Saint-Etienne fut la première ville française à se doter, en 1827, d'une voie ferrée. Le projet se heurta aussitôt à l'hostilité générale. Les métiers du convoyage et des postes à chevaux se liguèrent pour incendir les wagons, faire dérailler les convois et sauter les chaudières. Le savant Arago fit campagne contre les tunnels, estimant que les brusques changements thermiques constituaient un risque majeur pour la santé des passagers. Quant aux mineurs des charbonnages, à la voie ferrée, ils auraient préféré un canal pour pouvoir y pêcher et améliorer ainsi leur ordinaire.
Une fois le calme revenu et les esprits apaisés, la ligne d'origine, longue de vingt et un kilomètres, disposait de cent soixante chariots que tractaient une quarantaine de chevaux. Les locomotives à vapeur, jugées encore dangereuses pour les personnes, étaient réservées au transport de la houille. Ce n'est que le 1er août 1844 que les chevaux furent définitivement remplacés par des machines à chaudière tubulaire et la ligne prolongée jusqu'à Lyon, la durée du trajet passant d'une journée en diligence à 2 heures 35, arrêts compris.
Pour le confort des voyageurs, la Compagnie fit recouvrir les banquettes de drap épais et garnir les fenêres de vitres avec tirants de cuir. Nombre de passagers n'hésitèrent pas à se tailler des gilets dans les draps et à utiliser les tirants comme bretelles. Comme quoi la dégradation du "matériel roulant" ne date pas d'hier !