Un jeune homme revenait la nuit de frairie de Thiviers lorsqu'il fut rejoint sur la route par un cavalier dont il n'avait pas entendu la course.
L'inconnu lui proposa de le prendre en crupe sur sa bête, une belle jument fringuante. le garçon fatigué et peu farouche accepta l'offre et monta à califourchon derrière l'homme.
Celui-ci n'était pas bavard et tendait souvent l'oreille. A un moment un chien hurla à la mort comme on dit. Aussitôt, l'homme fit galoper sa jument dans cette direction.
Arrivé devant lamaison isolée à côté de laquelle hurlait le chien le cavalier sauta à terre et confia sa monture au jeune homme.
- On m'appelle par là, attends-moi, dit-il, et veille à ce qu'elle ne se sauve pas.
Dès que l'homme fut entré dans la maison, la jument commença à soupirer et, tout à coup, se plaignit avec... une vois de femme :
- Un, je peux le porter, mais deux, c'est trop lourd pour moi.
Interloqué, le jeune homme sauta à terre et, pensant que on imagination faisait des siennes, il s'adressa à la bête en se moquant de lui-même :
- Allons, belle jument, voilà que je deviens fou... j'ai cru t'entendre parler...
- Non, répliqua la jument, tu as ien entendu... je suis une demoiselle de Nontron qui, héls ! s'est vendue au Diable qui t'a conduit ici... si tu ne me crois pas, regarde mes sabots.
Il regarda et vit que la jument avait de jolis pieds de fille.
- A ta place, dit alors la jument, je ne restrai pas ici, le Diable a justement besoin d'un fort cheval pour tirer le fumier de ses écuries...
Le garçon s'enfuit et, aux dernières nouvelles, il courait encore.
Claude Seignolle, Contes, récits et légendes des pays de France