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 Une belle mouture de menteries !

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Une belle mouture de menteries !   Une belle mouture de menteries ! EmptyDim 5 Aoû - 8:55

Tric, trac, sabot de bois en fer - cuiller à pot - soulier de menteur - marche sans bouger les jambes. Marche que je te marche qu'à force de marcher vite, voilà qu'on fait peu de chemin. Je passe par une forêt où il n'y a point d'arbres ; par une rivière où il n'y a point d'eau ; par un village où il n'y a point de maisons. Je frappe sans remuer les bras à une porte qui n'est pas là et tout le monde me répond d'entrer. Je referme la porte et salue la compagnie. A mes bonjours, tous se précipitent pour m'offrir un banc et je m'assois devant personne sur le feu glacé de la cheminée qui n'est qu'un tas de vents oubliés par la dernière tempête de beau temps. Plus je vous en dirai, plus je vous mentirai ; je ne suis pas payé pour vous dire la vérité... Ecoutez : il y avait une fois, une sacré bonne fois, un jour que c'était la nuit et que je dormais, debout la tête en bas, étendu à genoux sur mon lit, en lisant une lettre que je n'avais pas sortie de son enveloppe et où l'oncle de mon arrière-trisaieulle, celle qui a deux ans aujourd'hui, me disait qu'il était revenu à pied de Saint Martin de Ré aux Sables en passant par Paris pour aller plus vite et économiser le sou que coûtait le passage sur l'océan entre Noirmoutiers e l'île d'Oléron... Quand voilà que ma chandelle éteinte provoque des ombres sur le mur de la chambre d'un lointain cousin que j'avais complètement oublié en pensant à lui tous les jours. Je regarde par le trou de la serrure qui donne dans le grand coffre où on enferme le cochon pour qu'il ne galope pas toute la nuit à sauter les haies comme une jument à la recherche d'un âne et, qu'est-ce que je vois ? Je vois tout le Marais couvert d'orangers pleins de grappes de raisins blancs d'où on tire l'encre à écrire sur la farine et, au milieu, sur le côté, venant à moi en pleurant avec de grands rires, un petit vieillard alerte qui courait à la toute vitesse de ses deux jambes de cul-de-jatte et gesticulait avec ses bras de manchot.. C'était ma mère, celle qui est sacristain du Bon Bieu dans l'église, où on ne croit en rien puisque, ni le clocher, ni la nef, ni le porche, ni les murs n'ont jamais été là. Elle venait m'annoncer qu'il fallait vite me cacher en pleine vue de tout le monde parce que Napoléon me cherchait pour me conscrire dans son armée et aller battre Bismarck qui s'était allié à M. de Charette pour arrêter les chouans sur le champ de bataille de Poitiers où Charles Martel était encerclé par les Anglais qui avaient mis le feu à la Seine, si bien qu'un million de soldats battaient retraite en toute hâte, les pieds retenus, gelés dans l'incendie. Je n'hésitai point et, sautant sur mon vieux fusil en plume de bécasse, je visai l'ennemi : un sanglier qui rossignolait dans les branches touffuees du poteau télégraphique servant de fontaine municipale. Je l'atteignis au cul avec ma balle en suif et il gonfla, gonfla, énome à devenir petit comme une taupe. Mais, en me voyat, celle-ci détourna mon attention d'un battement de ses ailes de papillon vers un lièvre gras comme un gigot de sauterelle. J'avais faim sans appétit ; je mets les clous de mon sabot dans le canon de mon fusil ; je tire : pan... pan... pan... et je cloue le lièvre par les deux oreilles à une feuille d'ortie. je me précipite, ouvre mon couteau sans lame, lui fends la peau devant-derrière, et voilà qu'il s'élance pour se sauver tout en se dépouillant sans que je fasse la moindre fatigue parce qu'en sueur je frappai sans bouger de toutes mes forces, à grands coups de cognée sur le tronc de l'ortie sans parvenir à l'abattre. Je réussis à rattraper l'animal que le fit aussitôt cuire le surlendemain en l'embrochant à une pale de moulin qui tounait au fond d'un grand puits où on ne pouvait même pas glisser le petit doigt... Tric... trac... en veux-tu, en voilà. Moi je ne me fatiguerai jamais de parler tout haut sans rien dire puisque je cause en silence depuis plus de quatre-vingts ans à des tas de gens que je ne vois pas, vu que je suis encore dans le ventre de ma mère qui ne peut pas avoir d'enfant et qui n'a jamais touché à mon père. Je suis à cali, à caifourchon, à califourcha sur une grosse anguille, agrippé à ses oreilles velues pendant qu'elle m'allaite à goulée de chopines d'un vin de cailloux poussés sur un pied de poireau, et tric... et trac... et cétéra... en voulez-vous d'autres ?

Claude Seignolle, Contes, récits et légendes des pays de France
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