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 La charrette de l'Ankou

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MessageSujet: La charrette de l'Ankou   La charrette de l'Ankou EmptyMar 8 Mai - 23:20

Ce soir-là, dans la chaumère, toute la famille et les voisins s'étaient réunis autour d'un bon feu de cheminée: on avait fait une belle flamblée pour toute la soirée. Chacun avait coutume, à la veillée, de raconter une histoire; une histoire à faire peur comme on les aime en Bretagne... Dehors, la pluie battait les carreaux et le vent soufflait sous la porte. Seule, la lumière du foyer éclairait faiblement la pièce. C'était autour de Tad Kozh, le grand-père, car on l'avait réservé pour la fin. On fit grand silence. Tad Kozh tira une bouffée de sa pipe: il semblait perdu dans ses pensées, sous son chapeau de feutre...
<< Vous tous qui m'écoutez, di-il, avez-vous déjà rencontré l'Ankou? >>
Chez nous, tout le monde connaît l'Ankou, mais on préfère de pas en parler trop. Ce soir-là, personne n'osait répondre...
- Sachez que, si une nuit vous rencontrez "Oberour ar Maro", l'envoyé de la Mort, ou si vous entendez sa charrette, quelqu'un mourra sûrement dans le voisinage!
- Taz Kozh, demanda Yann, un des petits-enfants, qui est l'Ankou?
- Mon garçon, l'Ankou est le dernier mort de l'année dans la paroisse, et il doit se charger d'emmener les morts, dans sa charrette, dans l'Autre Monde...
- Mais à quoi ressenble-t-il, grand-père? interrogza une fillette.
- Tu sais, Annaïg, c'est une sorte de grand squelette coiffé d'un large chapeau de feutre, comme le mien; il est recouvert d'un drap et tient à la main une faux dont la lame est montée à l'envers, vers l'extérieur. Il la lance en avant pour couper la vie...
Tad Kozh se leva et fit le geste de faucher avec ses bras: tout le monde se recula, effrayé.
- Bien sûr, reprit-il, l'Ankou se déplace en charrette, qu'on appelle en breton "Karrig an Ankou". << Elle est tirée par deux chevaux: le premier est maigre et efflanqué, tandis que le second est plutôt gras et fort. L'Ankou se tient debout à l'avant de sa carriole etsa tête tourne sur elle-même, comme une girouette. On dit que c'est pour mieux voir le pays qu'il doit parcourir >>.
Taz Kozh s'arrêta de parler. Le slence de la pièce était seulement troublé par le bruit de la pluie au dehors: chacun, inquiet, essayait d'écouter si une charrette n'allait pas venir...

