- Voici dit Séraphine, ce que j'ai aussi entendu raconter au sujet d'un petit enfant qui allait mourir. C'était un petit garçon d'environ un an. Sa mère le tenait dans son giron, et toute la famille était rassemblée autour d'elle. La personne de qui je tiens ce que je vous racontre était, à cette époque, une fillette de dix ans, soeur de l'enfant malade. Sa mère lui dit de prendre un instant son frère dans ses bras, pendant qu'elle préparerait le lit pour l'y coucher. Elle le prit, et presque aussitôt elle aperçut une colombe qui voltigeait par l'appartement où ils se trouvaient.
- Voyez mère, le beau pigeon qui voltige par la chambre ! dit-elle.
- Où donc ? répondit la mère, je ne vois rien.
- Tenez ! tenez ! au-dessus de votre tête ; vous ne le voyez pas ?
- Non, je ne vois rien ; c'est, sans doute, un pigeon entré par une fenête ouverte, et qui s'est envolé par le même chemin.
- Mais non, mère, voyez, il n'y a ni fenêtre ni porte ouverte.
Le pigeon ou la colombe disparut on ne sait comment, et l'enfant expira au même moment.
- Le pigeon était-il blanc ? demandai-je à ma conteuse.
- Non, répondit-elle, il n'était pas blanc.
- De quelle couleur était-il donc ?
- Il était lumineux et de couleur changeancte.
- Quand il disparut, avait-on ouvert la fenêtre ou la porte ?
- Non, il n'y avait ni porte ni fenêtre ouverte, et il s'en alla comme il était venu, on ne sait cmment. Ma mère, ajouta la conteuse, raconta ma vision au recteur de la paroisse, qui vint nous voir, et ne répondit autre chose que ces mots, en mettant sa main sur ma tête :
- Tu es une bonne petite fille, aimée du bon Dieu.
Ceci se passait en plein jour, entre neuf et dix heures du matin.
En ce moment, on entendit des frôlements d'ailes avec des petits coups secs, sur les carreaux d'une fenêtre, comme d'un oiseau qui voulait entrer.
- Jésus mon Dieu ! s'écria Yvonne, avec terreur
- Qu'avez-vous donc, Yvonne ? lui demanda-t-on.
- N'avez-vous pas entendu une anaon (âme de trépassé) frapper à la fenêtre, pour nous demander de prier pour elle ?...Dieu ait en pitié les pauvres âmes du purgatoire !
Et tous les assistants se signèrent, les hommes soulevant leurs chapeaux, et répétèrent :
- Dieu ait en pitié les pauvres âmes du purgatoire !
<<Une veillée bretonne en 1836>>,
Nouvelles Veillées bretonnes.
Bisous 
ALICE L'essentiel est invisible pour les yeux
Accueil