Un jour, un berger s'était égaré dans les bois de Finelle. Voyant la nuit venir, il monta sur un arbre afin d'y dormir en sécurité.
Vers minuit, il fut réveillé par un grand bruit, un bruit semblable au roulement d'un tambour. Il ouvrit grands ses yeux et it arriver de vieilles femmes qui portaient des torches. Elles vinrent s'asseoir en cercle juste sous son arbre. Au bout d'un moment, l'une d'elles se transforma brusquement en un grand Diable qui, aussitôt, prit la parole.
- Il manque une femme au rendez-vous. Où est-elle ?
Comme il finissait de parler, l'absente arriva toute essoufflée.
- D'où sors-tu ? lui dit le Diable.
- Je viens de chez le roi au palais duquel vient de naître une fille. J'ai donné à cette enfant un mal terrible dont elle ne pourra être guérie que si quelqu'un verse trois gouttes de sang humain dans son oeil droit.
- Tu as bien travaillé, ma fille, mais tâche d'arriver à l'heure une autre fois.
Après une heure de conciliabules, le Diable et sa troupe de sorcières se dispersèrent.
Alors le berger sauta de son arbre et courut chez le roi.
Au château, il trouva tout le monde en pleurs et demanda ce qui se passait.
- Notre princesse est atteinte d'un mal mystérieux qui la secoue de douleurs terribles et aucun dres médecins les plus illustres du royaume ne peut en découvrir la cause et la délivrer.
- Je vais guérir la princesse, dit-il alors.
On le conduisit au berceau. Il se piqua un doigt avec une aiguille et fit tomber trois gouttes de son sang dans l'oeil droit de la petite princesse. Aussitôt, les douleurs cessèrent et elle s'endormit, guérie.
- Berger, je vais te récompenser, dit le roi.
- Roi, ce n’est pas la peine, je ne veux rien.
Mais le roi le chargea d’or.
En rentrant chez lui, le berger trouva son frère qui lui dit :
- Qui t’a donné cet or ?
- C’est le roi.
- Pourquoi ?
Alors il lui raconta tout ce qui lui était arrivé.
Espérant une aussi heureuse aventure, le frère se dit :
"J'irai à mon tour m'installer sur cet arbre."
Le soir même, il était perché sur l'arbre.
La nuit vint noire. A minuit juste, la troupe des sorcières apparut, éclairée par des torches. Comme la veille, l'une d'elles se changea en Diable et, comme la veille, il prit la parole :
- Il manque une femme au rendez-vous. Où est-elle ?
Comme il finissait de parler, l'absente arriva toute essoufflée.
- D'où sors-tu ?
- Je viens de chez le roi au palais dequel était sa fille mourante et je viens de voir que quelqu'un l'a guérie.
- Qui a fait cela ? hurla le Diable, furieux, en se précipitant sur la sorcière.
- Sûrement celui d'en-haut, gémit cette dernière, voulant désigner le bon Dieu.
Dans l'arbre, le frère du berger, croyant qu'il s'agissait de lui et craignant qu'on lui fasse mauvais parti, cria :
- Non, ce n'est pas moi, c'est mon frère.
Le Diable et sa troupe de sorcières, ne doutant pas que c'était Dieu lui-même qui répondait, s'enfuirent affolés.
Plus mort que vif, le frère du berger attendit le jour pour rentrer chez lui et il se promit bien à l'avenir de ne plus se mêler des affaires du Diable.
Claude Seignolle, Contes, récits et légendes des pays de France
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