<< Maintenant, reprit le conteur, je vais vous raconter l'histoire de Gab Lucas, un journalier, qui travaillait non loin d'ici, et qui fit une très curieuse rencontre.
Gab travaillait dans une ferme et, à la fin de sa journée, il s'en retournait chez lui retrouver sa femme, Madeleine, et ses cinq enfants. Il ne rapportait guère que dix sous, ce qui était peu pour un dur travail, mais Gab était courageux et ses patrons l'appréciaient beaucoup. Ce samedi-là, comme tous les samedis, ils l'avaient invité à boir un coup de cidre accompagné de chätaignes grillées, car on était en automne. Puis, on lui donna la paye de la semaine et la fermière lui dit:
Tenez, Gab, je vous ai préparé un sac de pommes de terre que vous donnerez de ma part à votre épouse.
Gab remercia ses maîtres, mit le sac sur son dos et s'engagea sur le chemin du retour. Il devait être dix heures du soir: la nuit était tombée, mais le ciel était clair et la lune haute. Notre journalier était tout heureux à l'idée de rapporter à la maison ses dix sous et ses pommes de terre: on pourrait les faire cuire et les manger avec du lard, pour régaler toute la famille! Tout joyeux à cette pensée, il sifflotait en marchant.
Mais au bout d'une petite heure de marche, les pommes de terre commencèrent à peser: il lui restait encore deux lieues à parc Si, au moins, je pouvais croiser une charrette sur mon chemin, se dit-il, cela e soulagerait grandement.
Bientôt, il aperçut le calvaire de Kerantour et décida de souffler un peu. Gab s'assit sur les marches, posa le sac à ses pieds et alluma une pipe.
Il allait repartir quand, tout à coup, il entendit les chiens des fermes avoisinantes hurler à la mort: 'Hou! Hou! Hou!". Leurs hurlements n'arrêtaient pas...
- Qu'est-ce que ce vacarme se dit-il.
Il se releva, tendit l'oreille dans toutes les directions pour voir ce qui pouvait bien se passer. Bientôt, il entendit une sorte de craquement qui venait du chemin de Nizilzi: on aurait dit le bruit d'une charrette, dont les essieux mal graissés faisaient: "wig-a-wag! wig-a-wag! wig-a-wag!".
- J'ai de la chance, pensa Gab. Ce doit être les maîtres de la ferme qui vont à Saint-Michel-en-Grève. Ils pourront bien transporter mon sac, cela me soulagera!
Il vit alors s'avancer péniblement sur le chemin, entre les talus bordés de chênes, deux chevaux tirant une charrette. Mais quels chevaux! Maigres, efflanqués, n'ayant plus que la peau sur les os... Ce n'était certainement pas ceux de Nizilzi, qui sont bien nourris: leur poil est bien lustré, tandis que ceux-ci sont couverts de poussière et de sueur: Quelle honte de traiter ainsi ces bêtes! pensa Gab.
Et la charrette! Elle grinçait de partout avec un bruit de chaînes assourdissant: "wig-a-wag! wig-a-wag!".
On aurait dit que les planches allaient se briser, tellement elles craquaient...
Debout, à l'avant de la carriole, se tenait un homme d'une maigreur effrayante: un chapeau de feutre à larges bords lui cachait le visage et sa main droite tenait une faux, tandis que de l'autre il guidait son attelage. Gab l'interpelle:
- Hé! l'homme! N'aurais-tu pas une place dans ta charrette pour y mettre mon sac? Je ne peux plus le porter tellement il est lourd! j'habite près d'ici, à Kerdrenken. Alors, si tu...
Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase que l'équipage passa sans s'arrêter: le charretier n'avait même pas tourné la tête vers lui pour le regarder...
- Il n'a pas dû m'entendre à cause du bruit, se dit Gab. Sans hésiter, il saisit son sac de pommes de terre, courut après la charrette et le lança à l'intérieur. Mais, en atterrissant, le sac passa au travers du plancher et tomba à terre.
- Voilà une karriolenn peu solide, se dit-il. Essayons encore une fois.
Il ramassa son sac, courut pour la rattraper et jeta son colis: "patatra!" .e sac défonça le fond et se retrouva à nouveau sur le chemin...
- J'ai sûrement pla visé, pensa Gab. Nullement découragé, le journalier rammasa spn sac et sauta dans la charrette avec son chargement: Crac! Il traversa le plancher et tous deux roulèrent dans l'herbe.
- Mallozh Doué! (Malédiction) pesta-t-il en se relevant.
Chos imcompréhensible, le conducteur ne s'était même pas retourné pour vois ce qui se passait... Il semblait ne s'être aperçu de rien...
Gab n'insista das davantage. Il rammassa son sac de pommes de terre et gagna sa maison tant bien que mal, tandis que la harrette s'éloignait dans la nuit: "wig-a-wag! wig-a-wag! wig-a-wag! wig-a-wag!".
Quand il arriva àKerdrenken, sa femme, inqiuète de son retard, le vit tout pâle et tout tremblant:
- Qu'as-tu mon ami? lui dit-elle. Aurais-tu fait une mauaise rencontre en route?
Il raconta sa terrible aventure. Quand il eut terminé, Madeleine lui dit:
- Mais, Gab, tu viens de rencontrer "Karrig an Ankou", la charrette de l'Ankou ! Cela annonce toujours un malheur dans le voisinage...
En entendant ces mots, le pauvre fallit s'évanouir: il vait compris que l'homme qui conduisait la charrette n'était autre que l'Ankou, l'envoyé de la mort!
Effrayé, Gab eut le sang glacé dans les veines et se dépêcha d'aller au lit. Toute la nuit, il grelotta de peur au fond des draps, se demandant ce qui allait lui arriver, tandis que sa femme essayait de le réchauffer.
Le lendemain matin, on entendit sonner le glas à l'église du village. Une voisine vint prévenir Madeleine que le maître de la ferme de Nizilzi était mot dans la nuit: il avait rendu l'âme vers dix-heures-et-demie, au moment précis où Gab rencontrait la charrette de l'Ankou, près du calvaire... >>

Le feu s'était éteit dans la cheminée. Tad Kozh se leva et chacun le suivit en se souhaitant << Noz vat! >> (bonne nuit) avant de rentrer chez soi...
Pour ma part, je vais en faire autant, si vous le voulez bien.

Anatole Le Braz - L'aventure de Gab Lucas - La légende de la mort

Bisous

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