront rompus.
Le Bétourné qui s'était pris à aimer follement Aurore dès qu'il l'avait vue, revêtit ses habits de berger et se mit à pleurer en disant :
- Petite souris blanche, que n'êtes-vous là pour me conseiller.
Au même instant la souris apparut.
- Ne t'inquiète de rien, lui dit-elle. Te voilà un petit sifflet ; le soir au moment de partir, tu n'auras qu'à en tirer un son, et tes cent lapins - pas un de moins - te suivront comme des agneaux sans mère.
"Ne te mets pas en peine ni des terriers où ils seront enfermés, ni des chasseurs qui auront tiré tout le jour.
"Quant aux trois sacs de Vérité qui te tourmentent si fort, tu n'auras qu'à mettre dans chacun de ceux que voici le récit fidèle de tout ce que tu auras vu les trois derniers jours.
Le Bétourné caressa et remercia la souris blanche et se rendit au palais où ces cent lapins lui furent comptés.
Cinq jours de suite, il les emmena au matin dans la garenne et les ramena fidèlement sur le soir.
Aurore commençait de triopher. La reine et Mal-Avenant ne se sentaient pas de rage.
Ils décidèrent avec le roi, qui oubliait le bonheur de sa fille dès que la reine le tenait sous son maléfice de faire l'impossible pour obtenir seulement un lapin du Bétourné.
Le sixième soir, Mal-Avenant se présenta au berger, sortit de sa poche une bourse pleine d'or et demanda à lui acheter un lapin.
- Il n'est or ni argent pour moi, répondit le Bétourné ; mes lapins ne vends, mais les garde pour la fille du roi. Pourtant je vous en donnerai un, à la condition que vous mangiez le petit tas de crottes que vous voyez là.

Le prince Mal-Avenant faillit s'étrangler de et châtier l'insolent ; mais, considérant la force du Bétourné, il se dit que cela ne le mènerait à rien.
A la réflexion, il se dit en outre que nourriture abjecte n'est pas mortelle, que le premier dégoût passé, il ne s'en souviendrait plus, et qu'enfin Aurore valait bien ce sacrifice.
Il avala le tas de crottes, et la dernière faillit lui rester dans le gosier. Il attacha solidement par les pattes le lapin qu'il avait si bien gagné et partit, cependant que le Bétourné ouvrait le premier sac et disait : "Vérité, entre dans le sac."
Le prince touchait presque aux portes du palais, lorsqu'il entendit un coup de sifflet. En même temps, le lapin, brisant ses liens rebondissait à terre et prenait sa course vers la garenne. Ce soir-là, le berger avait encore ses cent lapins.
Au septième soir, ce fut la reine qui se présenta devant le Bétourné. Elle lui tendit son diadème en même temps qu'une bourse pleine d'or, pour prix d'un lapin.
- Il n'est ni or, ni diamant pour moi, dit le Bétourné ; mes lapins ne vends, mais les garde pour la fille du roi.
"Pourtant, je vous en donnerai un à la condition que vous me baisiez sur le front.
La reine faillit s'évanouir d'indignation et faire châtier l'insolent ; mais, comme cela ne l'aurait menée à rien, elle se résigna à subir l'humiliation et à baiser le berger sur le front.
Elle prit le lapin, l'attacha par les pattes, l'enferma dans un panier ficelé à triple tour et partit, cependant que le Bétourné ouvrait le deuxième sac et disait : "Vérité, entre dans le sac."
Elle touchait presque aux portes du palais lorsqu'elle entendit un coup de sifflet. En même temps, le lapin, brisant ses liens et ouvrant le panier, rebondissait à terre et prenait sa course vers la garenne. Ce soit-là, le berger avait encore ses cent lapins.
Au huitième soir, ce fut le roi qui se présenta devant le Bétourné.
- Vends-moi un de tes lapins, lui dit-il, pour un beau gouvernement de mon royaume.
- Il n'est ni gouvernement ni honneur pour moi, dit le berger, mes lapins ne vends, mais les garde pour la fille du roi.
"Pourtant, je vous en donnerai un à la condition que vous baisiez le derrière de votre mule.
Le roi vit rouge et s'apprêtait à châtier l'insolent, quand il réfléchit que cela ne le mènerait à rien et qu'il valait mieux s'acquitter au plus vite de cette besogne dégradante. il baisa donc le derrière de sa mule, prit le lapin, le lia si fort qu'il faillit lui faire sortir les boyaux et le fourra dans un sac fermé à triple tour, cependant que le Bétourné ouvrait le troisième sac et disant : "Vérité, entre dans le sac."

Le roi touchait presque aux portes du palais, lorsqu'il entendit un coup de sifflet. En même temps, le lapin, brisant ses liens, sortait du sac, rebondissait à terre et prenait sa course vers la garenne.
Ce soir-là, le berger avait encore ses cent lapins.
Quand le Bétourné se présenta dans la salle du trône, il lut l'anxiété dans les yeux d'Aurore, rapport aux trois sacs de Vérité ; mais, il était trop sûr de lui à présent pour en être bouleversé.
Il tendit le premier sac de Vérité au roi qui l'ouvrit.
Aussitôt, les évènements du sixième jour, se rapportant au prince Mal-Avenant, allèrent s'inscrire d'eux-mêmes en une suite d'images, sur la muraille blanche, face au trône.
Mal-Avenant devint livide et faillit mourir d'indignation. La dernière crotte lui était revenue à la bouche, et il fallut lui administrer un cordial.
Le Bétourné tendit le second sac de Vérité que roi qui l'ouvrit.
Aussitôt les aventures de la reine, au septième jour, allèrent s'inscrire d'elles-mêmes en une suite d'images, sur la muraille blanche, face au trône. La reine s'évanouit et tomba sur le plancher. Ses demoiselles d'honneur lui firent respirer des sels qui la rappelèrent à la vie en même temps qu'au sentiment de son humiliation.
Le Bétourné tendit le troisième sac de Vérité au roi ; mais, celui-ci déclara solennellement à haute voix, qu'il se contentait de deux sacs de Vérité pour accorder la main de sa fille au plus beau seigneur de son royaume, car le Bétourné venait de se trouver soudainement revêtu de ses habits de cour. La souris blanche venait de passer.
Le mariage eut lieu en grande pompe ; oncques ne s'était vu si jolie mariée ni gracieux seigneur, son époux.
La Fée Blanche y tenait la place de la méchante reine à qui Aurore avait pourtant pardonné.
Elle ne quitta le palais qu'après les fêtes qui durèrent plusieurs jours et y revint l'année suivante pour être la marrainen d'un petit prince charmant.

En m'en revenant, passant près d'un moulin i marchis su la queutte d'ine souris :
Trit, trit, trit,
Mon p'tit conte est dit.

Francine POITEVIN, Contes, récits et légendes des pays de France
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