La Dame à la licorne, le plus remarquable ensemble de tapisseries de la Renaissance, doit sa découverte et peut-être sa survie à deux grands écrivains du XIXe siècle, George Sand et Prosper Mérimée. Exécutée entre 1490 et 1500 pour les La Viste, une riche famille de la noblesse de robe, l'oeuvre avait été conçue pour être exposée dans la salle à manger et le salon de leur château de Boussac, dans la Creuse. Des boiseries avaient été réalisées pour encadrer cette série de six tapisseries, les cinq premières consacrées aux cinq sens et la sixième s'intitulant "A mon seul désir". Après l'extinction de la famille La Viste, le château passa à divers propriétaires privés, jusqu'à son rachat en 1837 par la commune de Boussac, qui en fit le siège de la sous-préfecture. C'est à ce moment que George Sand, en voyage dans la région, le découvrit. La salle à manger et le salon avait été transformés en débarras et La Dame à la licorne était en train de moisir dans ses boiseries. Elle en parla à Mérimée, alors inspecteur des Monuments historiques.Ce dernier, ébloui par le chef d'oeuvre, offrit de l'acheter pour 3 000 francs au nom de l'Etat, mais malgré la modicité de la dépense, il ne fut pas suivi : la commission des Monuments historiques se contenta d'allouer 1 500 francs à la municipalité de Boussac pour qu'elle entreprenne des travaux de restauration. La municipalité empocha la somme, mais ne fit rien ; et les tapisseries continuèrent à se dégrader pendant des décennies. Ce n'est qu'en 1882, après d'interminables tractations, que l'Etat acquit La Dame à la licorne pour 25 000 francs et la confia au musée de Cluny, dont elle est depuis le plus bel ornement.