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 Lodiâblou le Magicien

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Joa
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Joa


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Lodiâblou le Magicien Empty
MessageSujet: Lodiâblou le Magicien   Lodiâblou le Magicien EmptyDim 24 Juin - 23:01

Il existait jadis divers grimoires de magie diffusés par les colporteurs. Ils avaient pour nom la Poule Noire, les Clavicules de Salomon, le Grand et le Petit Albert ... Mais certains de ces ouvrages, qui comprenaient de terribles recettes et expliquaient comment pactiser avec le diable, étaient particulièrement dangereux pour qui n'était pas sorcier. Beaucoup de récits témoignent des mésaventures des imprudents qui tentèrent deles utiliser.

Il y avait autrefois, dans un hameau de ma montagne de Tarentaise, un magicien, ou sorcier, qu'on appelait Lodiâblou, ou simplement le Magicien, car c'est une vieille coutume de mon pays que d'appliquer sur chaque personne l'étiquette d'un ou plusieurs surnoms aussi succints mais aussi évocateurs que possible. Cet homme était petit, maigre, les épaules tordues, l'oeil chafouin, un duvet rare au menton, les doigts crochus comme la griffe d'un hibou. Et le pis de tout cela, c'est qu'il avait vendu son âme au diable ... Il cachait, dans une petite chambre secrète de sa maison, un gros livre : un gros livre relié d'une peau de bouc garnie de tous ses poils. Sur la première page était représentée une chauve-souris, les ailes étendues, la gueule ouverte ; et sur la dernière, un affreux crapaud, goîtreux et difforme. Entre la première et la dernière se trouvaient d'autres pages, bien entendu, remplies d'une écriture étrange, indéchiffrable au commun des mortels, et sur laquelle d'ailleurs il eût été dangereux de porter les yeux. Cela, c'était le livre de la magie. Lodiâblou le Magicien y lisait couramment, lui, et par ce moyen il obtenait du diable, son patron, tout ce qu'il voulait ...

La paroisse, de cette époque-là, était administrée, au spirituel tout au moins, par un excellent homme de curé. Celui-ci se faisait assister, dans ses délicates et difficiles fonctions, par un jeune vicaire, excellent garçon aussi, mais un peu trop curieux - Dieu lui pardonne ! - de maintes choses qui n'étaient point de son ressort. C'est ainsi que le vicaire, qui avait eu vent des faits et gestes du Magicien, désira voir celui-ci de près et le reconnaître. Au bout de quelques rencontres, le vicaire et le Magicien devinrent deux grands amis, ce qui peut paraître, de prilme abord, paradoxal et scandaleux, mais enfin telle est l'exacte vérité. Et, un jour, le vicaire dit au Magicien, son ami :
- Si tu me prêtais ton livre ... tu sais bien, ton livre ? ...
- Attention, lui répondit l'autre. Je vois ce qui t'attire ... Je veux bien te le prêter, mais attention ! ... Prends garde et suis exactement mes conseils, sans quoi le diable pourrait bien te jouer un mauvais tour, d'autant plus que je lui connais quelque aversion, sinon pour toi personnellement, du moins pour ton état ... Ce qui est certain, c'est qu'on ne badine pas avec lui, et l'important est de savoir lui tenir tête.
Ainsi, avant de donner le livre, le Magicien donna d'abord à son ami des conseils et des recommandations. Encore prévoyait-il quelque catastrophe. Mais le vicaire insistait, suppliait, promettait d'être prudent avec le livre, de le restituer bientôt, etc. Finalement, le vicaire emporta le livre.
- Sous prudent ... méfie-toi ... répéta encore le Magicien.
Mais, bah ! notre vicaire tout fier était déjà bien loin. Cela se passait le matin. Or, dans l'après-midi du même jour, voici ce qui arriva. Le Magicien, il faut bien l'avouer, ne retirait pas grand profit pécunière de ses relations avec le diable, et, pour vivre, il exerçait au surplus l'honorable métier de forgeron. Donc, cet après-midi-là, notre Magicien battait le fer sur l'enclume, et même il suait à grosses gouttes comme un simple mortel. Il y avait autour de lui, selon l'ordinaire, un cercle de personnes qui le regardaient travailler, car il était très habile et c'était plaisir de le regarder.

Tout à coup, il jette le marteau et, comme saisi d'une vive inquiétude, il se met à déambuler dans sa forge, de long en large, sans se soucier de ceux qui étaient là et ne perdaient pas un seul de ses mouvements. Il se frappait le front avec des gestes nerveux, et il murmurait entre ses dents, assez haut toutefois pour que tout le monde entende et comprenne :
- L'imprudent ! il ne sait pas se défendre ! ... Il se laisse étouffer ! ... Il se laisse étouffer ! ...
Le Magicien répéta deux ou trois fois ces mêmes paroles, d'une voix pleine d'angoisse, et toutes les personnes qui étaient présentes le regardaient et l'écoutaient, se demandant, non sans inquiétude à leur tour, ce qu'il voulait bien dire.
Brusquement, il s'échappa de sa forge et se mit à courir de toutes ses forces dans la direction du presbytère. Il faut savoir que le presbytère n'était pas très éloigné de la forge. Il y arriva comme une trombe, se précipita vers la chambre du vicaire, poussa la porte. Dieu, Seigneur, quel spectacle ! ...
Le vicaire, à bout de souffle, l'imprudent vicaire se tenait droit devant le fameux livre ouvert, et la chambre était toute pleine d'une épaisse nuée de mouches qui volaient en tounoyant autour de lui, le harcelaient, l'étouffaient, lui dévoraient les chairs, lui entraient dans les yeux, le nez, la bouche ... Satan, assis sur un coin de la cheminée, les jambes pendantes et l'oeil enflammé, animait cet essaim bourdonnant qui grossissait sans cesse, tourbillonnait toujours plus rapide et plus compact autour de l'infortuné vicaire. Celui-ci, au lieu d'avoir recours au livre, essayait de se défendre désespérément avec ses mains, ce qui ne réussissait qu'à exaspérer la multitude des mouches avides de son sang et de son souffle.
Le Magicien, lui, se précipita sur le livre et, par de certaines paroles, il conjura Satan de retirer ses mouches. Satan obéit aussitôt, et la chambre en un clin d'oeil eut repris son calme accoutumé. Mais l'infortuné vicaire, lui, était déjà plus d'aux trois quarts trépassé : une minute plus tard, et il était rendu tout à fait. Chacun son métier ... N'est pas magicien qui veut ! Le vicaire remit immédiatement le livre à son ami et jura que, désormais, il laisserait la magie de côté.

Jean BAL, Légendes de ma montagne, 1929
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