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 La Dame du Val-de-Fier

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Joa
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Joa


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MessageSujet: La Dame du Val-de-Fier   La Dame du Val-de-Fier EmptyDim 24 Juin - 22:56

L'héroïne de ce conte appartient à la famille des revenants tourmenteurs. "Tel vivant, tel mort" pourrait être la devise de ces retournants qui poursuivent leurs méfaits par-delà leur trépas.

A hauteur du village de Saint-André, en Savoie, et à l'endroit où les contreforts des deux massifs sont le plus rapprochés, le Fier s'engage dans un étroit goulot dont les pentes abruptes et boisées s'étendent sur une longueur de plus de quatre kilomètres et sont longées par la route qui va d'Annecy à Seyssel et qui a remplacé l'ancienne voie romaine. Ce site, empreint d'une impressionnante grandeur, est désigné sous le nom de Val-de-Fier ou, plus rarement, de Bagnes-de-Fier. La rivière s'engage en grondant et en bouillonnant dans un ravin profond au fond duquel elle se transforme en un véritable torrent.
A l'entrée du ravin se dressent les ruines d'une petite chapelle consacrée à saint André et qui en gardait autrefois l'entrée. Un peu plus loin on voit sur la rive gauche, au pied d'un roc immense surplombant à pic le torrent, les restes d'une très vieille maison que l'on appelle dans le pays la Chambre de la Dame. Cette maison, accrochée aux flancs du rocher, est pratiquement inacessible. Elle fut habitée, dit-on par une femme, mais ce fut en des temps très lointains et à une époque où les choses les plus invraisemblables paraissaient alors toutes naturelles.
L'étrange habitante de ces lieux fut, si l'on en croit les récits que l'on contait autrefois au coin du feu, une châtelaine qui possédait pourtant à Saint-André un fort beau manoir. Du temps qu'elle habitait son manoir, cette châtelaine était une personne fort peu recommandable. Quelque peu magicienne et sorcière, elle ne croyait guère qu'au diable et les habitants du pays la craignaient autant qu'ils la détestaient. D'une avide cupidité, sans pitié pour les malheureux, elle poursuivit spécialement d'une haine implacable les gens d'Eglise. Elle ne pensait qu'à augmenter sans cesse sa fortune pourtant déjà fort grande et vivait dans son château avec quelques mécréants de son espèce qui lui servaient de domestiques.
Mais un jour, une épidémie de peste noire s'abattit sur Saint-André et tua les habitants comme des mouches. La châtelaine prit peur et craignit d'être atteinte à son tour. Et comme elle tenait beaucoup à la vie, elle décida de fuir son castel et d'aller se réfugier au sein même du ravin, où elle pensa être à l'abri du mal. Elle fit donc rapidement bâtir la maison dont on trouve encore les vestiges et fit transporter toutes ses richesses. Puis, délaissant le village déserté, elle s'installa à l'entrée du défilé avec ses gens, dans cette demeure suspendue entre le ciel et l'eau.

Une fois retranchée dans son repaire, la Dame ne trouva rien de mieux que de rançonner les voyageurs qui passaient sur la route. Tel un renard s'élançant de son terrier, elle les guettait avec ses complices et les dépuillait sans vergogne de tout ce qu'ils avaient sur eux, argent, vivres, bijoux, etc. Elle s'attaquait de même aux pélerins qui fréquentaient la chapelle de Saint-André. Aussi pendant longtemps put-elle, avec sa bande, vivre largement et accumuler des richesses de plus en plus importantes dans son inacessible refuge.
Mais sa sordide avarice devait finir par la perdre. Elle ne laissait, en effet, à ses comparses qu'une part aussi réduite que possible des butins ramassés et ceux-ci finirent par se lasser de se voir ainsi dépouillés de la quasi-totalité des fruits de leurs rapines. Ils devinrent menaçants et demandèrent le partage équitable de tous les biens accumulés dans la maison. La sorcière, remplie d'effroi, eut alors, pour se retirer de ce mauvais pas, l'idée de faire appel à Satan, dont ces lieux décharnés constituaient un séjour de prédilection. Une nuit donc, après avoir procédé aux incantations d'usage, elle se trouva en face du maître des enfers et lui demanda de lui assurer un asile au sein même du ravin en s'engageant, en échange, à demeurer, jusqu'à la fin des temps, sa très humble et très obéissante servante. Le démon accepta le marché et aussitôt l'ancienne châtelaine fut transportée avec tous ses trésors dans une grotte située au coeur même du défilé, à l'endroit le plus sauvage et en un lieu où nul ne pourrait jamais la déloger.
Et, depuis, la Dame du Val-de-Fier reste nuit et jour près de ses richesses, qu'elle contemple et brasse sans cesse et dont elle peut désormais jouir pour l'éternité. De temps en temps elle s'en va, dit-on, errer à travers l'abîme. Diaphane et immatérielle, elle part vêtue seulement d'une longue robe blanche, les cheveux flottants au vent, portant sur son épaule un lourd sac d'argent. On la voit quelquefois sauter de roc en roc, semblable, sous la course de la lune, à quelque apparition druidique. D'autres fois c'est au sein d'un épais brouillard ou parmi de violentes rafales de vent qu'elle accomplit ses fantastiques randonnées. Et partout où elle passe, les rochers restent, dit-on, crevassés derrière elle et les buissons effleurés par sa robe sont roussis comme s'ils avaient été atteints par la foudre.

Malheur à ceux qui aperçoivent la blafarde silhouette de la Dame du Val-de-Fier car celle-ci, si elle ne s'en prend plus aux biens matériels des voyageurs, cherche désormais à les dépouiller de leurs âmes eu profit du suppôt des enfers. Mieux vaut donc ne pas se risquer la nuit aux abords de ces lieux infernaux. Et si l'on s'y trouve par hasard et que l'on vienne à rencontrer cette créature, fuir sans détourner la tête : c'est seulement ainsi que l'on aura quelque chance de sauvegarder son salut éternel.

Georges CHAPIER, Légendes de Savoie, 1945
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