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 L'âme en peine

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Joa
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Joa


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L'âme en peine Empty
MessageSujet: L'âme en peine   L'âme en peine EmptyDim 24 Juin - 10:03

Dans tous les coins de France, on redoutait la présence des revenants ou retournants. Ces fantômes étaient tellement nombreux qu'on pouvait les classer en plusieurs familles. Dans celle des âmes en peine, on trouvait des pénitents condamnés à expier leurs fautes, mais aussi des trépassés qui n'avaient pas bénéficié d'une sépulture en terre consacrée et hantaient l'endroit où se trouvait leur dépouille.

Il en est peu qui soient irréprochables devant l'Eternel. Vous et moi, la mort nous surprendra. Si notre âme n'est pas sans tâche, alors l'entrée au ciel lui sera refusée. Elle errera dans l'espace, cherchant des prières indispensables à sa satisfaction définitive. La pauvresse est une âme en peine. 5ac
Entre Clessé, Saint-Germain-de-Longues-Chaumes et Fénéry, dans un champ du domaine de Bonnefontaine, a péri, je ne sais quand, tant la date est lointaine, un homme assassiné probablement, un pécheur sûrement. Depuis lors, le champ du crime, où son corps repose, est maudit.
Nous étions, un jour d'hiver, allés chasser à Bonnefontaine, où nous avons un pied-à-terre un de mes amis et moi. Nous avions décidé d'y coucher pour recommencer le lendemain la partie. Un gros brouillard nous avait, en rentrant à la maison, noyés dans son froid. Nous nous installâmes, les pieds sur les chenets devant un bon feu. Le frugal dîner fut court. Sur les huit heures, pour rompre le tête-à-tête monotone, vite ennuyeux, nous invitâmes le fermier à venir avec nous terminer la veillée. Au brouillard avait succédé la pluie, qui tombait dru, fouettant les carreaux. Un grand vent soufflait. Le fermier vint :
- Mes maîtres, bonsoir, je vais vous conter une histoire. Toi, mon garçon (s'adressant à son fils), va te coucher, tu n'as pas besoin d'entendre ce que je vais dire. Mes maîtres, savez-vous que je cultive un champ maudit, là, tout près, en face de Saint-Germain. Certains jours à l'approche de la nuit, on y entend des cris effrayants. Ils se prolongent pendant des heures, entremêlés d'appels désespérés et de râles d'un homme à l'agonie. Afin d'assister le malheureux, vous vous approchez en hâte. Rien ne s'offre à votre vue, mais de tous les p 5ac oints du champ, des soupirs de mourant s'élèvent, vous figeant le sang dans les veines. Une chasse, un vendredi saint, y passa. Les chiens y furent frappés par des mains invisibles, si durement qu'ils restèrent sur place, en hurlant lamentablement ; on eut grand-peine à les arracher vivants de ce sinistre lieu.
Il finissait à peine son récit que le vent redoubla. Les contrevents battirent violemment. L'eau des dalles tomba par paquets sur les vitres. Nous écoutions la grande voix de la tempête, à demi engourdis dans la chaude atmosphère, savourant avec délices un vieux vin d'Anjou, quand, subitement, une masse énorme avec un fracas épouvantable, descendant de la cheminée, s'abattit dans le foyer. Nos chiens, saisis de terreur, glapissaient dans les coins. La chambre était pleine de fumée, couverte de charbons enflammés. Et nous, brusquement secoués de notre torpeur, nous nous trouvâmes debout en son milieu, nous contemplant sans paroles, pâles comme des morts. Le fermier faisait un grand signe de croix.
- Il y a des choses, dit-il, dont il ne faut pas parler, ça porte malheur.
Il partit en murmurant des prières. En un tour de main, pour empêcher l'incendie des lits, nous balayâmes la chambre, pendant que le vent sifflait et soufflait de plus en plus fort, enragé. Nous constatâmes que la rafale avait déraciné la tête de la vieille cheminée, qui nous avait envahis. Je ne sais de quel sommeil nous dormîmes cette nuit-là 539 . Mais le lendemain, la pluie avait cessé, nous chassâmes. Nous passâmes et repassâmes, sans rien entendre, dans le champ maudit. J'y suis passé bien de fois depuis, il fut comme le rossignol du poète ... sans voix.

Casimir PUICHAUD, dans la Tradition en Poitou et en Charente, 1897
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